Je confesse – sans trop de honte – que je ne suis pas un lecteur régulier de “Libération” (ce qui, dans les temps orwelliens que nous vivons, désigne selon toute vraisemblance le quotidien de toutes les aliénations). Mais je reconnais volontiers qu’on y fait des trouvailles, tout à fait intéressantes, pour ne pas dire savoureuses.
Un lecteur de Riposte catholique, que je remercie vivement, a attiré mon attention sur une tribune parue de ce vénérable quotidien gauchisto-bancaire. Elle est signée d’un certain Benoît Schneckenburger, qui précise sa qualité de “professeur de philosophie dans l’enseignement public” (on devine vite, à le lire, que ce qui compte, c’est bien sûr le “dans l’enseignement public”; il aurait tout aussi bien pu être peintre en bâtiment “dans l’enseignement public” ou professeur de claquettes “dans l’enseignement public”…).
L’idée de base tient en une phrase: l’enseignement catholique serait un instrument pernicieux du viol des consciences. Le problème, pour M. Scheckenburger, c’est que l’enseignement catholique est “confessionnel et catholique” – et “donc” prosélyte. J’aurais plutôt tendance à trouver qu’il l’est trop peu, si je le regarde de façon générale. Mais, enfin, je comprends grosso modo ce que veut dire notre excellent professeur.
Je note en passant que tous les efforts de normalisation, voire de sécularisation, de trop nombreux établissement de l’enseignement catholique n’auront servi à rien. On peut bien aller jusqu’à supprimer le catéchisme à l’école catholique, on n’en reste pas moins “confessionnel et catholique” et “donc” prosélyte. Je précise que le “donc” est de M. Schneckenburger. On constate ainsi, une nouvelle fois, que les anticléricaux savent parfois mieux que nous quelle est la vraie nature de l’Eglise – et sa vraie nature, M. Schneckenburger a raison sur ce point, est d’être missionnaire.
Est-il besoin de préciser que M. Schneckenburger ne dit pas cela pour féliciter l’enseignement catholique de son oeuvre de libération des âmes enfantines? Mais permettez-moi de lui laisser la parole. Il a une façon de parler qui est si éloignée de la mienne que vous pourriez croire que je galège, comme on dit à Marseille:
Voilà qui devrait faire réfléchir tous ceux qui croient qu’en mettant leurs enfants à l’école privée, ils ne font que les exempter des influences fantasmées des pauvres et des immigrés : ils les soumettent également à une influence religieuse.
Ca alors! Un vrai scandale n’est-il pas? Alors qu’on croit simplement, en bon bobo, se trouver une école où nos chers petits ne se mêleront point à la populace, on découvre en prime, et avec horreur, que l’enseignement catholique n’est pas uniquement une façon de contourner la carte scolaire!
Vous me direz, ou plutôt vous lui direz, qu’il n’y a pas franchement tromperie sur la marchandise et que les parents qui choisissent l’enseignement catholique, même quand ils ne sont pas “grenouilles de bénitier”, le choisissent en connaissance de cause. Si tromperie il peut y avoir, elle serait plutôt pour nous, parents catholiques, qui avons parfois la désagréable surprise de découvrir que nos enfants ont appris des choses contradictoires avec notre foi et notre morale dans une école où nous croyions être en confiance. Vous lui direz surtout qu’après tout, c’est la loi Debré. Ces braves gens passent leur temps à nous tancer parce que nous serions trop peu respectueux des lois civiles (et ils n’ont pas tout à fait tort car je reconnais bien volontiers n’avoir aucun respect pour ces prétendus lois qui nient la dignité de la personne humaine de sa naissance à sa mort naturelle), et ils sont incapables de respecter une loi qui leur déplairait. Je ne suis pas du tout certain que la loi Debré ait été une bonne affaire pour l’enseignement libre en général et l’enseignement catholique en particulier, mais enfin, du côté des bons laïcards, c’est tout de même une bonne affaire: ils ont finalement acheté la paix scolaire à très bon compte, et ils se sont même offert par la même occasion un “service public de l’éducation” moins coûteux et plus performant que leur propre mammouth. De quoi se plaignent-ils donc?
Eh bien, ils se plaignent, comme toujours de payer! Ces gens sont incroyables!
C’est comme pour nos églises. Nos pères se sont saignés aux quatre veines pour offrir à Dieu et aux hommes des chapelles et des cathédrales, des hospices et des universités. Ils nous volent tout, mettant par la même occasion les pauvres et les étudiants sous la coupe de leur Léviathan tentaculaire. Nous passons l’éponge. Ils nous indemnisent à demi ou à dixième par le concordat – moyen de ne pas nous rembourser les spoliations et moyen d’asservir le clergé à l’Etat. 100 ans se passent. Ils recommencent leurs spoliations et, cette fois, sans la moindre indemnité. Mais, aujourd’hui, ils trouvent que ce qu’ils nous ont volé leur coûte un peu cher et ils voudraient les offrir aux musulmans (c’est sûr que c’est plus payant, tant sur le plan électoral que sur le plan capitalistique, si j’en juge par les opérations juteuses que tout ce beau monde fait avec les fanatiques du Golfe) ou les transformer en salles de shoot.
