Le communiqué du Grand Orient (dit par antiphrase ou par dérision “de France”) condamnant les propos du cardinal Vingt-Trois contre la dénaturation du mariage a déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive. Mais il vaut la peine d’y revenir de plus près. Nous verrons ainsi à quel point les présupposés philosophiques de la franc-maçonnerie sont étrangers à la civilisation chrétienne, bien sûr, mais même à la civilisation tout court.
Voilà ce que déclare la “première obédience maçonnique” (si vous ne me croyez pas, ce communiqué est actuellement en ligne ici – mais peut-être n’y restera-t-il pas: on peut imaginer que les auteurs, rouges de confusion, se rendant compte de l’énormité du propos, le retirent prudemment!…):
La définition des droits de la personne ne dépend que de la volonté collective des hommes.
Le Grand Orient de France condamne fermement les propos de l’Église Catholique au sujet du projet de loi sur l’ouverture du mariage civil à tous les couples qui sera présenté au Conseil des Ministres mercredi prochain.
Ainsi, l’évocation par le Cardinal André Vingt-Trois de ” mutations profondes de notre législation qui pourraient transformer radicalement les modalités des relations fondatrices de notre société ” témoigne de positions arriérées voire obscurantistes en décalage complet avec les nécessaires évolutions sociales et politiques de notre temps.Ce projet de loi vise à assurer une reconnaissance républicaine du libre choix matrimonial des individus qui le souhaitent, au nom de l’égalité des droits.
Au nom de la Laïcité, le Grand Orient de France rappelle que les Églises doivent se restreindre à la seule sphère spirituelle, et ne pas interférer, par des imprécations stigmatisantes et des amalgames violents et haineux, avec les légitimes débats publics et démocratiques qui président à l’évolution et au progrès des droits civils.
Je vois mal comment les propos du cardinal cités par le GODF pourraient témoigner de positions arriérées. Si nos interlocuteurs maçonniques ont appris à lire la même langue que nous, ils remarqueront que les propos cités ne sont qu’un constat et non une thèse. Ils peuvent, bien sûr, contester que le prétendu “mariage” homosexuel modifie radicalement les relations fondatrices de notre société (je leur souhaite bon courage!), mais ils ne peuvent rien en déduire sur les “positions arriérées, voire obscurantistes” du cardinal. Car, enfin, il ne manque pas de partisans de cette dénaturation du mariage qui partagent le constat avec l’archevêque de Paris – pour se féliciter, eux, que l’on en finisse avec le patriarcat ou Dieu sait quoi encore. On peut partager un constat et en déduire des conséquences politiques rigoureusement opposées.
Mais, là n’est pas le plus important.
Ce qui me semble gravissime, c’est l’assertion finale:
Au nom de la Laïcité, le Grand Orient de France rappelle que les Églises doivent se restreindre à la seule sphère spirituelle, et ne pas interférer, par des imprécations stigmatisantes et des amalgames violents et haineux, avec les légitimes débats publics et démocratiques qui président à l’évolution et au progrès des droits civils.
Je note que la laïcité est majusculaire au GODF et rien que cela suffirait à m’inquiéter! Mais, surtout, il est faux qu’au nom de la laïcité (en bon français, on dit “laïcisme”, mais, décidément, on a des difficultés avec la langue de Molière rue Cadet!), les Eglises soient tenues de se restreindre à la seule sphère spirituelle. Le voudraient-elles, d’ailleurs, qu’elles ne le pourraient pas, car – cela a peut-être échappé aux bons “frères” en tablier de cochon! – les fidèles sont aussi des citoyens: si la morale que nous apprenons dans nos familles et nos Eglises nous interdit de rester inertes devant l’abrogation par décret de la famille naturelle, nous aurons un comportement politique spécifique. On peut éventuellement le déplorer, mais on ne peut rien y faire. Ou, plus exactement, on ne peut y faire qu’une chose: priver du droit de vote les catholiques. Comme me le faisait remarquer mon excellent confrère Daniel Hamiche, au nom de la “non discrimination”, il faudrait, par conséquent, priver aussi du droit de vote les musulmans, les juifs, les protestants, les bouddhistes, et tous les fidèles d’une quelconque religion. Plutôt que de publier ce communiqué incohérent, le Grand Orient aurait pu écrire plus simplement:
Au nom de la Laïcité, seuls les Français initiés au GODF ont le droit de vote.
