D’emblée, tempérons ce titre puisqu’il s’agirait plutôt de « certains » traditionalistes. Coup sur coup deux revues de la mouvance traditionaliste ou traditionnelle, me sont parvenues.
Le dernier numéro de Sedes Sapientiæ, revue éditée par la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, consacre un long article à la liberté religieuse. Signé du père Divry, prêtre dominicain, l’article s’intitule Liberté religieuse et devoirs de réciprocité. C’est un article savant, érudit, intelligent, qui repose sur la nécessité de prouver la continuité entre le magistère antérieur à Vatican II et le magistère de Vatican II, puis qui pose le problème au regard de l’islam. À la Fraternité Saint-Vincent Ferrier on estime que la déclaration sur la liberté religieuse « est faible, équivoque, dangereuse, mais non pas erronée en son enseignement principal » et que celui-ci s’inscrit dans « le développement homogène de la doctrine de l’ordre social ». C’est une thèse, mais elle n’a jamais été corroborée par le magistère actuel qui n’enseigne nullement ces distinctions entre enseignement principal et considérants.
La revue Kephas consacre aussi son dernier numéro à Vatican II. Fondée par l’abbé Bruno le Pivain, ancien membre de la Fraternité Saint-Pierre, aujourd’hui prêtre diocésain, Kephas va beaucoup plus loin que Sedes Sapientiæ. Là, il faut transmettre et recevoir le concile, lequel n’aurait été que mal interprété. Le cardinal Paul Poupard nous dit qu’il s’agit d’une « boussole fiable » ; dom Pateau, nouveau père abbé de Fontgombault, rompant avec la traditionnelle discrétion de cette abbaye, n’hésite pas à clamer que Vatican II constitue « l’espérance pour notre temps ». L’abbé de Servigny, ancien membre de la Fraternité Saint-Pierre, aujourd’hui prêtre diocésain, consacre un article intelligent et fin sur les manies qui ont accompagné chaque anniversaire du Concile. Mais c’est pour terminer sur le même travers. On ne sait pourquoi le cinquantenaire va devenir l’occasion d’enfin accomplir le concile. Un concile qui a été mis en œuvre par les évêques qui l’ont fait et qui l’ont voté mais qui finalement n’en aurait pas perçu le véritable esprit.
(parenthèse : on affirme souvent que Vatican II est le premier concile qui représente vraiment l’universalité de l’Église puisque tous les évêques du monde y étaient quasiment présents, contrairement à Vatican I, et contrairement à Trente où le catholicisme ne couvrait pas toute la planète. Mais, on nous dit aussi que comme Trente, qui a mis des décennies à être appliqué, Vatican II demande du temps au temps, alors que cette large représentation épiscopale présente au Concile aurait dû abolir ce problème justement.)
En France, le débat autour de Vatican II n’existe pas. Il y a les tentatives théologiques, certainement admirables, pour montrer à tout prix la continuité théologique entre le magistère antérieur et postérieur, postulant indirectement qu’au fond pendant quarante ans et plus les catholiques se sont déchirés pour rien. Et il y a les admirateurs tardifs d’un concile inappliqué mais qui reste de ce fait la « boussole » et l’ « espérance » pour notre temps.
Diogène cherchait un homme ; en laïc du bout du rang et du dernier banc, cherchons plus simplement le bon sens.
On juge l’arbre a ses fruits.
Il faut vraiment etre sot pour ne pas voir la réalité.
Que ce soit dans l’église conciliaire
ou hors de l’église conciliaire.
Divorces,Suicides,Avortements,Drogues etc
Pour ce qui est de la France,les éveques conciliaires
n’ont aucune audience ni crédibilité sur la planète “jeunes’.
Des que l’on accepte de reprendre le chemin liturgique a son point d’abandon de 1962,on retrouve le bon chemin.
