Le commencement – enfin ! – d’un débat sur le “mariage” homosexuel en France a suscité des prises de position d’intérêt : pourquoi continuer à célébrer, par exemple, un mariage religieux après le mariage civil si ce dernier n’est plus conforme au droit naturel ? C’est une bonne question ! Évidemment, les regards se sont tournés vers les États-Unis où les mariages religieux valent comme mariages civils : les prêtres, par exemple, étant là bas officiers d’état-civil. Mais la réalité est un peu plus délicate comme nous l’explique Edward Peters un canoniste de premier plan, arguant avec George Weigel dans le contexte particulier où quatre États de l’Union ont reconnu par référendum le 6 novembre dernier la validité du “mariage” homosexuel.
L’article a paru sur le blogue d’Edward Peters, In the Light of the Law, aujourd’hui sous le titre « Premières et partielles réflexions sur l’appel de Weigel de reconsidérer les conséquences civiles des mariages catholiques ».
George Weigel a écrit ans un essai qui incite à la réflexion que nous devrions, entre autres choses, « accélérer un débat profond à l’intérieur du catholicisme américain pour savoir si l’Église ne devrait pas préventivement se retirer du boulot du mariage civil, son clergé cessant d’agir en tant qu’agent du gouvernement comme témoin de mariages pour des objectifs qui sont ceux de la loi de l’État ».
Parfait. Juste quelques réflexions en direction de cette accélération.
D’abord, une précision : l’Église n’est pas dans le boulot du mariage civil, nous sommes dans le boulot du mariage religieux. Nos clercs agissent fondamentalement en tant qu’officiers [d’état-civil] ecclésiastiques à nos mariages. Les rares clercs qui de temps en temps (nonobstant le canon 285 § 3 du Code de droit canon de 1983) osent agir comme de purs officiers d’état-civil pendant les mariages le font pratiquement sans fondement canonique. Voyez, par exemple, CLSA Advis. Op. 1984-55 Provost, CLSA Advis. Op. 1988-98 Wallace, and CLSA Advis. Op. 2005-76 Jorgensen (tous rejetant des services uniquement civils) vs. CLSA Advis. Op. 1987-128 Cuneo (qui laisse ouverte une mince possibilité pour de tels services).
Ensuite, et plus important, ce n’es pas, à strictement parler, à l’Église de se « retirer » du « mariage civil », car la décision d’accorder une reconnaissance civile aux cérémonies ecclésiastiques comme les mariages est l’affaire de l’État, pas celle de l’Église. Comme catholiques, nous faisons ce que nos avons à faire, à savoir accorder une reconnaissance civile à ces événements (comme, par exemple, permettre aux épouses de déclarer leurs revenus en commun avec leurs maris et d’hériter des biens) comme il semble convenable. Mais j’accorde qu’il est très pratique que les États reconnaissent les mariages catholiques, mais si l’État en décide autrement, vraiment aucun problème. Les catholiques continueront de se marier sous le regard de l’Église et les conséquences ecclésiastiques continueront de découler de tels actes religieux – ou de n’en pas découler selon le cas – mais, en tout cas, indépendamment de savoir si l’État accepte de reconnaître cette cérémonie. En bref, je ne sais pas trop comment l’Église peut se « retirer » de la reconnaissance civile de ses cérémonies ou, dans ce cas particulier, l’exiger.
Il est pénible, évidemment, de constater que la définition du mariage par l’État donne de la bande vers quelque chose de méconnaissable selon la loi naturelle ou ecclésiastique, mais éliminer le mariage authentique de l’ensemble des unions considérées comme mariage par l’État n’est pas une solution aux erreurs de l’État. En outre, si le jour arrive où le pouvoir de l’État se retournera contre un curé qui refusera le « mariage homosexuel », nous devrons refuser et nous refuserons ce simulacre d’un sacrement (par exemple, canons 841 et 1379 du Code de droit canonique) et au mieux (par exemple, canons 1370 § 3, et 1373 du Code de droit canonique). Mais ce jour n’est pas encore arrivé et je ne vois aucune nécessité d’abandonner des biens sociétaux (comme l’opportunité et même le caractère convenable de la reconnaissance civile des mariages catholiques) qu’on n’a pas encore exigés de nous.
Troisièmement, l’intérêt de l’Église dans le mariage précède et transcende celui de l’État, évidemment, mais l’Église toutefois reconnaît les intérêts légitimes de l’État dans le mariage et tente, d’une multitude de manières, de s’adapter (voyez par exemple, le canon 1071 § 1, n. 2). Faire le tri parmi tous ces modus vivendi n’est pas quelque chose dont les gens ont à se charger et accélérer cette discussion ce n’est pas appuyer sur le champignon, les amis ! (Weigel ne suggère pas cela, mais on poste pour un public qui ne respecte pas toujours cette prudence).
Quatrièmement… bon, il y a plusieurs autres aspects de cette affaire qui mériteraient d’être discutés, mais ici ce n’est qu’un article de blogue, et on ne saurait tout couvrir.