L’association Paix Liturgique, qui travaille à une meilleure et paisible application du motu proprio de Benoît XVI Summorum Pontificum rendant à la forme dite « extraordinaire » toute sa place dans la célébration du rite romain en France, vient de publier dans sa dernière lettre d’information (n° 358 du 23 octobre) la traduction en français d’un article synthétique du journaliste Trent Beattie dans le National Catholic Register du 24 septembre dernier. On lira avec intérêt les commentaires de Paix Liturgique sur cet article ici, mais j’ai cru qu’il vous serait agréable de lire en entier cet article paru pour marquer le cinquième anniversaire deSummorum Pontificum. Le voici…
Mary Kraychy est la directrice de l’Alliance pro Ecclesia Dei – un groupe formé pour soutenir la lettre apostolique du même nom, publiée motu proprio (« de sa propre initiative ») par Jean-Paul II en 1988 et pour répondre aux attentes des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle.
« Le pape Jean-Paul II a voulu faire comprendre à l’Église que le trésor de la liturgie traditionnelle devait être proposé à tous », explique Mary Kraychy.
« Il avait déjà, dès 1984, encouragé les évêques à œuvrer dans cette direction. »
Cette lettre, Quattuor Abhinc Annos (il y a quatre ans), avait été envoyée aux présidents des conférences épiscopales du monde entier. Les évêques y étaient informés qu’il reconnaissait aux fidèles la possibilité d’assister aux offices selon le missel de 1962.
Toutefois, en 1988, quatre ans après que la lettre ait été publiée, il y avait encore très peu de réactions au document du Saint-Père. Mary Kraychy attribue cela à une mauvaise compréhension du statut du Missel de 1962 dans l’Église. « Il y avait une croyance, commune aux évêques et aux laïcs, que la messe traditionnelle était bizarre, archaïque, voire carrément inacceptable », dit-elle. « Il y avait une impression très répandue que l’ancienne messe avait été abandonnée pour toujours et que les messes en langue vernaculaire avec guitare et piano étaient désormais la norme. »
Face à cette terrible situation, Mary Kraychy ne voulait pas rester inactive, c’est ainsi qu’elle a fondé, avec 14 autres laïcs, l’Alliance pro Ecclesia Dei. « Nous avons commencé à faire tout notre possible pour faire connaître la situation de la liturgie traditionnelle et la faire mieux connaitre et aimer. » Ces efforts furent immédiatement couronnés de succès, mais beaucoup plus encore avec la promulgation de la lettre apostolique Summorum Pontificum de Benoît XVI, également publiée en forme de motu proprio le 14 septembre 2007.
Depuis cette date, la célébration selon le Missel de 1962 a été officiellement accordée à tout prêtre qui souhaite l’utiliser et à tout « groupe stable de fidèles » qui souhaite en bénéficier. L’action du Saint-Père a permis une hausse significative du nombre de célébrations de messes traditionnelles.
En septembre 2007, Mary Kraychy décomptait 235 messes dominicales régulièrement offertes selon le missel de 1962 aux États-Unis. Cinq ans plus tard, ce nombre est passé à 475 (soit 240 célébrations supplémentaires). « Nous avons vu une augmentation lente mais régulière du nombre de messes traditionnelles dominicales jusqu’en septembre 2007 mais, depuis, l’augmentation est devenue rapide et tout aussi régulière. Si vous prenez la précédente période de cinq ans (2002-2007), l’accroissement net de messes dominicales était de 55 célébrations nouvelles, tandis que l’accroissement net de ces cinq dernières années est de plus de 240 célébrations », explique-t-elle.
Si l’on y ajoutait les messes de semaine, les chiffres seraient encore plus impressionnants !
« En plus des prêtres qui célèbrent exclusivement la forme extraordinaire, il y en a beaucoup qui commencent à le faire petit à petit en célébrant en semaine dans leurs paroisses », poursuit-elle. « Ces derniers sont surtout des prêtres diocésains alors que le premier groupe est composé principalement de prêtres appartenant à des instituts religieux comme la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre ou l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre. »
Les prêtres diocésains constituent la majorité des participants aux sessions liturgiques organisées par les Chanoines de Cantius. Les cours sur des sujets tels que l’histoire, la spiritualité et les rubriques de la messe traditionnelle en latin ont commencé juste avant la publication de Summorum Pontificum et continuent à ce jour.
Au cours des cinq dernières années, près de 1 000 prêtres et séminaristes ont été formés par les chanoines à célébrer la messe selon le missel de 1962. Environ 80 % de ces participants sont des prêtres diocésains, et 20 % appartiennent à des ordres religieux.