Ce qui évidemment simplifierait les “légitimes débats publics et démocratiques”! Au passage, vous avez remarqué qu’ils ont le front de parler de “légitime débat”? Personnellement, étant complètement “arriéré, voire obscurantiste”, je ne crois pas qu’il soit légitime de demander au parlement de changer un homme en femme. Mais il faut être singulièrement gonflé pour oser parler de débat, alors que, précisément, la seule réponse que nous ayons obtenue, c’est: circulez, y a rien à voir. Les Français ont voté pour Hollande, ils auront le programme de Hollande. Même si les électeurs de Hollande (je veux dire, les vrais, ceux du premier tour) étaient moins de 25% du corps électoral. Même si cette promesse de campagne n’a que fort peu motivé le vote Hollande (alors qu’une partie non négligeable du vote Sarkozy, on l’oublie trop, a été motivé par le refus de cette mesure). Et même si, d’ailleurs, il est parfaitement évident que le programme de Hollande n’est quasiment pas entré en ligne de compte dans le vote Hollande: les Français voulaient virer Sarkozy; ils auraient voté pour une autruche pour obtenir ce résultat (pardon pour les autruches, je n’ai rien contre elles, c’est le premier nom d’animal qui m’est venu à l’esprit…). Bref, il faut la mauvaise foi (si j’ose dire, camarades rationalistes!) d’un frère la gratouille pour oser parler de débat dans cette affaire.
Quant aux amalgames violents et haineux, alors, là, ça déclenche un gigantesque éclat de rire: parler de mutations de société, c’est un amalgame? C’est violent? Mais ces gens ne savent donc ni lire, ni écrire?
Mais je m’égare: revenons à nos moutons. Le GODF en est donc resté à la conception de la “laïcité” de 1793: vous êtes catholique, allez zou, au rasoir national! Au moins, ça a la tranquille sérénité de la constance! Mais, alors, ne venez pas nous parler d’évolution de la société. Nous, figurez-vous, nous vivons au XXIe siècle, pas à la fin du XVIIIe!
Chers amis lecteurs, je ris pour éviter de pleurer, mais, quand je redeviens sérieux, je lis dans ce communiqué des propos clairement totalitaires:
1) Le GODF refuse aux catholiques le droit de parler, au nom de leur foi, dans l’espace public. Pour le dire simplement, il nous force à choisir entre nos libertés religieuses et son laïcisme. Le choix est vite fait!
2) Le GODF prétend nous offrir comme base de discussion, comme principe quasi religieux, l’idée que “la définition des droits de la personne ne dépend que de la volonté collective des hommes” (je précise que la phrase est en gras sur le site maçonnique et que cette insistance n’est donc pas due aux élucubrations de votre serviteur). Eh bien, voilà très exactement le principe commun au GODF, à Joseph Staline, à Adolf Hitler, à Maximilien de Robespierre, à Pol Pot et à quelques autres. Cela a peut-être échappé au Grand Orient, mais le IIIe Reich était un Etat de droit, dans lequel, comme dans l’Etat rêvé par les maçons, les droits de la personne ne dépendaient que de la volonté collective des hommes. Faible garantie en vérité! Demandez aux Juifs, demandez aux koulaks, aux Vendéens, aux Arméniens, ou aux enfants à naître, tous exterminés légalement, dans le plus strict respect des droits de l’homme – le seul hic, mais il est de taille, c’est que la volonté collective des hommes a malencontreusement décrété que ces personnes n’étaient plus des hommes.
Le Grand Orient de France a, par ce communiqué, au moins un mérite: il situe l’enjeu du combat dans lequel nous sommes à son exact niveau: soit nous suivons le cardinal Vingt-Trois, nous considérons que la dignité de la personne humaine nous échappe, et nous maintenons la civilisation; soit nous suivons le GODF, nous considérons que le droit est sujet à toutes les manipulations, et nous glissons (mais, hélas, nous y sommes en plein et depuis fort longtemps!) dans la barbarie totalitaire. Là aussi, notre choix est vite fait!
