J’ai été très intéressé par la dernière lettre de Paix liturgique. Elle met en avant sous le titre « Un Jean Bosco pour le XXIe siècle » le portrait d’un prêtre français, l’abbé Horovitz, juif converti au catholicisme, qui n’a pu rester dans le diocèse de Paris et s’est donc installé dans le diocèse de Toulon pour fonder avec l’abbé Blin un patronage traditionnel.
Paix liturgique reprend là un portrait publié initialement dans le journal L’Homme Nouveau, dans le numéro du 30 juin dernier. Voici comment est décrit cet apostolat selon la pédagogie traditionnel, qui repose ici sur le tryptique : une paroisse, une école, un patronage.
Ils étaient 6 garçons au début, le patronage compte aujourd’hui en moyenne 40 enfants chaque semaine. Un succès ! Pourtant, les recrues sont rares aux côtés de l’abbé Horovitz et de l’abbé Blin, qui partage son ministère : une paroisse, une école et le patronage. « C’est un apostolat qui fait peur. Il demande un investissement de toute sa personne pour tisser des liens d’amitié, faire partie des meubles et pouvoir ainsi annoncer l’Évangile. Certains se demandent à quoi cela sert de taper dans un ballon avec des enfants. Moi je peux assurer que c’est fondamental. Aux patros, on joue et on prie. C’est notre devise ! Un enfant qui joue bien est un enfant qui prie bien. » Le patronage, porté par les deux prêtres et une paroissienne, accueille les enfants à partir de six ans. Les groupes sont non-mixtes et organisés par tranches d’âge. « Très vite, les plus grands ont un rôle d’aide, de grand frère auprès des plus jeunes et cette structure familiale est en fin de compte très pertinente dans une société où la famille est éclatée. » L’abbé Horovitz est bien loin de tout idéalisme et ce sont plutôt le pragmatisme et un humanisme au bon sens du terme qui fondent sa pédagogie. « Le plus grand ennemi du catéchisme est l’ennui ! Le catéchisme, ça doit être souvent et court. Lorsque la séance s’achève, les enfants doivent dire « déjà ? ». Il ne s’agit pas de faire un catéchisme au rabais – d’ailleurs nous suivons le plan du Compendium même pour les plus jeunes – mais de le rendre intéressant. » Un principe d’autant plus important que le patronage n’est pas réservé aux seuls catholiques. « L’aspect spirituel des choses est saupoudré en même temps que montré comme une nécessité. Je dis souvent aux enfants que se confesser, c’est comme se laver les dents. C’est l’hygiène de l’âme. Aux prêtres de mettre les sacrements à portée de tous. Je me souviens de cet élève de l’école, après un topo sur la confession, qui avait demandé en plein cours à aller se confesser. Il a pu sortir de cours, et je l’ai confessé dans l’instant ! »
Appliquant le motu proprio Summorum Pontificum depuis l’origine, l’abbé Horovitz est plutôt sévère concernant la pesanteur idéologique qui règne en France :
Les enfants du patronage, pour des raisons pratiques, assistent le plus souvent à la messe en forme ordinaire mais l’abbé Horovitz met un point d’honneur à suivre l’élan donné par le Motu Proprio Summorum Pontificum et compte bien, à terme, permettre à tous les enfants de se réapproprier la Messe de Saint Pie V. « Ce sont généralement les parents qui s’opposent. Les enfants n’y voient aucun inconvénient et certains m’ont confié que cette messe leur donnait une impression de sérieux. Le Motu Proprio le permet. On ne peut pas être plus papiste que le pape ! Nous en avons marre de cette idéologie qui nous empoisonne depuis 40 ans. Au fond, le biritualisme est l’une des grâces de notre temps. »
Mais, outre ces extraits du portrait publié dans l’Homme Nouveau, les commentaires de Paix liturgique sont très, très intéressants :
1) Il faut bien le reconnaître, l’abbé Horovitz est un homme « extraordinaire » : prêtre du diocèse de Paris et vicaire à Notre-Dame-de-Clignancourt, il fut en effet l’un des premiers et l’un des seuls – avec son confrère l’abbé Hubert Blin – à accepter « de jouer honnêtement et spontanément le jeu » du Motu Proprio Summorum Pontificum.
2) L’autre aspect « extraordinaire » fut que, là ou il était, il fut suivi par des fidèles malgré une situation elle aussi « extraordinaire », pensez… aller assister à la messe de l’abbé dans l’église paroissiale… le samedi à…. 8h.
En harmonie avec le Motu Proprio Summorum Pontificum publié le 7 juillet 2007 par le Saint-Père, l’abbé Horovitz se lance à Notre-Dame-de-Clignancourt où il est vicaire : il célèbre la messe dans la forme extraordinaire deux fois par semaine entre mars et juin 2008, le vendredi matin à 10h30 avec une bonne douzaine de fidèles de divers horizons (et notamment plusieurs étudiants), le samedi matin à 8 heures avec une petite trentaine de fidèles dont bon nombre découvrent ce rite.
