Soir du 1er janvier 2013.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
La nuit est descendue sur la vallée, puis sur les sommets.
Les ténèbres ont enveloppé le hameau.
Le Jour de l’an a passé, comme a passé l’année qui n’est plus et comme passeront tous les jours de la nouvelle année qui vient de commencer.
Mais toutefois c’était le Jour de l’an…
De nombreux, très nombreux messages – plusieurs centaines – sont arrivés au Mesnil-Marie : quelques uns par courrier, quelques autres par « textos », la grande majorité par le moyen d’Internet.
Sans doute y a-t-il quelque chose de gratifiant dans cette avalanche de « Bonne Année » et de « Meilleurs Voeux »… Aux formules d’usage, se trouve plus d’un ajout personnel de nouvelles ou d’informations, qu’il me faudra relire et reprendre à tête reposée.
Derrière chaque message, il y a pour moi un visage, une histoire, des échanges, une vie, des vies, des soucis, des consolations, des maladies, des joies, des deuils, des espérances, des déceptions, des luttes, des succès, des échecs, des victoires, des déconvenues, des sourires, des larmes, des coeurs…
Derrière chaque message, il y a pour moi, sans qu’il soit forcément besoin de le dire, des intentions que je porte – que vous y croyez ou non – dans ma prière ; et quand je parle de prière, je ne désigne pas par là quelque pâtenotre plus ou moins régulière, mais ce qui habite en continu mon être profond de religieux, toute la tension de mon âme et de ma vie vers Dieu, à chaque instant…
Cette phrase de mon très cher Gustave Thibon, que j’ai déjà eu tant d’occasions de citer, permettez-moi de la citer encore car elle a ici sa place, toute sa place :
« Prière. – Je prie pour vous – cela ne signifie pas que je prononce de temps en temps quelques paroles en pensant à vous ; cela signifie que je me sens responsable de vous dans ma chair et dans mon âme, que je vous porte en moi comme une mère porte son enfant, que je veux partager, et non seulement partager, mais attirer entièrement sur moi tout le mal, toute la douleur qui vous menacent et que j’offre à Dieu toute ma nuit pour qu’il vous la rende en lumière ».
Comment – à moins d’employer plusieurs secrétaires – répondre à chacun, et dans des délais raisonnables?
Comment sinon, et autrement qu’avec des formules convenues tellement ressassées qu’elles semblent n’avoir plus ni coeur ni âme, répondre à tous, sans tomber dans l’énoncé de banalités polies, mais de manière à ce que chacun se sente vraiment pris en compte?
Comment adresser un seul et même texte à tant de personnes diverses qui sont toutes pour moi des êtres uniques, pour lesquels j’ai une estime particulière et unique : des athées, des agnostiques, des personnes étrangères à la foi, des chrétiens non catholiques, des catholiques qui se sont éloignés de la foi et de l’Eglise, des fidèles de rite « ordinaire », des « tradis »… etc.?
Comment?
Me sera-t-il permis, afin de vous adresser mes voeux, de commencer par une anecdote qui n’a, a priori, rien que de très ordinaire?
Ce matin du 1er janvier – parce que dans l’Eglise universelle ce jour est une fête de précepte (canon 1246 §1) – , j’ai pris la route pour me rendre à la Sainte Messe dans ma paroisse de rite latin traditionnel, ce qui implique, vous le savez, la traversée du massif du Mézenc pour rejoindre le Velay.
Et ce matin du 1er janvier, au dessus de 1200 m d’altitude, il neigeait.
Le vent soufflait. Les flocons tombaient, serrés. La route étroite qui serpente sur les flancs du massif était totalement recouverte par la traîtresse et blanche enchanteresse : sans les bâtons fluorescents, piqués tous les dix mètres sur les deux bords, il ne serait pas aisé de repérer la limite du fossé.
Il faut avancer avec grande prudence, sans à-coups, toutes capacités d’observation, d’analyse de la situation, d’intelligence et d’anticipation en éveil ; il ne faut pas seulement être maître du véhicule, il faut encore avoir la pleine maîtrise de ses propres réactions, de ses peurs et des ses réflexes au moment où – inexplicablement – malgré le régime réduit auquel on avance, et malgré la fiabilité des pneus dont la voiture est équipée, le dérapage s’amorce…
On ne sait pas, on ne peut pas savoir, ce qu’il va y avoir derrière ce rideau de conifères, ce que l’on va trouver à cet endroit précis qu’un virage dérobe à votre vue, ce qui va se passer à l’instant où quelque pan de rocher détaché va dévaler le talus pour s’écraser sur la chaussée.
