En préparation des commémorations du 21 janvier, j’ai l’habitude de publier chaque année quelque texte en rapport avec le Roy-martyr.
Après le discours de Sa Sainteté le Pape Pie VI proclamant de manière formelle que c’est bien en haine de la foi que le Souverain avait été exécuté (ici > www), après le testament du Roy ( ici > www) et le récit de ses dernières heures (ici > www), après le texte de son voeu au Sacré-Coeur de Jésus (ici > www), voici donc trente maximes et pensées écrites par Sa Majesté le Roy Louis XVI.
Je les ai trouvées dans le deuxième tome d’un ouvrage intitulé « Oeuvres de Louis XVI », publié – sans nom d’auteur – à Paris en 1864, aux pages 1 à 6 ; leur intitulé exact y est : Maximes écrites de la main de Louis XVI.
Voici en outre le texte de la note qui les présente :
« Louis XVI, en cherchant à se représenter, sous des formes nouvelles, des vérités qui sont de tous les temps, a suivi l’exemple des auteurs qui ont écrit des observations morales, auxquelles on est convenu de donner le nom de Maximes. Les moralistes les plus célèbres n’ont fait que répéter ce que d’autres avaient dit et souvent publié avant eux. Il n’y a que la forme de changée ; et quoiqu’on nous dise que la vérité doit être absolument nue, les écrivains, les poètes surtout, ne s’occupent qu’à la parer d’ornements qui lui donnent plus de majesté ou plus de grâce ; mais c’est surtout à lui donner un air de nouveauté que les écrivains s’exercent ; et voilà pourquoi la plupart, en cherchant l’originalité, n’atteignent que la bizarrerie.
Ce n’est point comme moraliste, ou comme littérateur, que Louis XVI a écrit ces Maximes, qui ne sont en quelque sorte que des souvenirs. Les vérités qu’il a retracées lui paraissaient sans doute usuelles, car la plupart sont relatives au poste auguste où la Providence l’avait placé. On ne doit donc point les juger comme ces pensées où un auteur peint le genre de son esprit et le caractère de son style, plus encore que la morale qui lui est propre ; ici je ne vois point l’écrivain, mais j’admire les vertus du Prince : c’est toujours Louis XVI se peignant lui-même. Sous ce point de vue, le seul véritable, et qui me dispense d’établir un parallèle entre ces maximes et celles d’autres moralistes, ce petit Recueil de pensées me paraît précieux, parce que les principes que le monarque y rappelle sont en harmonie parfaite avec ceux de ses autres écrits, et avec sa conduite dans les circonstances les plus difficiles. Sous d’autres rapports encore, ces Maximes pourraient paraître remarquables, car une expérience fatale a dû nous apprendre que plusieurs renferment de hautes leçons de sagesse. »
Sans nul doute, ces Maximes sont-elles l’expression de la réflexion et des convictions du Souverain : on y reconnaîtra son souci de la justice, aussi bien que la profondeur de sa culture, sa recherche de la vertu – inspirée par la foi – , et la maturité de son jugement… etc.
A cette lecture, toute personne sensée se prend à rêver d’avoir aujourd’hui en France, à tous les niveaux, des chefs formés à un tel souci du bien commun et animés de semblables convictions, à la place des pantins et marionnettes que l’on voit s’agiter de tous côtés…
Lully.
Sa Majesté le Roy Louis XVI (buste par Boizot en 1777 – Versailles)
Maximes écrites de la main de Louis XVI.
I
Il ne dépend pas toujours du Roy de rendre ses sujets heureux ; mais il dépend toujours de lui de s’en servir utilement, en les employant à ce qu’ils savent faire.
II
Faire du bien, entendre dire du mal de soi patiemment, ce sont là des vertus de Roy.
III
Faire du bien aux autres, c’est en recevoir soi-même.
IV
La meilleur manière de se venger, est de ne point ressembler à celui qui nous fait injure.
V
Celui qui refuse d’obéir à la raison universelle et politique, c’est-à-dire à la Providence, ressemble à un esclave fugitif ; celui qui ne la voit pas est aveugle.
