Il y aura exactement trente ans, le 9 décembre prochain, décédait à New York un des plus singuliers et des plus exceptionnels prélats américains du XXe siècle : l’archevêque Fulton
J. Sheen.
Peu connu en France, il fut une célébrité sans pareil outre-Atlantique et demeure aux États-Unis une référence, et parfois même la référence, en matière d’orthodoxie et d’apostolat.
Né à El Paso (Illinois) le 8 mai 1895, aîné des quatre garçons d’une famille d’agriculteurs, il fut baptisé John, mais fit plus tard précéder son prénom de baptême de Fulton, en
hommage à sa mère dont c’était là le nom de jeune fille. Ordonné prêtre pour le diocèse de Peoria (Illinois) le 20 septembre 1919, puis nommé évêque auxiliaire de New York (New York) en 1951 par
Pie XII, évêque titulaire de Rochester (New York) en 1966 par Paul VI, il prit sa retraite le 6 octobre 1969 et fut élevé le même jour à la dignité archiépiscopale (titulaire de
Neoportus). Deux mois avant sa mort, en octobre 1979, Jean-Paul II, en voyage apostolique aux États-Unis, tint à le rencontrer pour le féliciter de l’œuvre immense qu’il avait accomplie
pour l’Église.
Théologien exceptionnel, son apostolat à la radio – le premier aux États-Unis : il recevait entre 3 et 6 000 lettres d’auditeurs par semaine ! –, de 1930 à 1950, puis à la télévision – on a pu
dire à raison qu’il fut le premier « télé-évangéliste » des États-Unis : ses émissions étaient regardées par plus de 30 millions de téléspectateurs… –, de 1951 à 1957 puis de 1961 à 1968, le
rendit immensément célèbre. On lui doit 73 livres (!), un nombre incalculable d’articles et de nombreuses conversions de personnes inconnues et de célébrités américaines, mais pas seulement
américaine : je vais y venir incessamment…
Sa cause en canonisation a été officiellement lancée par Mgr Daniel R. Jenky, évêque de Peoria, le diocèse de naissance de Fulton J. Sheen, puis officiellement ouverte le 15 avril
de l’an dernier à Rome à la Congrégation pour la cause des saints. Il est donc désormais le vénérable Fulton Sheen. Je vais, bien sûr, suivre tout cela sur
americatho, mais je vous invite, d’ores et déjà, à aller visiter le site officiel de sa cause : c’est ici.
Quand j’évoquais, un peu plus haut, le nombre prodigieux de conversions qu’on lui doit, je disais que toutes n’avaient pas touché que des Américains. En voici un exemple, à la fois cocasse et
profond qui montre assez la manière de Fulton Sheen.
Lors de son séjour en Europe, de 1923 à 1926, il séjourna notamment à Louvain (en Belgique) où il obtint de la célèbre université catholique son doctorat en philosophie, et fut le premier
Américain à y recevoir le Prix Cardinal Mercier récompensant le meilleur essai philosophique. Il passa ensuite en Angleterre pour enseigner la théologie au St. Edmund’s College de
Ware dans le Hertfordshire, le plus vieil établissement d’enseignement catholique du royaume – parmi ses anciens élèves : 20 saints et 133 martyrs ! Outre ses fonctions d’enseignant, Fulton
Sheen donnait régulièrement un “coup de main” au curé de la paroisse St. Patrick qui se trouve à Londres dans le quartier de Soho.
Lisez donc cette histoire peu ordinaire qu’a racontée Fulton Sheen…
Par un brumeux matin de novembre, alors que Fulton Sheen ouvrait de l’intérieur la porte de l’église, une jeune femme, qui devait s’y être appuyé, s’affala devant lui.
– Qui êtes-vous ?, lui demanda-t-il.
– Où suis-je ?, répondit-elle ?
– Vous êtes saoule ?
– Oui.
– Les hommes boivent parce qu’ils aiment ça, mais les femmes boivent parce qu’il y a quelque chose qu’elles n’aiments pas. À quoi tentez-vous d’échapper ?
– J’ai une aventure avec trois hommes différents, mais chacun commence à le soupçonner alors j’ai décidé de me saouler.
– Qui êtes-vous ?
La femme montra du doigt de l’autre côté de la place un nom en grosses lettres de néon sur la façade d’un théâtre. Elle était la vedette de la comédie musicale qui s’y donnait.
Fulton Sheen la fit entrer dans l’église et lui fit boire une tasse de thé. « Merci » lui dit-elle.
Il lui répondit : « Non, ne me dites pas merci maintenant. Revenez cet après-midi avant la représentation en matinée et alors vous pourrez me dire merci.
– Je ne viendrai que si vous me promettez de ne pas me demander d’aller me confesser.
– Entendu, je vous promets de ne pas vous demander de vous confesser.
– Promettez-moi de nouveau que vous ne me demanderez pas de me confesser.
– Entendu, je vous promets de nouveau de ne pas vous demander de vous confesser.
Elle revint bien cet après-midi-là et Fulton Sheen l’accueillit à la porte de l’église. Il lui dit qu’il y avait des tableaux de Rembrandt et de Van Dyke dans une chapelle, et lui demanda s’il
lui plairait de les voir. Elle acquiesça.
Et voici comment Fulton Sheen raconte lui-même la fin de cette histoire :
« Alors que nous longions le bas-côté de la nef pour aller voir les tableaux, je la poussai dans un confessionnal – je ne lui avais pas demandé si elle voulait aller se confesser… Trois mois plus
tard, j’étais présent quand elle reçut le voile des Sœurs de l’adoration perpétuelle dont elle est toujours une religieuse à ce jour ».
Dieu voulant, que l’Église élève bientôt à la gloire des autels Fulton Sheen qui sut, pour une pécheresse, ouvrir la porte d’une église et fermer celle des enfers !
Quelques photos de Fulton Sheen pour illustrer cet article : avec Pie XII, célébrant la Sainte Messe (au moment de la prière du Suscipe) et en couverture de Time
Magazine (dont j’ignore la date de parution).