Le “Concile” est un roseau fêlé qui perce la main qui s’y appuie :
je cite ici librement le prophète Isaie… je regrette de ne pas avoir le temps de chercher la référence précise…
L’argument des évêques ayant “fait” le Concile et l’appliquant est fallacieux. Il tiendrait s’il y avait eu unanimité des points de vue, or on sait que c’est tout le contraire et qu’on reproche par ailleurs aux textes d’être parfois ambigus à force de compromis. Les évêques présents manquaient de recul pour saisir ce que l’Esprit Saint, réel auteur du Concile, a fait à travers eux. Les premières décennies postconciliaires ont été le théâtre de beaucoup d’erreurs de jugement et il a fallu la force d’un JP2 pour remettre peu à peu l’Église sur les rails. B16 continue et approfondi encore le travail. Voici les deux participants du Concile choisis pour l’appliquer…
La déclaration “Dignitatis humanæ” est un chef d’œuvre pour celui qui veut bien se donner la peine de la lire (et de la corriger selon le texte original latin et ne pas faire une confiance aveugle à la traduction française – je pense au subsistit in qui ne se traduit pas par “subsiste dans”).
Le Concile Vatican II est infaillible. Il est vrai cependant qu’il a donné lieu à la violation de nombreux droits fondamentaux des catholiques dans sa prétendue application. Des horreurs comme la communion dans la main ou comme le Saint Sacrement relégué à la droite du prêtre, quand ce n’est pas dans un coin sont parmi les plus atroces choses accomplies au nom du Concile (et qui perdurent hélas ! voire sont présentées comme des signes de vertu !). Un parti schismatique dans l’Eglise avait décidé d’imposer sa politique en terrorisant les catholiques; hurlant : “Obéissez… sinon vous êtes schismatiques” précisant “Il n’y aura pas de débat, il n’y a pas le choix. Il n’y a aucune liberté.” Mais cela est une autre question. Car les textes du Concile sont une excellente chose.
Bonjour,
1. Chacun peut comprendre que des traditionalistes, adeptes récents ou tardifs, à juste titre ou non, de l’herméneutique du renouveau dans la continuité, en viennent à trouver au Concile Vatican II, à tort ou à raison, plus de mérites que de limites.
2. Ce n’est pas mon positionnement, dans la mesure où je considère
– que la seule herméneutique explicative du spécifique du Concile qui s’exprime surtout dans DH, NA, GS, est une herméneutique du renouveau sans la continuité,
et
– que la seule thérapeutique remédiatrice ou réparatrice des conséquences du Concile devra pouvoir être placée sous le signe de la transmission dans la continuité,
mais je ne vais pas commenter ni critiquer des textes, présents dans Kephas ou dans Sedes Sapientiae, que je n’ai pas la possibilité de lire.
3. Pour autant, cinquante ans après son ouverture, la question qui s’impose me semble être celle-ci : si nous en sommes là où nous en sommes, est-ce, notamment, parce que le Concile n’a pas encore été appliqué, ou parce que le Concile a bel et bien été appliqué ?
4. La réponse est dans la question : depuis cinquante ans, le Concile Vatican II est appliqué dans et par l’Eglise catholique ; on peut toujours dire qu’il est mal appliqué, dans certains de ses aspects, peu appliqué, dans d’autres de ses aspects, voire appliqué d’une manière qui n’est pas toujours honnête ou loyale, compte tenu de la soumission récurrente de son application, notamment en France, à une ligne de pensée “progressiste rupturiste”, mais enfin, on ne peut pas dire qu’il n’est pas appliqué du tout, alors que Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI en ont été ou sont de fidèles serviteurs.
5. A partir de là, la question n’est pas tant de savoir s’il y a ou non continuité universelle entre le Concile et le Magistère antérieur, que de savoir si cette “continuité”, à tout le moins dysfonctionnelle, au vu des résultats obtenus, est plutôt conforme ou plutôt contraire aux intentions et aux objectifs des évêques, des pontifes, du Concile et de l’après-Concile.
6. Or, d’une part, et à ma connaissance, nous n’avons pas entendu beaucoup d’évêques présents au Concile, puis chargés de l’appliquer, dire publiquement, à tout le moins dans les années 1960 et 1970 : “nous n’avons pas voulu cela”, au contact des conséquences de l’application du Concile, au cours de cette période là.
