C’est un livre passionnant que vient de faire paraître Alexandre Maral, conservateur en chef au château de Versailles, aux éditions Perrin. Dès les premières pages, le constat qu’il fait montre toute l’orientation du livre. De Louis XIV, on a souvent évoqué les maîtresses au détriment de sa foi et de la vie religieuse du roi. On a préféré le thème secondaire au sujet essentiel, façon révélatrice de diminuer un monarque qui échappe décidément aux mentalités contemporaines.
En sens inverse, l’auteur du Roi-Soleil et Dieu (372 pages, 24€) se propose d’explorer ce thème en abordant trois sphères concentriques :
« Au centre, Louis Dieudonné, baptisé catholique, confirmé, appelé à communier régulièrement, marié susceptible d’un questionnement religieux, soumis aux tentations de la chair, capable de faire retour à Dieu, affrontant avec courage les épreuves jusqu’à la dernière d’entre elles, la mort. »
De l’éducation religieuse reçue pendant l’enfance jusqu’au rôle para-liturgique du roi, évêque du dehors, en passant par l’adultère et le retour à une vie catholique sous l’influence de Madame de Maintenon, Louis XIV apparaît finalement très humain, jusque dans cette gloire qui n’enlève rien à sa condition de pécheur. On se rend compte surtout que la foi, les questions religieuses (pas seulement celles soulevées par l’Édit de Nantes, le jansénisme et la destruction de Port-Royal) habitent et l’homme et le règne. De par sa fonction, Louis XIV était certes le « roi très chrétien, revêtu du saint chrême », mais il était aussi, de par la commune nature humaine, soumis à l’interrogation religieuse même quand il voulut l’enfouir et l’oublier en se laissant emporter à des désordres aux yeux de la foi.
À sa manière, Alexandre Maral réhabilite le grand roi et nous offre de sentir la beauté de la monarchie chrétienne, qui, elle aussi, n’échappe pas à la condition d’ici-bas.
Il est regrettable que les “sujets” n’aient jamais droit à la parole. Le règne de Louis XIV a été émaillé de grandes révoltes fiscales, notamment dans les provinces fraîchement rattachées à la France, comme la Franche-Comté ou la Bretagne. C’est une constante de la royauté française que d’avoir pressuré ses peuples, ce qui lui a valu bien des déboires, comme la “guerre de cent ans” en a donné l’illustration lorsque les bourgeois sont tombés dans les bras des Anglais pour échapper à la fringale fiscale de notre roi très chrétien qui ne se connaissait plus de limites depuis Philippe le Bel en matière de rapacité. Malheureusement la France n’a pas su ou n’a pas pu développer le même génie financier qu’en Hollande dont se sont inspirés les Anglais pour résoudre le manque chronique de financement dont souffrait la Couronne britannique. Chez nous, on préfère en rester aux problèmes de “fesses”, qui a mon avis devait concerner médiocrement le rural de base qui représentait 90% de la population de l’époque. L’atout du souverain français sur son comparse anglais était une indéniable aura de la monarchie très chrétienne qui malheureusement a été très ébranlée par les frasques sexuelles des monarques dont il faudrait psychanalyser les déviances. Un Louis XV paraît un sujet remarquable de ce point de vue. Il se trouve que l’on est bien renseigné sur ce sujet grâce aux confessions publiques de nos rois, dont certains comme Louis XV ne se sont jamais remis de cette curieuse pratique qui se déroulait en présence des “pairs” du royaume. Un Louis XVI fut beaucoup plus inspiré de ce côté-là, sans doute à cause des multiples centres d’intérêt intellectuels et manuels qu’il cultivait, ce qui lui permettait d’éviter des explosions fâcheuses de sa libido.