Jusqu’au bout donc Benoît XVI tente de régler le problème de la Fraternité Saint-Pie X. À vrai dire, présenter les choses ainsi, c’est finalement prendre la situation par le mauvais côté. Ce que souhaite le pape Benoît XVI, c’est parfaire, par la réintégration canonique de la Fraternité Saint-Pie X, son œuvre de restauration catholique, œuvre pour laquelle – il l’a dit le lundi 11 février dernier – il n’a plus les forces nécessaires.
par Christophe Saint-Placide
En sens inverse, on craint du côté de la Fraternité Saint-Pi X de collaborer à l’augmentation de la confusion religieuse, à l’amplification de l’incertitude théologique et dogmatique, à la démocratisation à grande échelle de la vérité religieuse soumise aux tendances et aux partis, voire à la transformation définitive de l’Église catholique en une sorte d’Église anglicane à grande échelle, mais découpée comme elle en branches diverses, unies par un minimum commun.
Cette crainte serait juste et justifiée si la Fraternité Saint-Pie X ne représentait qu’elle même.
Mais justement, ce n’est pas le cas. Malgré les imperfections de ses membres, elle porte en elle le poids de la vérité catholique, de la Tradition catholique, du dogme catholique. Réintégrer canoniquement la Fraternité Saint-Pie X dans l’Église, c’est certes prendre le pari de supporter des hommes pas toujours commodes, mais surtout de prendre le plus beau risque, qui est celui de la Tradition. Or celle-ci a sa propre force, sa propre capacité à séduire les cœurs catholiques. Tous les grands prélats l’ont dit, du cardinal Pie à Mgr Lefebvre, en passant par dom Guéranger. Il y a une force évangélisatrice propre à la vérité et à la Tradition.
La vraie question donc n’est plus de savoir si la Fraternité Saint-Pie X a confiance ou non dans le personnel romain. À juste titre, sa confiance sera relative, prudente. Mais a-t-elle confiance dans la force propre de la Tradition et de la vérité ? La réponse appartient à Mgr Fellay. Et c’est pourquoi nous vivons doublement un moment historique !
C’est dans ce sens, me semble-t-il, qu’il faut lire l’article de Jean-Marie Guénois que l’on trouvera intégralement sur son blog.
« Il est minuit moins le quart Mgr Fellay ». Cette parodie du titre du film consacré au Docteur Schweitzer, un grand protestant, est très mal choisie pour évoquer la très catholique question Lefebvriste, mais il se trouve que ce dossier qui semblait perdu pourrait marquer les tous derniers jours du pontificat de Benoît XVI. Des discussions, ultimes, sont en cours entre Rome et Ecône… Jusqu’au bout le Pape tente de trouver un accord.
J’ai moi-même écris après l’annonce de la démission de ce Pape le 11 février que ce dossier des négociations avec la Fraternité Saint Pie X fondée par Mgr Marcel Lefebvre s’annonçait comme l’un des « échecs » du pontificat. Si ce n’est son échec majeur : Benoît XVI a accepté toutes les requêtes de la Fraternité : réhabilitation de la messe selon l’ancien rite, levée des excommunications, proposition d’un accord doctrinal. Il y a mis tout son cœur de pasteur éperdu de l’unité du troupeau. Jamais un Pape n’avait consacré autant de labeur personnel à un dossier si particulier au risque d’être totalement incompris. Il a d’ailleurs subi une infamie mondiale lors de l’affaire Williamson.
Cette négociation, souvent considérée en Italie ou dans l’Eglise universelle comme une « question française » ne l’est pas en réalité. Elle est l’un des symboles du pontificat. Ce qui pourrait advenir ou échouer dans les jours qui viennent est donc très important à l’échelle de l’Eglise catholique.
S’il fallait en effet résumer en un mot le pontificat de Benoît XVI ce serait : réhabilitation de la foi et de l’identité catholique. Une image résume le tout. Les JMJ de Madrid ont vu, lors de la veillée et avant la tempête et le déluge qui s’est soudain levé, non pas le show d’un Pape devant plus d’un million de jeunes, mais un incroyable silence de prière devant une hostie consacrée… avec un Pape, à genoux, au premier rang. Dans la vision catholique, donc, l’adoration de… Dieu puisque l’Eglise considère que le Christ est « réellement présent » dans l’hostie consacrée sous « l’apparence » du pain.
Il faut ajouter ce fait : les monastères et séminaires qui sont remplis, les nouvelles communautés et les prêtres qui ont du rayonnement, sont le plus souvent des gens qui plient le genou devant l’Eucharistie.
On peut tourner en dérision cette pratique, la voilà toutefois réellement réapparue ! Lancée sous Jean-Paul II, ce retour de la foi eucharistique a comme trouvé son épanouissement sous le pontificat de Benoît XVI.
Et l’on ne comprend strictement rien à l’évolution actuelle de l’Eglise, ou alors seulement de l’extérieur, si l’on ne saisit pas cette clé de lecture essentielle.
Une autre façon de le dire, plus ramassée, serait la suivante – elle est sans aucune acrimonie pour les protestants : le pontificat de Benoît XVI a comme « dé-protestantisé » l’Eglise catholique. Au grand dam de l’aile progressiste. Mais c’est bien cette réalité objective qui fait grincer des dents.
Christophe Saint-Placide