7. Et, d’autre part, toujours à ma connaissance, l’Eglise – institution persiste à refuser de voir dans le Concile lui-même l’une des causes, l’un des facteurs, de la situation actuelle, alors qu’il saute aux yeux que si la confiscation ou le détournement du Concile par des catholiques humanitaristes a été l’une des réalisations caractéristiques de l’après-Concile, c’est qu’elle était
– une possibilité non seulement conjoncturelle et contextuelle, à tout le moins dans le contexte des années 1960 et 1970, d’une part, 1980 et 1990, d’autre part,
mais aussi
– une possibilité plus fondamentale, et plus intra-textuelle, découlant d’une partie de la forma mentis présente et active dans une partie du corpus textuel du Concile lui-même.
8. J’ai bien dit, “l’une des causes”, “l’un des facteurs” : le mode de formalisation doctrinale puis de concrétisation pastorale de tel ou tel texte du Concile, compte tenu de ce que l’on a pris grand soin d’y dire ET de ce que l’on a pris grand soin d’y taire, ne suffit pas, à lui tout seul, à expliquer la situation actuelle de marginalisation du christianisme catholique, non seulement, évidemment, dans le monde actuel, mais aussi dans l’Eglise actuelle, ce qui est plus original.
9. Mais enfin, il n’est pas impossible de considérer que s’il y avait eu moins d’ambivalence, d’aveuglement, d’imprécision, d’incomplétude, d’angélisme, d’irénisme, d’utopisme, au sein et autour du Concile, depuis un demi-siècle, nous n’en serions pas là où nous sommes.
10. Par certains aspects, la situation est moins malsaine que dans les années 1960-1970, mais s’il saute aux yeux que le recentrage engagé ou esquissé par Paul VI, impulsé et incarné par Jean-Paul II, poursuivi et prolongé par Benoît XVI, est nécessaire, il saute également aux yeux que ce recentrage n’est pas suffisant : l’infléchissement d’une trajectoire est un chose, le rétablissement d’une trajectoire en est une autre, et Assise 2011 en constitue un exemple éclairant, parmi plusieurs autres, depuis 2005.
11. L’idéal pourrait être qu’une clarification doctrinale et qu’une consolidation pastorale privent les “progressistes rupturistes” des moyens de prendre appui sur le Concile pour dire et faire ce qu’ils font ET pour taire ce qu’ils taisent.
12. Mais ces moyens, c’est, certes uniquement en partie, le Concile lui-même qui les leur donne, comme on le voit en relisant notamment DH, NA, GS.
13. J’ajoute ici le point suivant : tant que l’on n’aura pas compris qu’au Concile, il y a deux textes, GE et IM, qui renvoient à des problématiques contemporaines fondamentales, l’éducation et l’information, et qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’ont pas été réussis, par les Pères du Concile, on ne comprendra pas de quels outils d’analyse et de pilotage l’Eglise est privée, depuis cinquante ans, et dans quelle mesure cette privation lui est préjudiciable, notamment pour penser et vivre l’évangélisation, dans le contexte d’infantilisation morale et spirituelle qui constitue la conséquence de la conception et du déploiement de l’éducation et de l’information contemporaines.
14. Le monde moderne n’est pas accidentellement, mais intentionnellement opposé au christianisme ; c’est cela, cette intentionnalité là, qui n’a pas assez donné lieu à prise de conscience, remise en cause, et mise en forme puis en oeuvre de la seule “alternative programmatique” qui vaille, au Concile, parce qu’une partie de celui-ci est sous-tendue
– avant tout par une logique d’assomption existentielle, implicitement chrétienne de ce qu’il y a de plus humain dans le monde moderne,
et non
– avant tout par une logique d’exhortation à la conversion confessionnelle, explicitement chrétienne, des hommes et des femmes qui vivent dans le monde moderne.
Merci par avance pour toute prise en compte de ce message, et pour toute remarque ou suggestion, à son contact.
A Z
Merci AZ pour votre analyse fouillée posant du reste plus de questions que n’apportant vraiment de réponses. Je vais pour ma part simplifier autant que possible la problématique de Vatican II en osant cette thèse « holiste » qui ambitionne de prendre un peu de hauteur et qui rend compte d’un long processus historique :
– Et si finalement les dérives post-Vatican II et la crise actuelle de la Foi catholique en Occident (car les milieux traditionalistes oublient svt que le catholicisme ne se réduit pas à l’Occident!), tenaient beaucoup moins à la prétendue ambiguïté de certains Textes conciliaires, mais s’enracinaient tout simplement dans la perte d’influence considérable de la voix de l’Eglise Catholique et de la Papauté sur les consciences, et cela particulièrement depuis l’immense tragédie de la 2ème Guerre mondiale ? Laquelle a consacré :
– l’hégémonie universelle du monde protestant et agnostique anglo-saxon à tout point de vue (culturelle, économique, militaire etc.) conjuguée partiellement à celle de l’idéologie marxiste-communiste, sur l’Occident.