DES NOMS … ! DES NOMS … !
” Il ne suffit pas que des têtes tombent … ll faut dire lesquelles ” … en vue de la prochaine Révolution !
“Les Français ont voté pour Hollande, ils auront le programme de Hollande.”
Ben non: sur le site http://www.gouvernement.fr/gouvernement/resultats-de-l-election-presidentielle-2012 on peut lire “Sur un peu plus de 46 millions d’inscrits, François Hollande a obtenu 51,62 % des suffrages (18 000 438 voix) et Nicolas Sarkozy, 48,38 % (16 869 371 voix).”
18 000 438 votants pour F. Hollande sur 46 millions d’inscrits ça ne fait que 0,375… (Et en plus, tous les Français ne sont pas inscrits…)
La phrase correcte serait donc “moins de 38% des Français ont voté pour Hollande, 100% des Français auront le programme de Hollande.”
le communiqué parle de “la nécessaire évolution”; pourquoi est-ce une nécessité de marier des gens de même sexe? pourquoi les catholiques ne peuvent-ils pas s’opposer à cette “nécessité” ,? pourquoi est-ce rétrograde de considérer qu’un couple hétérosexuel répond à une norme biologique et qu’il n’y a pas d’égalité entre 2 choses différentes? Le GOF manque de logique remplacée par l’intolérence discriminatoire
Je vous remercie pour votre information et pour vos réflexions. Cependant, si je puis me permettre, il me semble que votre réponse, bien que plus courtoise que le communiqué agressif publié sur le site du GODF le 5 novembre 2012, reste dans le même ton. Or il y a bien deux niveaux de dialogue ou de refus de dialogue.
Le premier qui est celui du communiqué du 5 novembre 2012, dénie à une famille de pensée particulière la possibilité de s’exprimer sur une évolution importante du fonctionnement de la société dans laquelle il vit. Vous répondez sans faire observer au rédacteur du communiqué que le Grand Orient aussi, comme comme l’église catholique est une famille de pensée et que par constitution, comme l’église catholique il est conduit à intervenir dans le champ politique, social, économique : «Que vaut l’amélioration – intellectuelle, morale ou spirituelle – d’un homme si elle ne le conduit à s’intéresser à l’« autre » et à son destin ?» Cette phrase est copiée à partir la présentation du GODF sur son site. J’aurai pu citer toute la page (http://www.godf.org/index.php/pages/details/slug/le-grand-orient-de-france) en insistant sur l’aspect rituel, symbolique «qui permet au maçon de trouver un sens à son existence et d’insérer ce sens dans celui d’une humanité marchant vers l’émancipation». Sur ce niveau il me semble qu’il est nécessaire d’accepter le dialogue avec tous ceux qui sont concernés, c’est à dire tous les français, avec tous les groupes constitués, c’est à dire même les églises, les sociétés philosophiques, les partis politiques, etc. Sans commencer par catégoriser les interlocuteurs de haineux, obscurantistes d’un coté, de sauvages destructeurs de la société de l’autre. Le point de départ, si l’on veut que le dialogue serve à faire progresser le processus de décision étant de reconnaître le caractère radical de la transformation souhaitée par les uns et rejetée par les autres. De ce point de vue il me semble que le communiqué ne reflète pas la pensée, beaucoup plus réfléchie du GODF, mais plutôt l’avis de l’un, ou de quelques uns de ses membres. Je souhaiterais qu’une autorité identifiée du GODF publie la position, s’il en a une, de l’obédience en tant que telle.