Pour l’enseignement, c’est la même chose. Nos aïeux ont fait, aux côtés de leur clergé, des efforts insensés pour faire de la France le pays le plus alphabétisé du monde. Les béotiens de la Révolution débarquent, trouvent parfaitement idiot et scandaleux d’éduquer le peuple qui doit en savoir le moins possible pour rechigner le moins possible à jouer les bêtes de somme, et ils détruisent tout simplement le système d’instruction le plus sophistiqué de l’époque. Au point qu’à la fin du XIXe siècle, avec leur soi-disant grande réforme de l’instruction gratuite, laïque et obligatoire, l’alphabétisation n’aura pas encore retrouvé le sommet de 1788. Quand je dis soi-disant grande réforme, je m’égare: ce fut effectivement une grande réforme. Funeste certes, mais grande. Car, à défaut d’introduire le “gratuit”, qui existait depuis longtemps; à défaut même d’introduire le “obligatoire” qui avait sa place aussi (sans être aussi généralisé qu’aujourd’hui); elle introduisit le “laïque”. Ce fut ainsi la première fois qu’en France, un Etat se sentit autorisé à enseigner une religion d’Etat (car le laïcisme en est une!) dans des établissements dont la fréquentation n’était pas facultative. Aux termes d’efforts inouïs, la France catholique parvient à maintenir un enseignement libre où les consciences des enfants n’étaient pas systématiquement violées par la propagande anti-catholique. Mais, évidemment, la conséquence de tout cela, c’est qu’il y avait deux France. Et la loi Debré a voulu en finir avec les deux France. Hélas, nous n’en avions pas fini. M. Savary, M. Peillon, et tant d’autres, sont là pour témoigner que nous n’en aurons fini que lorsque tous les petits enfants de France auront appris à bien haïr la religion qui a façonné leur pays. Ou lorsque la France sera redevenue catholique (et, croyez-moi, M. Schneckenburger, nous y travaillons!).
Mais, puisque nous l’apostrophons, revenons à notre docte tribun. Je pense, amis lecteurs, que vous avez compris où l’homme voulait nous emmener:
– 1er temps: c’est un scandale, dans l’enseignement catholique, il s’en trouve encore qui enseignent la foi et la morale catholiques, y compris quand elles s’opposent aux heureuses réformes que de généreux ministres socialistes ont imaginées pour nous.
– 2e temps: il faut d’ailleurs reconnaître que le scandale est dans les textes eux-mêmes, puisque, au mépris de toute “laïcité”, l’enseignement catholique est encore autorisé par la loi à être catholique.
– 3e temps: maintenant, MM. de l’enseignement catholique, il est temps de passer à la caisse (M. Schneckenburger dit plus élégamment que moi “de solder les comptes” – comme si ce n’était pas lui et les siens qui nous devaient un sacré paquet d’oseille!). Et voici comment le brave professeur conclut son poulet:
Alors oui, cette intervention de l’école catholique dans un débat de société doit nous conduire à réaffirmer le principe simple, mais garant de l’égalité et de la laïcité : école publique fonds publics, école privée fonds privés. Il est temps, non de rouvrir la guerre scolaire, mais de solder les comptes.
J’ai toujours eu un faible coupable pour ce vieux slogan des radicaux-socialiste: “école publique fonds publics; école privée fonds privés”. Personnellement, je suis pour. A la condition qu’on considère que mes impôts sont des “fonds privés”. Car, cher M. Schneckenburger, il y a effectivement une solution très simple pour solder les comptes (sinon ceux du passé, du moins ceux du présent et de l’avenir) sans ranimer la guerre scolaire: c’est tout simplement d’instaurer le chèque scolaire, ou tout autre réforme analogue, qui permettrait aux parents de choisir eux-mêmes l’éducation qu’ils veulent pour leurs enfants en faisant gagner des milliards d’euros à l’Etat. Mais j’ai comme dans l’idée que cette idée ne vous sourit pas… Peut-être, à tout prendre, dois-je supposer que ce que vous reprochez à la “propagande” de l’enseignement catholique, ce n’est pas qu’elle soit propagande; c’est qu’elle soit catholique, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas votre propagande. Au demeurant, si j’en crois les mesures envisagées par votre ministre de ce que l’on appelle encore par antiphrase l’Education nationale (à la fois anti-éducative et anti-nationale), vous ne voyez aucun inconvénient à arracher les enfants aux familles pour les formater selon vos voeux. Mais je m’égare: cela ne saurait être du prosélytisme, puisque c’est pour faire goûter à nos enfants les charmes des “Lumières” et les faire célébrer le culte de la “déesse Raison”, n’est-ce pas?
Merci, de la part d’une enseignante fidèle à l’enseignement catholique depuis trente ans, pour cet excellent article.
Je suis professeur de philosophie, catholique et souvent consternée par le délabrement moral et intellectuel qui règne dans nos établissements ; mes propres enfants en ont pâti…
Nous pouvons cependant être fiers du travail admirable des congrégations enseignantes et nous nous en inspirons pour
maintenir une tradition d’excellence et de CHARITE.
Superbement exprimé ! Mille MERCIS !!!