Le millième participant sera formé au cours de la prochaine session de formation qui aura lieu du 23 au 26 octobre 2012 à Chicago. Membre des Chanoines de Cantius, le Père Scott Haynes témoigne : « Avant la publication du Motu Proprio du Saint-Père, nous avions un ou deux prêtres qui venaient à nous au compte-goutte pour découvrir le Missel de 1962. Puis, juste avant sa sortie, nous avons tenu notre première session de formation… Nous n’avons pas cessé depuis ! Nous sommes très reconnaissants de l’action bienveillante du Saint-Père et sommes enthousiastes d’aider toujours plus de prêtres et de séminaristes à apprendre à célébrer ce qu’on appelle aujourd’hui la forme extraordinaire. »
Pour en savoir plus sur ces formations et les documents pédagogiques disponibles, vous pouvez consulter le site des Chanoines de Cantius qui viennent de publier un nouveau livre, The Mystical Theology of the Mass (La Théologie mystique de la messe), pour enrichir cette documentation. Il a été écrit par le Père Haynes et comprend un avant-propos du cardinal Raymond Burke et une introduction d’Alice von Hildebrand. Ce livre, comme beaucoup d’autres documents, est rédigé pour le clergé comme pour les laïcs. Les Chanoines de Cantius organisent en effet également des sessions pour les laïcs, et le Père Haynes se félicite de cette occasion de faire mieux comprendre et aimer la forme extraordinaire.
« Il y a des laïcs qui ont déjà un désir bien défini de participer à la forme extraordinaire, mais il y en a certains qui ne savent pas trop à quoi s’attendre, et certains sont même inquiets », dit-il. « Nous voulons leur donner l’assurance que, même s’il existe différentes formes de la messe, nous sommes tous catholiques et que nous ne sommes pas dans une compétition. Nous essayons simplement de rendre à Dieu l’honneur qui Lui est dû à travers l’adoration respectueuse. »
La recherche de l’adoration respectueuse a également été une des caractéristiques de la vie du père jésuite Joseph Fessio. Le fondateur et président de Ignatius Press estime que la messe peut être offerte respectueusement à la fois dans la forme ordinaire, selon le Missel de Paul VI, et dans la forme extraordinaire, selon le Missel du bienheureux Jean XXIII.
« Bien que cela puisse surprendre certaines personnes, je pense que la forme ordinaire de la messe, si elle est effectivement célébrée comme le pape Paul VI le souhaitait, peut être tout aussi belle que la forme extraordinaire », déclare-t-il. « Mais cela ne peut pas se faire de manière arbitraire, comme cela l’a été en grande partie au cours des quatre dernières décennies. Elle doit être telle que l’a vraiment voulue Paul VI. » À quoi ressemble une telle messe ? Le Père Fessio indique qu’elle ressemble beaucoup à une messe offerte selon le missel de 1962 si elle était célébrée comme il le faudrait.
Le Père Fessio célèbre de la sorte ses propres messes, y compris celles qu’il a célébrées récemment lors de la deuxième conférence annuelle du Napa Institute. « Lors de la conférence du Napa, fin juillet, il était célébré quatre à cinq messes par jour, et elles ont toutes été célébrées ad orientem, le prêtre et les fidèles tournés vers le Seigneur. Ce fut le cas pour la forme ordinaire comme pour la forme extraordinaire et personne n’a semblé en être perturbé. »
L’une des principales raisons pour lesquelles tout cela s’est tellement bien passé, selon le Père Fessio, c’est la publication du motu proprio Summorum Pontificum, qui a rendu la forme extraordinaire plus accessible qu’auparavant. « Il ne fait aucun doute que le Motu Proprio a rendu la forme extraordinaire plus fréquente de sorte que beaucoup de fidèles ont déjà eu l’occasion de la redécouvrir ou de la découvrir et d’en admirer les richesses et la beauté. L’horreur et l’hostilité exprimées par certains lors de sa publication ont été dissipées par la réalité qui s’est offerte à leurs yeux. Pendant cinq ans, nous avons vu qu’il n’y avait rien à craindre mais beaucoup de raisons d’être reconnaissants. »
Cette reconnaissance a rendu beaucoup plus aisé le travail que poursuit le Père Fessio de restauration du Novus Ordo. « Quand les fidèles réalisent que le Novus Ordo était censé être un développement organique de la tradition, plutôt qu’une rupture, les choses se passent plus facilement pour le remettre à l’endroit », dit-il.
Une source d’inspiration majeure pour les travaux du Père Fessio est le pape Benoît XVI, qui a été son professeur : « J’ai eu la chance d’être l’étudiant d’un des esprits les plus brillants de l’Église lors de mes études de doctorat en théologie ». Et d’ajouter : « Il a eu beaucoup de choses importantes à dire sur de nombreux sujets, mais celui de la liturgie est celui ou il a eu l’occasion de s’exprimer avec le plus de constance et de clarté. Déjà dans les années 1970 le cardinal Ratzinger a publiquement émis des réserves sur les réformes liturgiques en cours parce qu’elles ne correspondaient pas aux vœux des Pères conciliaires et ne constituaient pas un développement harmonieux de la liturgie. »
Ces critiques n’étaient guère connues dans le monde anglo-saxon jusqu’à ce qu’Ignatius Press publie The Ratzinger Report [Entretien sur la Foi aux éditions Fayard] en 1985 et Feast of Faith [non traduit en français] en 1986. Puis, en 2000, L’Esprit de la Liturgie [éditions Ad Solem pour la traduction française], son œuvre la plus connue sur le sujet.
Lorsqu’il a succédé au pape Jean-Paul II en 2005, beaucoup s’attendaient à ce que le pape Benoît XVI prenne quelques initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle. Leurs attentes ont été satisfaites en 2007 avec la publication de Summorum Pontificum, un document dont on peut dire qu’il a contribué de façon très pratique à renouveler la vision de la liturgie dans les cœurs et les esprits des fidèles.