S’il y a bien une figure qui reste au purgatoire de l’Histoire, c’est bien celle de Marie Tudor. Depuis le règne de sa jeune sœur, Élisabeth 1ère, l’historiographie protestante officielle en Angleterre n’a cessé de la dépeindre dans les pires termes, faisant d’elle « Bloody Mary », Marie la sanguinaire ! Le reste du monde a emboîté le pas, benoîtement, comme une évidence, soit par haine de l’Angleterre, soit par ce libéralisme qui veut que l’on pardonne tout aux hérétiques et aux schismatiques et rien aux fidèles de l’Église catholique. Ainsi, le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle stipendie la reine Marie pour son « fanatisme aveugle, monstreux », n’hésitant pas à parler d’elle comme d’un « Néron femelle ». À part pour Hitler, qui fait mieux ?
C’est pourquoi on lira avec beaucoup d’intérêt le livre que vient de lui consacrer Isabelle Fernandes aux éditions Tallandier (400 pages, 22,90 euros) sous le simple titre Marie Tudor. Un titre qui ne satisfait pas tout à fait l’auteur qui aurait mieux aimé, pour rendre compte de son travail et de la direction donnée, que l’on parle de Marie 1ère.
Pourquoi première ? Tout simplement parce que Marie Tudor fut la première reine couronnée, même s’il y eut avant elle des reines gouvernantes en Angleterre. Ce titre a l’avantage aussi aux yeux de l’auteur d’indiquer que dans le court temps de son règne Marie Tudor posa les fondements d’une renouveau de l’Angleterre dont profita pleinement Isabelle 1ère dont l’historiographie officielle rappelle avec constance le titre, comme pour marquer qu’elle fut réellement la première et la seule de sa lignée.
Fille d’Henry VIII, Marie Tudor n’accepta jamais de rompre avec le catholicisme, subissant pour cela le mépris paternel et la mise à l’écart. D’un caractère bien trempé, elle défendit autant que possible ses droits et sa religion. Dire que ce fut une femme malheureuse ne va pas assez loin. Elle fut malheureuse au point d’en être malade physiquement, ce que montre bien Isabelle Fernandes.
Celle-ci ne réhabilite pas la reine ou la femme. Son travail est celui d’un historien, portant un jugement éclairé et sans parti pris, sinon celui de toucher au plus près la vérité. Certes il y eut les bûchers dans lesquels périrent plusieurs centaines de protestants. Certes Marie Tudor fit certainement une erreur politique (et personnelle) en épousant Philippe d’Espagne. Mais réduire sa destinée et son règne à ses éléments, c’est éviter de voir le reste : les pressions familiales et politiques, la fidélité à une foi outragée et interdite, le renouveau catholique en Angleterre à une époque où le pays y était encore fidèle, etc. Lire Isabelle Fernandes, c’est au contraire voir cette page de l’Histoire dans une perspective de vérité et d’équilibre.