C’est ce que pense le cardinal français non-électeur Paul Poupard. Il est interrogé par Ouest-France :
“Quels grands thèmes vont dominer ce conclave ?
D’abord, ce que j’appelle la décroyance, la sécularisation de l’Occident. Nous avons besoin d’un pape qui ait pleinement conscience de ces défis tout en soulignant les signes encourageants, en donnant un élan. Le second grand sujet, c’est le positionnement vis-à-vis de la poussée de l’Islam. Enfin, toutes les questions liées à la place dans l’Eglise des laïcs, des femmes, au sujet sensible des divorcés remariés que Benoît XVI avait commencé à traiter.
Après les scandales de 2012, la Curie est un enjeu du conclave ?
Le Pape a beau avoir toutes les qualités que les journaux lui prêtent dans leur liste de « papabili », il est entouré de collaborateurs. A commencer par le cardinal Secrétaire d’Etat. Cette figure a émergé peu à peu dans l’histoire. Je souhaite que nous ayons un pape qui soit capable de constituer autour de lui une vraie équipe. Une équipe dans laquelle le cardinal secrétaire d’Etat serait un peu comme le Premier ministre, mais pas le ministre tout seul.”
Voilà une critique à peine voilée du cardinal Tarcisio Bertone, qui n’a clairement pas été à la hauteur de sa charge durant le dernier pontificat. Si le choix du pape est une lourde responsabilité, le choix, par le nouveau pontife, d’un Secrétaire d’Etat n’en est pas moins grande. Le premier acte d’un véritable chef, c’est de savoir s’entourer. Quel cardinal saura remplir cette lourde tâche ?
“Cette méthode, c’est un peu comme le « ticket » de l’élection américaine ?
Si les cardinaux optent pour un choc, comme en 1978,en allant chercher un successeur loin de Rome, le choix du Secrétaire d’Etat va être crucial. Pour avoir quelqu’un qui connaisse bien la curie tout en ne se substituant pas au pape.
C’était une des limites du pontificat sortant ?
Benoît XVI n’a voulu toucher à rien. Son successeur va se trouver devant une situation de fait. Il faut qu’il ait l’intelligence de dire : on ne peut plus continuer comme cela. Paul VI a été le seul pape récent à vraiment réformer l’institution. Il a institué le synode des évêques et la réunion des chefs de dicastère, tombée en désuétude depuis. A la fin du Concile, Paul VI avait dit aux évêques : vous allez partir, mais nous nous avons besoin de sentir le réconfort de votre présence, l’aide de votre expérience et le poids de votre autorité. Et puis tout cela s’est un peu effiloché. Il faut réactiver cet esprit.
Ce discours de la méthode est partagé ?
En partie, oui. Sinon, vous avez un pape qui vient de loin et s’en remet pour la gestion des affaires curiales, et on revient au problème précédent. Beaucoup me semblent avoir envie de sortir de l’état actuel, et c’est très sain.
Pour la première fois, la curie n’est donc pas un sujet tabou ?
Tout à fait. Y compris chez les cardinaux italiens, y compris chez certains cardinaux de Curie. Il y a une espèce d’évidence, on ne peut pas continuer comme cela.
je crois que Pie XII n’avait pas de Secrétaire d’Etat
Oui mais il était Romain — et quel Romain!