3) Ce qui est au final assez ordinaire fut que pour cette attitude « extraordinaire » l’abbé Horovitz n’a pas été retenu dans son diocèse lorsqu’il a voulu participer à la fondation d’une communauté religieuse, et qu’il a été contraint à l’exil méditerranéen.
En juin 2008, lors d’un dîner que lui offrent en témoignage d’amitié les fidèles qui sont effondrés par l’annonce de son départ de la paroisse, l’abbé Horovitz se met à évoquer les persécutions qu’il a eu à subir depuis plusieurs mois de la part du clergé : critiques du port de la soutane, du catéchisme traditionnel (strictement contrôlé et interdit par le curé), multiples obstacles à la célébration de la messe selon la forme extraordinaire. Et puis le témoignage de pratiques incroyables, dignes de la fameuse omerta en Sicile, par exemple : recevoir un coup de fil réprobateur du vicaire général, c’est comme recevoir le message sicilien (un poisson dans du papier) et d’un seul coup plus personne ne vous parle… D’où l’obligation de partir à l’été 2008.
4) Il n’empêche que même sans leur cher abbé, les paroissiens de Notre-Dame-de-Clignancourt (et du doyenné du 18ème) ont continué – et continuent encore – à demander à leurs curés une célébration « extraordinaire ». Rien d’extraordinaire en revanche, malheureusement, à signaler que malgré leur zèle et leur discrétion ils n’ont pas encore été entendus. Mais direz-vous : y a-t-il une vraie demande à Notre-Dame-de-Clignancourt ?
Oh, que oui ! Dès juin 2008 une famille de responsables des préparations aux mariages dans la paroisse, formulent par oral une demande au curé pour assurer la pérennité de la messe selon la forme extraordinaire dans la paroisse. Ils renouvellent leur demande en septembre 2008.
Ils prennent alors rendez vous avec le curé, le Père Marc Lambret, pour évoquer leur demande. Cette rencontre ne se déroulera que le 22 mai 2009 et sera le théâtre d’un échange très tendu avec le curé qui leur fait comprendre qu’il ne veut rien entendre.
Le 29 mai 2009, les demandeurs mettent en place une demande plus formelle signée par huit familles de paroissiens qu’il adresse au curé le 3 juin 2009 avec copie à l’archevêque de Paris, à la nonciature apostolique et à la commission “ Ecclesia Dei ”.
Le curé répond aux demandeurs qu’il souhaite rencontrer à tour de rôle chacune des familles demandeuses. Le coordinateur de la demande lui répond que cela sera interprété par certains comme une forme d’intimidation, que les familles préféreraient le rencontrer toutes ensemble. Il propose des dates pour une rencontre. Celle-ci n’aura jamais lieu.
Dans les semaines qui suivent, la liste des demandeurs continue à s’accroître et se compose de plus de 20 familles à la fin 2009. Une nouvelle lettre est alors adressée au curé et à la commission “ Ecclesia Dei ” qui répond « que cette demande représenterait une des plus sérieuses demandes parisiennes ».
Depuis, le doyenné du 18ème continue de faire le mort mais les demandeurs sont toujours présents, dans l’espérance de pouvoir vivre bientôt leur foi catholique dans leur paroisse (ou au moins dans leur doyenné !) au rythme de la forme extraordinaire du rite romain.
Dans le diocèse de Paris, la fidélité au Pape tant invoqué contre les traditionalistes, est à géométrie variable. Ce n’est pas la demande qui manque, c’est la volonté de la satisfaire, dès le niveau paroissial. Car l’une des grandes nouveautés du motu proprio Summorum Pontificum est bien de rendre le curé « décisionnaire » en la matière. Pour le bien des âmes ; pas en fonction des querelles idéologiques héritées des années 70 !
Merci pour ce récit si intéressant. Il démontre que la liberté religieuse n’est pas respectée dans l’Eglise. Le caporalisme spirituel, exercé de plus sans titre juridique ou moral, est la plaie de l’Eglise qui est en France.
Génial ! Etre pragmatique est bien une qualité d’une foi incarnée. La branche de l’ Eglise, qui se veut ouverte et progressiste, se rendra-t-elle un jour à l’évidence que reconnaitre la tradition, est une attitude d’ouverture ? Que l’avenir de l’Eglise puise ses racines dans son passé, sa Tradition ! Reconnaitre l’existence de Dieu, pratiquer sa foi n’est tout de même pas une honte au pays des droits de l’homme ??? !!! Ou bien ! ?