Dans son billet paru cet été, Mgr Philippe Ballot, archevêque de Chambéry, s’est exprimé sur la famille, à l’heure où la menace pèse sur cette dernière :
“Une très large majorité de Françaises et de Français plébiscite la famille. Quand les personnes parlent de famille, il s’agit des parents, papa et maman, et de leurs enfants. C’est clair. Ils savent aussi que les aléas de la vie créent d’autres situations. Femmes seules avec enfants, enfants issus de plusieurs unions invités à se connaître, à se rencontrer, à vivre ensemble etc… La famille reste cependant, pour tous, le repère que nous connaissons et c’est bien l’idéal que chaque personne veut vivre. Je n’ai jamais rencontré un homme et une femme vivant une union sans le désir qu’elle dure, accueillant des enfants sans vouloir ensemble les éduquer, les aider à être heureux et les amener à trouver leur place… Or nos modes de vie, ceux dont la crise nous rappelle que nous devons en changer, ceux qu’une certaine écologie veut nous aider à modifier, fragilisent ce repère tant désiré. Le rôle du droit dans une société est alors de rendre plus clair et de soutenir ce projet de vie. Un droit qui ne serait que tributaire de groupes minoritaires qui font pression ne peut que se désagréger en de multiples lois qui brouillent les repères et affaiblissent les fondements. C’est comme si nous étions en face d’une image qui apparaissait claire sur un bel écran plat et qui devient de plus en plus floue. On est alors tenté de casser l’écran qui pourtant n’y est pour rien. C’est la tentation auxquels succombent ceux et celles qui disent leur désarroi à travers des votes extrémistes. Une liberté, comprise uniquement comme une liberté absolue de choix, sans limites, pourvu qu’elle ne gêne pas concrètement le voisin qui est sommé d’être d’accord ou au pire indifférent, est dangereuse pour la vie ensemble ! C’est la fragilité de nos démocraties.
Un certain nombre de personnes, non négligeable, est inquiet devant les projets de loi qui ont été annoncés : mariage homosexuel, légalisation de l’euthanasie, large possibilité d’utiliser à titre expérimental l’embryon, etc. Des limites seraient alors franchies. Bien sûr personne ne sera obligé d’utiliser la loi mais tout le monde serait touché et même blessé dans ce qui fait le fondement de sa vie et qui la structure, si un changement de loi a lieu dans ce sens. Ce n’est pas manquer d’attention ou de respect vis-à-vis des personnes qui souhaitent l’aboutissement de ces projets que de l’écrire et de le dire. Il y a d’autres manières de ne pas ignorer, si besoin, certaines situations, que de changer la loi. Par exemple à propos de l’orientation sexuelle de quelqu’un, sans l’enfermer dans celle-ci, modifier, sans l’avouer vraiment, la définition du mariage. En effet si le mariage de deux personnes du même sexe est légalisé nous n’aurons plus de mot pour nommer le couple formé d’un homme et d’une femme, engagés dans la durée, qu’on ne peut confondre avec un couple formé de deux personnes du même sexe. De même un embryon humain n’est pas qu’un embryon animal, l’homme dépasse le simple matériau qui le compose… Les mots perdant leur sens, c’est le tohu-bohu que nous provoquons, une réelle régression collective, c’est l’indifférencié qui l’emporte, et de l’indifférencié sortent toujours la violence et la loi du plus fort. Ces inquiétudes, nous les exposons, nous les partageons avec les élus. Nous savons qu’il y a des chrétiens et d’autres personnes qui partagent cette réflexion dans la nouvelle assemblée nationale. Nous souhaitons qu’ils ne soient pas dépendants, s’ils sont invités à se prononcer, d’une consigne de vote liée à leur parti. Qu’à tous les députés et sénateurs soit accordée une clause de conscience !
Même si nous constatons, comme je viens de l’écrire, que nos fondements, nos valeurs sont fragilisés par certaines législations, il nous faut demeurer dans la joie et l’audace du témoignage, comme celui de la fête des familles lors de la magnifique 7e rencontre des familles à Milan les 30 mai-3 juin derniers. Plus d’un million de participants à la messe de clôture autour du Pape ! Une vingtaine de familles de Savoie participaient à ces journées. Nous pouvons retenir, parmi d’autres, cette parole forte du Saint-Père : « La famille doit être reconnue comme le patrimoine principal de l’humanité, valeur et symbole d’une stabilité culturelle de la communauté humaine ». De même en conclusion de la soirée à la Scala, le 1er juin, pour remercier les musiciens et souligner le choix de la Ve symphonie de Beethoven, le Pape a fait remarquer que cette oeuvre « lance un message dans lequel la musique affirme la valeur fondamentale de la solidarité, de la fraternité et de la paix. C’est un message également précieux pour la famille car c’est en son sein qu’on apprend que l’être humain n’a pas été créé pour vivre replié sur luimême mais pour vivre en relation. C’est en famille que l’on comprend que la réalisation de soi ne consiste pas à se placer au centre de tout… mais à se donner aux autres. Et en famille que s’allume dans nos coeurs la lumière de la paix, seule capable d’éclairer ce monde. ». Oui, c’est bien dans la famille qu’on apprend à devenir ce que l’on est : humain. Le Pape n’a pas pour autant éludé les situations difficiles dans lesquelles se trouvent aujourd’hui les couples et les familles partout, sur tous les continents. A des fiancés malgaches qui lui partageaient leur perplexité et leur questionnement devant le caractère définitif de l’engagement matrimonial, Benoît XVI a répondu : « L’amour doit être purifié et suivre la voie du discernement, qui implique aussi raison et volonté… Lors de la célébration du mariage, l’Eglise ne demande pas si les conjoints sont amoureux, mais “le veux-tu, es-tu décidé ?” L’amour initial doit devenir plus authentique par l’intervention progressive de la volonté et de la raison. C’est un cheminement qui part des fiançailles […] pour suivre une progression, une purification et un approfondissement qui révèlent l’homme dans son entier et toutes ses capacités, sa force de volonté qui lui permet de dire : “Oui ceci est ma vie”. » Allier amour et intelligence, raison et volonté, maîtrise et gratuité !
En Savoie nous voulons continuer de mettre à l’honneur les familles et de partager leur joie avec le plus grand nombre. Ce patrimoine commun à toute l’humanité, il est celui de toutes les familles, il est proposé à tous, quelle que soit la situation de chacun, quelle que soit sa profession, quelle que soit sa culture, qu’il soit riche ou pauvre, sportif ou non, beau ou pas… […]”