Le bioéthicien australien Peter Singer a été honoré lundi dernier de la plus haute distinction civile existant dans son pays lorsque, à l’occasion de l’anniversaire de la reine d’Angleterre, il a été fait Compagnon de l’Order of Australia. Peter Singer est connu pour ses prises de position extrêmes au nom de l’utilitarisme de l’écologie et des droits des animaux. Ainsi il justifie l’infanticide sur les nouveau-nés défectueux, la bestialité pourvu que l’être humain et l’animal y trouvent une satisfaction, et même l’inceste : c’était l’an dernier à l’université de Sydney. Il n’y mettait que deux conditions : que les partenaires soient consentants et qu’ils utilisent un contraceptif.
Singer est ainsi décoré pour « éminents services rendus à la philosophie et à la bioéthique, en tant que leader du débat public et communicateur d’idées ». Pour obtenir ce hochet-là, on est supposé avoir « mérité au plus haut degré à travers les services rendus à l’Australie ou à l’humanité en général ».
Peter Singer peut paraître avoir des idées marginales ou extrêmes. Pour autant il est tout sauf marginalisé : il occupe une prestigieuse chaire de bioéthique à l’université américaine de Princeton depuis 1999, et il est professeur lauréat à Melbourne University, dans son pays d’origine. La reconnaissance dont il vient de faire l’objet ne constitue sans doute pas une approbation de toutes ses idées, mais elle les rend encore un peu plus acceptables, dignes d’être considérées dans le contexte d’un débat rationnel. On en fait rarement autant pour ceux qui affirment le respect de la vie – à part le prix Nobel pour Mère Teresa peut-être.
Dans un excellent commentaire sur le site australien The Punch http://www.thepunch.com.au/articles/peter-singer-doesnt-deserve-an-order-of-australia/, Xavier Symons dit sans ambages que Singer « ne mérite pas » sa décoration. Oui, il est connu, oui, il a contribué au débat philosophique, oui, il lui arrive même de se montrer préoccupé par le sort des plus pauvres, oui, il a une influence « réelle » dans le monde de la politique et de la bioéthique (rappelons qu’il a rédigé le premier programme des Verts australiens dont il était membre fondateur). « Mais l’influence qu’il a eue sur notre société est vraiment détestable. »
Dans la droite ligne de Darwin et de Locke, rappelle l’auteur, Singer rejette toute différence de nature entre l’homme et l’animal : à Locke, il emprunte sa définition de la personnalité en la définissant comme une « conscience de soi rationnelle ». Singer en tire les conclusions extrêmes : on peut envisager de tuer celui qui n’est pas conscient de soi : l’enfant à naître, l’enfant à peine né – « Tuer un enfant défectueux n’est pas équivalent, au plan moral, au fait de tuer une personne. Parfois il n’y a aucun mal à le faire. »
De même, une personne qui n’est plus consciente d’elle-même et qui n’a plus la capacité de communiquer devrait pouvoir être éliminée, c’est à faire régler par des commissions et des groupes qui s’exprimeraient « au nom » de ces handicapés.
A l’autre bout de l’échelle, Singer plaide pour les droits des animaux et la libération animale : son livre Animal rights est aujourd’hui la bible des militants de PETA qui luttent contre le « spécisme » qui discrimine contre les animaux non-humains, et ont déjà obtenu quelques succès législatifs, en Autriche, en Suisse et en Espagne notamment.
De nombreux groupes pro-vie australiens ont crié au scandale en apprenant la nouvelle de la décoration décernée à Singer : « folie », « déshonneur », aberration alors que le « politiquement correct » impose une chape de plomb sur tant de sujets.
Peter Singer a un vrai mérite pourtant : c’est celui de tirer logiquement et sans fausse pudeur toutes les conséquences des idées et des philosophies qui justifient les transgressions actuelles de la loi naturelle. Si l’on peut tuer un enfant dans le sein de sa mère, pourquoi se l’interdire lorsqu’il vient de naître ? S’il n’y a ni âme, ni nature humaine, pourquoi ne pas traiter l’animal comme un homme et l’homme comme un animal ? Si ce qui compte, c’est la satisfaction de ses propres désirs dans le respect de ceux des autres, pourquoi imposer une morale sexuelle ?
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