Mais on sait ce que l’on fait ; on sait où l’on va ; on sait – au-delà de ce qu’il nous est donné de voir dans l’instant présent – ce, encore invisible, à quoi l’on tend et les moyens que l’on se donne pour y parvenir ; on sait que l’on n’y arrivera pas sans prudence et sans persévérance, sans ténacité et sans effort, sans force intérieure et sans volonté…
Il faut savoir ce que l’on veut, et il n’y a pas de vraie volonté sans mâle résolution, sans farouche détermination, sans paisible conviction, sans la force du détachement de ses impressions.
Il faut être dans l’absolue cohérence de ce que l’on a résolu, décidé, voulu, et des moyens que l’on se donne pour y parvenir.
Impossible d’arriver au but sans cela!
Chers Amis! On vous a déjà souhaité la santé, la prospérité, le bonheur familial, la réussite dans vos projets : il est bien évident que je voudrais moi aussi que l’année qui vient de commencer soit pour vous exempte de maux et féconde en bienfaits.
Il est bien certain que je souhaite tout le bien possible à tous les hommes de cette terre ; tous, sans en excepter ceux qui – volontairement ou involontairement – ont été pour moi des occasions de souffrance parfois…
Il est absolument vrai que mes voeux, et plus encore ma prière, demandent avec ferveur la cessation de tout mal et la plénitude du bien…
Mais parce que je ne suis pas un idéaliste déconnecté de la réalité et que je ne vis pas dans un monde de bisounours, je sais que l’année 2013 sera marquée par des difficultés et des épreuves, qu’elle aura ses lendemains qui déchantent, ses moments de lassitude et ses tentations de découragement…
Alors laissez-moi vous souhaiter ce que bien peu vous ont souhaité, du moins je le crains.
A chacun d’entre vous selon ce qu’il est, je souhaite d’être chaque jour, par dessus tout et malgré tout, dans une écoute attentive de ce qu’il y a de meilleur dans son coeur, de ne jamais douter de la possibilité du Beau, du Bien et du Vrai, et de ne jamais aller contre sa conscience.
A chacun d’entre vous selon ce qu’il est, je souhaite d’avoir toujours la volonté de progresser intérieurement et de savoir discerner avec prudence, intelligence et sagacité les moyens à prendre pour y parvenir.
A chacun d’entre vous selon ce qu’il est, je souhaite, lorsque sa route deviendra glissante, difficile à repérer, pleine d’incertitudes et de dangers, de se souvenir toujours de ce qu’il a résolu aux heures de lumière et de paix, et de ne jamais se décourager.
A chacun d’entre vous selon ce qu’il est, je souhaite de ne jamais manquer de persévérance, de ne jamais renoncer à l’effort, de ne jamais se laisser guider par ses peurs.
A chacun de vous selon ce qu’il est, je souhaite d’être attaché au bien par toute la force d’une vraie volonté et, sans compromission, d’être chaque jour pleinement cohérent avec le Bien auquel il prétend être attaché…
A tous ceux qui sont croyants je souhaite en outre d’une manière toute particulière d’être attentifs, pour les éviter, aux pièges si subtilement insidieux de la suffisance et du pharisaïsme ; je souhaite d’être véritablement tourmentés par une délicate et toujours plus profonde charité qui ne les laissera plus en repos ; je souhaite de travailler avec toujours plus de zèle à leur propre conversion pour devenir de vivantes images du Coeur doux et humble de Jésus.
Et à ceux qui se plaignent de la malice des temps, je livre – pour terminer – cette belle sentence de notre glorieux Père Saint Augustin : « Les temps sont mauvais? Soyons bons et les temps seront bons, car nous sommes le temps. »
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.
Merci du fond du coeur de vos voeux très fraternels et chaleureux. Je recommande à vos prières toute ma famille et mes amis dans l’affliction, tous ceux que je ne connais pas mais qui ont besoin de Dieu, sans le savoir …. Que le Seigneur me donne le courage du chapelet.
Union de prière.