Hégémonie rendue possible par…
– L’effondrement de la puissance et de l’influence des Royaumes, Empires et Nations d’obédience Catholique Romaine, au terme d’un très long processus de plusieurs siècles, qui ont vu s’entredéchirer, par une succession de guerres fratricides, les Catholiques européens. La France s’alliant même parfois aux Turcs musulmans et aux Protestants (François Ier, Louis XIV etc.) pour lutter contre l’influence trop grande à ses yeux du Saint Empire germanique et de la Papauté…
Processus d’effondrement (passant par les Révolutions européennes anti-catholiques du XVIIIème) du monde catholique qui a culminé dans le traumatisme collectif des 2 guerres mondiales du XXè siècle. Lequel traumatisme qui ne pouvait déboucher dans l’après-guerre des années 50-60 (en raison des lois de la psychologie collective et du péché originel) que sur une période de mise à sac des valeurs traditionnelles d’autorité (patriotisme, famille, discipline, religion, Pape etc.), ainsi que sur l’étourdissement généralisé et l’hédonisme.
D’autant plus, comme relevé précédemment, que les deux super-ensembles rivaux non catholiques allaient désormais se partager l’hégémonie culturelle: d’un côté la super-puissance protestante anglo-saxone en l’Empire US, alliée à ce qui restait de l’Empire britannique protestant; de l’autre, l’Empire communiste.
L’influence simultanée de ces deux ensembles idéologiques (tous deux tendant d’ailleurs au matérialisme, l’un pratique, l’autre théorique), dans le contexte post-traumatique de la Seconde Guerre mondiale, suscita donc une révolution culturelle et morale, associant hédonisme et anarcho-marxime, toutes valeurs opposés au catholicisme.
Pour cette raison, j’ai la conviction que, quelle qu’aurait pu être la teneur des Textes et des réformes de VaticanII, l’Eglise d’Occident n’aurait hélas pas échappé à une grave crise de tous ordres (doctrine, vocations, morale etc.). L’influence culturelle et morale du catholicisme étant désormais considérablement affaiblie.
En ce sens, il me semble que la mouvance traditionaliste fait très souvent un mauvais procès au Concile Vatican II (bouc-émissaire idéal) et s’aveugle sur les raisons profondes du déclin croissant de la Foi, de l’apostasie silencieuse des peuples autrefois chrétiens.
Le monde actuel est à un carrefour et il pourrait dans l’idéal commencer à sortir des illusions du matérialisme pratique (capitalisme et ultra-libéralisme) et théorique (marxisme communiste). Grâce à Dieu, c’est là que la voix de l’Eglise, porte-parole du Seigneur, pourrait dans ce contexte neuf se faire à nouveau entendre auprès des hommes de bonne volonté. Les passions exacerbées et les mauvais procès liés à Vatican II apparaitront alors peut-être bien dérisoires… Restera à l’Esprit-Saint à refaire l’unité et la guérison des “racines amères” chez les Catholiques aujourd’hui si meurtris et déchirés.
“Veillez à ce que personne ne manque à la grâce de Dieu ; à ce qu’aucune racine d’amertume, venant à pousser des rejetons, ne cause du trouble, et que la masse n’en soit infectée” (Hébreux 12, 15)
Bonsoir à tous,
Dans le prolongement de ce que j’ai déjà écrit, je précise ou rappelle rapidement ce qui suit, à toutes fins utiles.
1. Pour ma part, je ne dis pas que l’Esprit Saint n’est pas le réel auteur d’au moins une partie du Concile, ni que celui-ci n’est pas, au moins en partie, infaillible, mais je considère que cette vision des choses risque de rendre impossible une analyse élucidatrice et critérisée du Concile Vatican II, analyse critérisée que je m’efforce toujours de pratiquer de la manière la plus documentée et la moins mal argumentée possible, et que je distingue d’une analyse qui serait uniquement incriminatrice et soupçonneuse ou uniquement légitimatrice et louangeuse.
