L’âge classique fut-il seulement un temps d’harmonie, de lignes épurées, de régularité ? Dans un nouveau livre, Michel Jeanneret bouscule quelque peu cette conception habituelle du classicisme. On pourrait craindre le pire, en le voyant s’abriter, le temps de l’emprunt d’un mot – celui de « Chaosmos » – derrière Joyce.
En fait, la thèse de Michel Jeanneret, pour étonnante qu’elle soit, constitue une défense intelligente du classicisme qui ne signifie pas et n’a jamais signifié, de fait, l’endormissement et la torpeur. Il y a une vitalité et une force de l’harmonie et de la régularité. Il y a une raison aussi de son existence, qui se trouve dans la maîtrise de l’animalité, dans la lutte contre la violence.
À ce titre, l’art classique est une sorte d’exorcisme des pulsions les plus basses de l’homme et de la nature, que le péché originel a plongé dans une sorte de chaos. Cette démonstration, Michel Jeanneret la déploie tout au long d’un magnifique album consacré à Versailles, son château, ses jardins, la Cour (Versailles, ordre et chaos, Gallimard, Bibliothèque illustrée des Histoires, 376 pages, 38€). Un album magnifiquement illustré et qui est aussi, on l’a compris, un essai vigoureux et engagé, intelligent également.
« La grandeur de l’art classique, écrit l’auteur, est qu’il n’efface pas l’horreur, mais l’intègre. Il ne nie pas l’adversaire, mais, l’absorbant et le transformant, en tire une occasion de bien-être. » Notre époque fait l’inverse. La laideur ne sert pas à magnifier la beauté, mais, au contraire, à l’envelopper au point de la faire disparaître. Un signe évident, non seulement de décadence, mais plus encore de désespoir.