Le second niveau est celui des arguments que je qualifierai d’opératoires. La question de l’autorité détentrice du pouvoir de valider «le mariage» est très ancienne, voir le livre de Georges Duby «le chevalier, la femme et le prêtre (1981 me semble-t-il)». Mais toujours il s’agissait de la fondation d’une famille à partir de l’alliance d’un homme et d’une femme. Au moment de la révolution française, le rejet de l’église catholique a conduit les différents pouvoirs à s’attribuer l’exclusivité de l’enregistrement des mariages, toujours entre un homme et une femme, ajoutant au fil des temps des modifications comme le divorce. Cet exclusivité a conduit ces pouvoirs, depuis deux cents ans à refuser que d’autre que l’état puisse tenir en premier la célébration et l’enregistrement des mariages. Mais, quand on regarde de près les articles lus par l’officier d’état civil, le maire, on constate bien qu’il s’agit toujours d’une union orientée vers la fondation d’une famille : condition d’âge, de parenté éloignée, fidélité, secours mutuel, accueil et éducation des enfants, par un père et une mère : un homme et une femme. Il est donc évident, pour quiconque ne refuse pas de reconnaître que l’espèce humaine est constituée de mammifères sexués que la complémentarité sexuelle est constitutive de la nature de l’institution qui existait depuis des siècles et encore depuis la révolution française. Tant donc que le mariage civil repose sur les mêmes principes fondamentaux que le mariage religieux, bien qu’il soit abusif d’en demander la primauté temporelle pour l’état, les religions peuvent s’y soumettre sans se renier, bien que contraintes. Mais à partir du moment où la cérémonie, par sa nature dévie complètement des buts et conditions du mariage religieux, il y a de la part de l’état un abus manifeste de pouvoir. Ce sont des choses qu’on a déjà vues, par exemple avec la constitution civile du clergé, ou l’église officielle en Chine.
De ce qui précède je conclus, mais ce n’est qu’une réflexion personnelle, que les églises, l’église catholique en particulier pour laquelle le mariage est un sacrement, don du Christ, ne peut faire dépendre ce don de la célébration d’un échange «civil» de consentements contraire à la destination naturelle du mariage qui est la constitution d’une famille, ce serait un péché grave. Donc que les églises, l’église catholique en particulier serait légitime dans la célébration de mariages catholiques non précédés de parodie de mariage civil potentiellement fermé à la fondation d’une famille humaine. Plusieurs cas seraient alors possibles,
– soit l’état le refuse et les nouveaux mariés religieusement seraient alors dans la même situation que les couples de même sexe aujourd’hui, sans possibilité de PACS puisque lui aussi est une parodie de fondation de famille humaine. Et eux-mêmes et les célébrants s’exposeraient probablement à de lourdes sanctions
– soit l’état reconnait, comme c’est le cas dans de nombreux pays, la validité civile de ces mariages religieux, mais comme il le refuse obstinément depuis plus de deux cents ans, cela m’étonnerait.
Bien qu’ayant été trop long je me permet d’ajouter que je trouve curieux qu’une partie de la nation tente d’imposer sa conception du couple reconnu civilement à l’autre. Une toute petite partie, et qui plus est une partie sans perspective de développement par sa composition même puisqu’elle est exclusivement constituée de couple infécond par constitution. Pourquoi la revendication de cette partie de la nation n’est-elle pas : création d’une union entre personne de même sexe donnant les mêmes droits que le mariage? Poser la question c’est y répondre, parce que ça n’a pas de sens. J’abuse, mais Grock a traité de cette question lorsque voulant jouer du piano, et son tabouret étant trop loin du clavier, il passe derrière le piano à queue pour le rapprocher du tabouret :la seule solution est de remplacer le mariage par autre chose pour qu’il corresponde à l’union entre personnes de même sexe. Mais en interdisant à d’autres, les églises par exemple, de continuer à les célébrer. Cela se nomme la destruction du mariage pour le remplacer par rien.
L’auteur anonyme de cet article polémique fait mine d’ignorer la différence entre l’église et les Catholiques. Les Catholiques sont des citoyens qui agissent en fonction de leur morale, ils ont leur place dans la société. L’église catholique est un état, avec un pouvoir politique, une hiérarchie, qui a, par exemple, collaboré avec Mussolini, cet état, devrait se garder de confondre à nouveau, comme au temps des croisades contre les albigeois ou en terres saintes, le pouvoir spirituel et politique. Un peu plus d’Amour et un peu moins de discours, de Grâce !