2. Nous sommes en présence d’un Concile dont la généalogie intellectuelle, si l’on considère les théologiens qui ont le plus inspiré les Pères du Concile, ne plaide pas particulièrement en faveur de la solidité ou de la validité de l’herméneutique du renouveau dans la continuité, notamment vis-à-vis du Magistère et de la théologie “officielle” antérieurs à 1959, d’autant plus que ces théologiens, dont Congar et Rahner,
– avaient une vision des choses qui était située à grande distance du néo-thomisme post-tridentin, qui a été si important et si influent, en amont du Concile, du pontificat de Léon XIII à celui de Pie XII,
– ont été inquiétés ou menacés, recadrés ou sanctionnés, à cause d’une partie de leurs écrits, entre 1945 et 1958, au cours du pontificat de Pie XII,
– n’ont jamais cherché à revenir à la manière antérieure de concevoir et de déployer la théologie, au contact des premières conséquences, sinon désastreuses, du moins douloureuses, de la mise en oeuvre du Concile.
3. Bien au contraire, certains (dont ceux que je viens de citer) se sont encore plus décentrés, là où d’autres (Balthasar, de Lubac, les futurs Jean-Paul II et Benoît XVI) se sont davantage recentrés, dans la deuxième moitié des années 1960 et dans les années 1970, respectivement au moyen des revues Consilium et Communio.
Mais les uns et les autres, au contact des premières preuves du caractère contre-productif de la mise en forme puis en oeuvre d’au moins une partie du Concile, n’ont jamais cherché à réhabiliter l’intelligence “normativiste scolastisante” de la Foi catholique et des moeurs chrétiennes qui prévalait, avec ses limites mais aussi ses mérites, en amont du Concile.
4. Quant à la question de l’infaillibilité du Concile, elle est problématique, dans la mesure où il s’agit d’un Concile adogmatique, qui ne condamne rien et ne définit rien d’une manière pleinement dogmatique, ce qui signifie que son infaillibilité, là où elle existe, ne s’est pas traduite par une consécration magistérielle qui aurait consisté à élever une partie du contenu de telle ou telle constitution, dogmatique ou pastorale, au rang de dogme.
5. Et cela, cette adogmaticité du Concile Vatican II, ce sont les Papes et les Pères du Concile eux-mêmes qui l’ont voulue, et qui l’ont précisée, comme on peut le lire à la fin de LG et de DV, ainsi qu’au début de GS.
6. Nous n’avons donc pas, je le crois, à “dogmatiser” Vatican II, que ce soit en positif, pour l’encenser, ou en négatif, pour l’incendier : quand on connaît un tant soit peu la dynamique collective qui a élaboré le Concile et le dispositif définitif qui a été formalisé au Concile, on se rend compte que l’on n’est pas en présence de quelque chose qui se prête vraiment à la divinisation ou à la diabolisation “en bloc” de l’édifice entier.
7. On l’aura compris, à mes yeux, la “démythologisation” du Concile Vatican II constitue “une tâche urgente à accomplir”, notamment
– pour que les uns, appelons-les des catholiques humanitaristes, qui croient que le christianisme n’est (plus) qu’une des religions de l’humanité, cessent de croire qu’ils ont été, sont toujours, et seront à jamais, les meilleurs ouvriers de chaque heure de l’après-Concile,
– pour que les autres, appelons-les des catholiques traditionalistes, qui savent que la Tradition n’a pas à être avant tout changeante et mouvante, mais avant tout reçue et transmise, cessent de penser qu’ils seront d’autant plus les meilleurs ouvriers des heures présentes et à venir de l’après-Concile, qu’ils s’y rallieront avec le moins de nuances et de réserves possible.
8. Il a beaucoup été question, depuis le fameux discours du 22 décembre 2005, d’herméneutique(s) du Concile, et il a été question, en particulier, du caractère apparemment sans précédent et définitif de l’herméneutique pontificale “bénédictine” du Concile.
