Bien connu des lecteurs d’americatho, Edward Peters a été nommé par Benoît XVI référendaire auprès de son compatriote le cardinal Raymond Burke à la Signature apostolique. Il a abordé hier quelques questions d’ordre canonique relativement au futur statut de celui qui est encore notre Souverain Pontife. Des analyses d’intérêt, ce qui n’est pas pour m’étonner de la part de cet avisé canoniste…
La renonciation de Benoît XVI ne présage aucun problème pour le gouvernement de l’Église.
Nous savons exactement quand surviendra la vacance du Siège Apostolique (à 20 h le jeudi 28 février) et nous savons quelles lois gouverneront l’Église durant ladite vacance (Constitution apostolique Universi Dominici Gregis). Jusqu’à ce moment, le pape demeurera pleinement pape (canon 331), et après, il ne le sera plus. La plupart des chefs des dicastères romains cesseront alors d’assumer leurs charges et les horloges canoniques se remettront en marche pour aboutir au conclave qui élira le Pape à la mi-mars.
Ce dont le droit canonique ne traite pas, à ma connaissance – et que l’on n’a pas expérimenté depuis près de six siècles –, c’est le statut d’un ancien Pape. Je suis sûr que les experts en protocole du Vatican y travaillent, toutefois, voici mes ruminations. Elles ne sont, par la force des choses, que des premiers sentiments.
La résignation, dans le droit canon, n’affecte que les charges auxquelles on a véritablement renoncé. Benoît XVI a renoncé à ses charges distinctes mais indissociables de Souverain Pontife et d’évêque de Rome. Dès lors, au soir du 28 février, il ne possédera plus aucune de ces charges (ainsi que, nécessairement, celle de la basilique papale du Latran).
Toutefois, et avant son élection comme Pape en 2005, Joseph Ratzinger était cardinal de l’Église romaine et possédait, en tant que cardinal, un certain nombre de droits et de devoirs. Je n’ai pas connaissance qu’il ait renoncé à ces charges (bien qu’il ait abandonné le siège suburbicaire de Valletri-Segni qui est désormais détenu par le cardinal Arinze). Je suppose donc qu’ayant renoncé au souverain pontificat, Benoît XVI reprendra tout simplement sa place dans le Collège cardinalice, qu’il n’avait jamais quitté, et, bien évidemment, il sera membre régulier du Collège des évêques (canon 336).
Si le pape se contente de reprendre son statut de cardinal, cela éviterait quelques problèmes difficiles. Par exemple, il sera automatiquement soumis à la juridiction exclusive du nouveau Pape (canon 1405, § 1, 2ème) et il profitera de même des facultés d’entendre partout les confessions sacramentelles (canon 967, § 1). Pouvons-nous vraiment nous figurer l’alternative suivante : un ancien pape étant soumis à la juridiction de quelqu’un d’autre que le Pape qui lui succède, ou ayant besoin de facultés accordées par un ordinaire pour entendre des confessions ? Eh bien, si Benoît n’est pas cardinal le soir du 28 février venu – et bien avant l’arrivée du nouveau Pape qui pourra alors agir comme il le souhaitera – chacun de ces deux scénarios semble pouvoir se dérouler.
De plus, sitôt qu’il accepte la charge d’évêque de Rome, je pense que le Pape devient incardiné dans cette Église locale (canons 265 et suivant). Mais comme je ne vois aucun mécanisme par lequel un évêque perdrait son incardination quand il renonce à sa charge de gouvernement, il me semble ainsi que le cardinal Ratzinger devrait demeurer un clerc de l’archidiocèse de Rome, demeurant d’une manière générale lié aux règles qui s’appliquent à l’ensemble de ces clercs. Il pourrait être évêque émérite de cette Église locale (canon 185). Un expert en droit canonique italien pourrait nous dire si des évêques retraités en Italie demeurent toujours membres avec droit de vote de la Conférence épiscopale italienne (canon 454, § 2) mais, si l’on met de côté le fait que cela relèverait que du futur Pape, je pense qu’il est clair que Benoît [XVI] entend mener paisiblement une vie de prière et d’étude. La question est donc intéressante (à mon avis) mais plutôt hypothétique.
Il est d’usage en certains lieux, de donner à d’anciens Présidents ou Ambassadeurs qui ont renoncé à leurs charges, du « Monsieur le Président » ou « Monsieur l’Ambassadeur ». Je ne vois aucune objection à dire « Sa Sainteté, Joseph Ratzinger, Pape émérite et cardinal de la Sainte Église romaine ».