VI
Il ne faut pas recevoir les opinions de nos pères comme des enfants, c’est-à-dire par la seule raison que nos pères les ont eues et nous les ont laissées, mais il faut les examiner et suivre la vérité.
VII
Etre heureux, c’est se faire une bonne fortune à soi-même, et la bonne fortune, ce sont les bonnes dispositions de l’âme, les bons mouvements et les bonnes actions.
VIII
Il faut recevoir les bienfaits de ses amis, sans ingratitude et sans bassesse.
IX
Une franchise affectée est un poignard caché.
X
Donnons à tout le monde ; plus libéralement aux gens de bien, mais sans refuser le nécessaire à personne, pas même à notre ennemi ; car ce n’est ni aux moeurs, ni au caractère, mais à l’homme que nous donnons.
XI
C’est une grande ressource que le témoignage d’une bonne conscience.
XII
La Religion est la mère des vertus ; le culte que l’on doit à Dieu doit être préféré à tout.
XIII
Pour aimer, il faut connaître ; pour connaître, il faut éprouver. Je ne donne mon amitié qu’avec une extrême précaution.
XIV
Les mauvais musiciens et les mauvais poètes sont insupportables à ceux qui les écoutent ; mais la nature les a mis en possession d’être enchantés d’eux-mêmes.
XV
Applaudir aux injures, goûter le plaisir de la médisance, quoiqu’on n’en fasse pas soi-même les frais, c’est devenir coupable.
XVI
Les querelles de parti ne sont que des étincelles passagères, quand le souvenir ne s’en mêle pas ; elles deviennent des incendies et des meurtres, lorsqu’il leur donne du poids.
XVII
Les fausses marques d’estime et d’amitié semblent permises en politique, mais elles ne le sont jamais en morale ; et, à bien les examiner, la réputation de fourbe est aussi flétrissante pour un prince, que nuisible à ses intérêts.
XVIII
Un prince avare est pour les peuples comme un médecin qui laisse étouffer un malade dans son sang ; le prodigue est comme celui qui le tue à force de saignées.
XIX
Quiconque veut assujétir ses égaux, est toujours sanguinaire ou fourbe.
XX
La mauvaise fortune est aussi le thermomètre qui indique en même temps le refroidissement de ses amis.
XXI
C’est dans l’âme de Marc-Aurèle, bien plus que dans ses maximes, qu’il faut juger l’homme et le monarque.
XXII
Un ouvrage écrit sans liberté ne peut être que médiocre ou mauvais.
XXIII
Une chose ne mérite d’être écrite qu’autant qu’elle mérite d’être connue.
XXIV
L’institution du soldat est pour la défense de la patrie ; le louer à d’autres, c’est pervertir à la fois le but du négoce et de la guerre ; s’il n’est pas permis de vendre les choses saintes, eh! qu’y a-t-il de plus sacré que le sang des hommes?
XXV
En politique, on devrait faire un recueil de toutes les fautes que les princes ont faites par précipitation, pour l’usage de ceux qui veulent faire des traités et des alliances. Le temps qu’il leur faudrait pour les lire, leur donnerait celui de faire des réflexions qui ne sauraient que leur être salutaires.
XXVI
Il faut distinguer la flatterie de la louange. Trajan était encouragé à la vertu par le panégyrique de Pline. Tibère était confirmé dans le vice par les flatteries des sénateurs.
XXVII
Les fléaux célestes ne durent qu’un temps ; ils ne ravagent que quelques contrées, et les pertes, quoique douloureuses, se réparent : mais les crimes des roys, font souffrir longtemps des peuples entiers.
XXVIII
Les princes de Machiavel sont comme les dieux d’Homère que l’on dépeignait robustes et puissants, mais jamais équitables. Louis Sforce avait raison de n’être que guerrier, parce qu’il n’était qu’un usurpateur.
XXIX
Il serait à souhaiter pour le bonheur du monde, que les roys fussent bon, sans être cependant trop indulgents, afin que la bonté fut en eux toujours une vertu et jamais une faiblesse.
XXX
Un roy qui règne par la justice, a toute la terre pour son temple, et tous les gens de bien pour ministres.