9. C’est oublier un peu vite que cette herméneutique pontificale “bénédictine” du renouveau, dans la continuité de l’Eglise-sujet, était déjà, en substance, à l’ordre du jour, dans la bouche et sous la plume de Paul VI, dans plusieurs audiences générales, dès les années 1965 et 1966, avec le succès que l’on sait.
10. Et c’est oublier tout aussi vite que l’objectif de Benoît XVI, dans ce discours du 22 décembre 2005,
– n’est absolument pas de refermer la parenthèse doctrinale et pastorale que certains voient dans le Concile, alors qu’il s’agit non d’une parenthèse, mais d’une stratégie globale, “irréversible”, dans certains de ses principes (l’oecuménisme et le dialogue interreligieux), DONC potentiellement irrémédiable, dans certains de leurs effets, ce qu’il ne faut pas, paraît-il, dire trop fort ;
mais
– est de délégitimer, de disqualifier, la ligne de pensée interprétative du Concile qui est celle des catholiques rupturistes, et notamment celle des catholiques humanitaristes d’inspiration progressiste rupturiste, ce qui constitue un objectif moins ambitieux et plus modeste, sans doute moins prophétique, peut-être plus réaliste, et pas essentiellement ni explicitement “restaurationniste.”
11. Je me permets ce rappel avant de rappeler avec modestie et prudence
– ma propre herméneutique, celle du renouveau sans la continuité, car s’il y a de nombreux éléments de continuité, au Concile, ils ont été mis au service d’une intention générale qui, elle, était avant tout, voire seulement, placée sous le signe du renouveau, tourné notamment vers les autres chrétiens et croyants, avec qui dialoguer, vers l’homme moderne, à aimer et à servir, et vers le monde moderne à bâtir et à venir ;
– la thérapeutique que j’appelle de mes voeux, id est une thérapeutique de la transmission, dans la continuité, de la Tradition-objet, objet au sens de patrimoine, dogmatique, doctrinal, liturgique, pastoral, et surtout spirituel, à (faire) connaître, comprendre, aimer, servir.
12. L’année 2012-2013, ce sera l’année de la Foi ET l’année de la commémoration de l’ouverture du Concile : je voudrais achever ce message en rappelant que la priorité, au Concile,
– n’a pas consisté à réfléchir et à s’exprimer en vue d’une consolidation de la Foi catholique, dans l’esprit et dans la vie des fidèles catholiques,
– mais a consisté à adapter, à évoluer, à innover, à s’ouvrir et à s’unir, en vue d’un développement de l’attractivité de l’Eglise catholique, du point de vue, attribué ou avéré, prétendu ou supposé, des chrétiens non catholiques, des croyants non chrétiens, des humains non croyants, et des Etats modernes, sécularisateurs ou sécularisés.
13. Tout le drame du Concile repose sur ce positionnement, à mon sens, en partie erroné, infondé, ou, en tout, cas, conjoncturellement ou fondamentalement inapproprié : à la fois
– l’idée selon laquelle la Foi catholique, dans l’esprit et la vie des fidèles catholiques, était alors, en quelque sorte, acquise, et n’était pas, ou n’était plus, à consolider, en priorité ;
et
– l’idée selon laquelle il pouvait y avoir une relative synonymie, entre consensus et vérité, entre sympathie et sainteté, dans les relations de l’Eglise catholique, et des catholiques eux-mêmes, avec leurs contemporains non catholiques, non chrétiens, ou non croyants.
14. On voit ce qu’il en est aujourd’hui, à la vérité : les chrétiens, en général, les catholiques, en particulier, sont fréquemment ringardisés, stigmatisés, marginalisés, ridiculisés, voire martyrisés ou persécutés.
Or, le monde, depuis 2 000 ans, n’a pas avant tout besoin d’une Eglise attractive, mais a avant tout besoin d’une Eglise convaincante, et d’une Eglise qui ne sera convaincante que si les catholiques sont convaincus eux-mêmes de faire partie de la seule véritable Eglise du Christ, incarné, crucifié, ressuscité, Lui qui est le seul Médiateur et le seul Rédempteur, le Fils unique du seul vrai Dieu, Père, Fils, Esprit.
Pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Bonne nuit et à bientôt. Merci à tous et merci pour tout.
A Z