La ligne de crête adoptée par le cardinal Timothy Dolan comme président de la Conférence des évêques américains pour l’élection présidentielle de novembre, est, certes, difficile à tenir. Son principe est simple : les évêques ne doivent pas s’engager de manière “partisane” dans ce débat politique et électoral. Le cardinal a donné de sa personne pour accréditer ce principe : en offrant la prière de bénédiction à la fois à la Convention nationale Républicaine puis à la Convention nationale Démocrate, et en invitant les deux principaux candidats, le sortant Barack Obama et son concurrent Mitt Romney, au traditionnel dîner de la Al E. Smith Memorial Foundation le 18 octobre prochain à New York, à une quinzaine de jours de l’élection… Ce principe d’équilibre n’est pas exclusif d’un autre principe que le cardinal Dolan n’a pas manqué d’asséner aux délégués des deux conventions politiques, celui qui comprend les points non négociables : son évocation du droit absolu d’un enfant à naître n’a pas du sonner très agréablement aux oreilles de bien des délégués à la Convention Démocrate… Être “non partisan” et se comporter de manière civile est une chose, mais défendre les points non négociables en est une autre, et la position équilibrée du cardinal entre Obama et Romney ne l’a pas empêché de faire, comme archevêque de New York, un procès au gouvernement du premier au nom de la liberté religieuse : c’est l’affaire du HHS Mandate.
Dans un très long entretien accordé au très progressiste journal catholique National Catholic Reporter, et paru vendredi dernier, l’archevêque de Philadelphie (Pennsylvanie), Mgr Charles Chaput, est interrogé par le journaliste John Allen – un bon journaliste qui travaille dans un mauvais journal… – si un catholique peut voter de bonne foi pour Obama. La réponse de l’archevêque est sans ambigüité : « Je ne peux répondre qu’à titre personnel. Je ne peux certainement pas voter pour un candidat qui est pro choix ou pour l’avortement ». Tout en étant lui-même inscrit comme « électeur indépendant » – donc ni Républicain ni Démocrate –, il déclare que « comme particulier et comme électeur je suis personnellement très préoccupé par tout parti qui soutient le changement de la définition du mariage, qui soutient l’avortement en toutes circonstances et qui veut restreindre la compréhension traditionnelle que nous avons de la liberté religieuse. Ce type de choses me rendent très mal à l’aise ». Mgr Chaput ne dit pas qu’il votera pour Romney, mais, sans le moindre doute, qu’il ne votera pas pour Obama le 6 novembre.
Allen interroge l’archevêque sur le projet de budget rédigé par le député catholique Paul Ryan, désormais colistier de Mitt Romney, un projet qui a aussi été une cause de préoccupation pour certains secteurs catholiques allant jusqu’à affirmer – et pas seulement aux États-Unis – que Ryan n’agissait pas en catholique : « Jésus nous a dit très clairement que si nous n’aidons pas les pauvres, nous irons en enfer. Point. Il n’y a aucun doute là-dessus. Ce doit être la préoccupation fondamentale des catholiques et de tous les chrétiens. Mais Jésus n’a pas dit que le gouvernement devait s’en occuper, ou que nous devons payer des impôts pour prendre soin d’eux. Ce sont là des jugements prudentiels. Quiconque condamnerait quelqu’un en raison de sa position sur les impôts, franchit un pas que je ne saurais faire comme catholique… Vous ne pouvez pas dire que quelqu’un n’est pas chrétien parce qu’il veut réduire les impôts. Encore une fois, je parle en mon nom propre, mais c’est certainement là une position catholique légitime. Et dire que ce serait là, d’une certaine manière, un mal intrinsèque comme l’avortement n’a aucun sens ».
Tout cela me semble assez clair…
Voilà un évêque qui n’a pas les sensibilités de certains de ses confrères. Il est cohérent avec les trois piliers de l’Église que sont : les Saintes Écritures, la Tradition et l’enseignement du Magistère.
Oui, il n’a pas la langue de bois et surtout il indique qu’il ne serait pas sain qu’un Américain vote blanc afin de se dire neutre. Indépendant! C’est assumer ses convictions et voter selon sa conscience. Ici, il parle des points non négociables.