Savita Halappanavar |
Les grands médias de tous les pays reprennent en chœur la substance de ce titre : « Une femme meurt après s’être vu refuser l’avortement. » En chœur, d’Inde aux Etats-Unis et des Pays-Bas aux pays hispanophones, c’est la même « info » qui circule : Savita Halappanava, en pleine fausse couche, n’a pas obtenu qu’on « termine » son « fœtus » et elle en est morte.
Mais elle est morte de septicémie, pas d’avoir été enceinte… Et nul ne peut dire aujourd’hui que l’avortement aurait en effet sauvé sa vie.
Bien entendu, l’ensemble de la presse qui vit d’abord de la publicité et du soutien de la finance ose le soutenir au moins par l’insinuation, et en profite pour rappeler que l’avortement est interdit en Irlande parce que l’Irlande est catholique, et qu’il est grand temps que cela cesse.
Et cette affaire semble venir, pour les promoteurs de la culture de mort, doublement à point.
1. Il y a deux mois à peine, un symposium international de médecins et de professionnels des soins en Irlande affirmait qu’il n’est jamais nécessaire de pratiquer un avortement pour sauver une vie maternelle, précisant que pour autant on peut toujours apporter les soins nécessaires pour sauver la vie de la mère, même si ceux-ci ont pour effet non désiré de provoquer la mort de l’enfant à naître. (Ici sur mon blog.) Voilà qui permettrait de ridiculiser cette assertion ?
2. Il y a deux ans, l’Irlande fait l’objet d’une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’arrêt rendu en 2010 ne condamnait pas l’Irlande pour avoir refusé des avortements mais il est tout de même utilisé, en raison de certaines de ses argumentations, pour demander qu’un jugement de la Cour suprême irlandaise imposant l’accès à l’avortement en certains cas soit enfin traduit en droit, ce que cinq gouvernements successifs ont refusé de faire. (Voir ici notamment.) Il se trouve même que le gouvernement actuel vient cette semaine de se faire remettre un rapport sur cette question, précisément.
Mais derrière ces réactions fortement prévisibles et l’agitation aussitôt mise en place par le lobby de l’avortement, il importe de connaître la vérité. Celle-ci ne tient pas en un slogan ou un jugement à l’emporte-pièce, et ce d’autant que l’enquête officielle qui va tenter de comprendre les causes de la mort de la jeune femme de 31 ans alors qu’elle était enceinte de 17 semaines et tellement heureuse d’attendre son premier bébé ne fait que commencer, à la demande du Parlement irlandais.
Voici ce que l’on sait, si l’on peut considérer les récits de la presse comme fiables.
La jeune femme, Savita Halappanavar, et son mari Praveen viennent de familles aisées en Inde. Elle est dentiste. Ils s’installent en Irlande, dans le comté de Galway, en 2008. Et décident d’y mettre en route leur premier enfant parce qu’ils ont entendu le plus grand bien des soins offerts aux femmes enceintes et aux parturientes dans ce pays.
Le samedi 21 octobre, ils reçoivent de nombreux amis à dîner pour leur annoncer la bonne nouvelle de la grossesse de Savita, qui en est à 17 semaines. Le lendemain, prise d’importantes douleurs dans le bas du dos, la jeune femme se rend aux urgences. Elle apprendra bientôt (le même jour ? lundi ? les récits divergent) qu’elle est en train de faire une fausse couche. Souffrant beaucoup, elle réclame que l’on mette fin à sa grossesse ; selon Praveen, on lui répond que c’est impossible tant que l’on perçoit battre le cœur de l’enfant. « Nous sommes dans un pays catholique ici », lui répondent les médecins, selon ce que rapporte Praveen.
Le cœur de l’enfant ayant cessé de battre le mercredi 24 octobre, on pratique un curetage mais Savita souffre d’une infection importante qui ne sera pas jugulée. C’est seulement le mardi 23, selon certaines sources, qu’on a commencé à lui administrer des antibiotiques. Le 28 octobre, sans qu’elle ait repris conscience, la vie la quitte. Praveen ramène sa dépouille en Inde où elle a été incinérée le 3 novembre.
Les questions qui se posent sont multiples. De quand date l’infection ? A quel moment s’est installée la septicémie ? Etait-elle liée à la fausse couche ? Aurait-elle été évitée par l’avortement ? Aurait-elle été jugulée par l’avortement ? A cette dernière question, on peut on tout cas répondre sans hésiter « non », car l’avortement n’est en aucun cas un soin, un médicament ou un moyen de rendre la santé.
Praveen Halappanavar a donné son avis à l’Irish Times, rapportant les réactions scandalisées de sa belle-famille en Inde qui compte de nombreux médecins. Certains se sont même moqués de lui. Comment, au XXIe siècle, on refuse un avortement à une femme qui va mourir ? Comment peut-on laisser durer deux jours le déroulement d’une fausse couche, alors que le fait d’avoir l’utérus ouvert favorise l’infection ?
Je ne suis certes pas compétente pour évaluer le bien-fondé de cette dernière affirmation, mais il me semble que si c’est le cas, la cause de la mort n’est ni la fausse couche, ni le refus d’avortement, mais le fait que l’infection n’a pas été prise à temps. Que des antibiotiques n’ont pas été administrés : préventivement peut-être ? Quoi qu’il en soit, l’important groupe pro-vie irlandais, Youth Defence, relève le possible retard d’administration d’antibiotiques et souligne que cela se révèlera peut-être comme cause de la mort.
SPUC, la plus ancienne et la plus importante organisation pro-vie du Royaume-Uni, souligne de son côté que si la mise à mort directe d’un enfant est dans tous les cas un délit en Irlande, la loi irlandaise oblige les médecins à traiter les mères lorsque la sauvegarde de leur vie l’exige et qu’ils peuvent le faire en prenant le risque de provoquer indirectement la mort de l’enfant. L’organisation rappelle également que des avortements « sûrs » pratiqués dans les conditions prévues par la loi à travers le monde sont suivis d’infections, de septicémies et parfois de la mort de la mère…
A l’inverse, selon une dépêche citée par un média indien, NDTV, l’OMS considère l’Irlande comme le pays « inhabituellement sûr » pour les femmes enceintes. Le taux de mortalité maternelle y est de 3 pour 100.000, contre une moyenne de 14 en Europe et en Amérique du Nord (environ 8 en France), 190 en Asie et 590 en Afrique. Autrement dit, c’est dans un des seuls pays « développés » où l’avortement est totalement proscrit que la santé maternelle est la mieux protégée.
Cela n’empêche pas le lobby de l’avortement de rendre aujourd’hui directement responsable « l’éthique catholique » de la mort de Savita.
Et cela sent tout autant la manipulation que cette autre affaire évoquée ici en août, où l’on accusait faussement un refus d’avortement d’avoir causé a mort d’une jeune fille en République dominicaine.
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