L’Internal Revenue Service (IRS) est l’agence du Department of the Treasury (ministère des Finances) du gouvernement fédéral qui collecte les impôts sur le revenu et qui est
investi du pouvoir d’interprétation et d’application des lois fiscales fédérales. En vertu de la section 501(c)(3) du code général des impôts (Internal Revenue Code), les organisations
religieuses (Églises, etc.) ne sont pas soumises à l’impôt sur leurs biens et leurs revenus. Ne le sont pas davantage les organ
isations laïques que l’on pourrait comparer à nos associations à but non lucratif, à la
condition « qu’elles ne tentent pas, pour l’essentiel de leurs activités, d’influencer la législation, et qu’elles ne prennent pas part à des campagnes pour ou contre des candidats [lors des élections] » (site officiel de l’IRS). Ces restrictions sont suffisamment
vagues pour en permettre une interprétation large ou étroite.
C’est la voie étroite qu’a choisie l’IRS envers Catholic Answers. Cet époustouflant site d’apologétique
catholique, fondé en 1979 par Karl Keating (photo), et dont on serait bien en peine de trouver un équivalent en France.
Le 23 avril dernier – mais l’information n’a été rendu publique que le 4 juin –, Catholic Answers portait plainte contre l’IRS devant une Cour fédérale pour « atteinte à son
droit d’expression ».
À une date qui n’est pas précisée par Catholic Answers, mais qu’on peut situer au cours du premier trimestre de cette année, cet apostolat apologétique recevait de l’IRS la
notification d’une amende qui lui été infligée pour violation de la section 501(c)(3). Les attendus reprochaient à Catholic Answers d’avoir diffusé en… 2004 une lettre d’information
informatique dans laquelle Karl Keating soutenait, à raison, qu’un candidat à l’élection présidentielle de cette année-là, le “catholique” John Kerry ne devrait pas être autorisé à
se présenter à la Table de Communion en raison de ses prises de position favorables à l’avortement. Ni cette lettre d’information – ni rien d’autre émanant de Catholic Answers – n’appelait
ses destinataires à ne pas voter pour Kerry ou à voter pour un autre candidat. Catholic Answers se contentait d’exprimer le point de vue général qu’un homme politique catholique pro
avortement ne devrait pas être admis à la Table de Communion. Point.
L’IRS ne l’entendit pas de cette oreille et estima – plus de quatre ans après les faits… – qu’il s’agissait là d’une « interférence » dans l’élection et donc d’une violation de la
fameuse section 501(c)(3).
Karl Keating écrit : « Depuis des décennies, l’IRS a utilisé ce critère très vague pour intimider les Églises, les organisations à but non lucratif et les différents apostolats
pour les forcer à se taire sur les questions morales débattues dans le domaine public. Cette intimidation est devenue si forte qu’aujourd’hui la plupart des Églises et des associations à but non
lucratif en Amérique sont mortes de peur à l’idée même de parler de ces questions morales jugées “politiques”. Si vous vous interrogez pour savoir pourquoi vous n’entendez pas davantage parler de
l’avortement dans votre paroisse, particulièrement pendant les campagnes électorales, vous avez là la raison : c’est l’intimidation de l’IRS (…) C’est pourquoi, et suivant l’avis de nos
avocats, nous avons décidé que nous devions ester en justice contre ce principe erroné afin de mener le combat pour les droits de toutes les organisations à but non lucratif, ce qui comprend
toutes les Églises (…) Nous poursuivons l’IRS en violation des droits que nous avons en vertu du Premier Amendement, pour nous avoir frappé d’une amende parce que nous avons exercé nos
droits à l’expression et pour réduire par l’intimidation toutes les organisations à but non lucratif au silence ».
L’affaire est très intéressante et fort importante à bien des égards. D’abord, elle montre un nouvel exemple des persécutions contre les catholiques orthodoxes auxquelles l’administration
Obama s’exerce – alors qu’elle n’est que tout miel pour les “catholiques” de papier ou franchement dissidents : il faut être sot, aveugle ou menteur comme La Croix pour voir dans
tout cela une « volonté d’apaisement de Barack Obama dans ses relations avec l’Église catholique » (28 mai) . Ensuite, la vigueur de la réaction catholique : j’en signalai avant-hier
ici un exemple avec l’affaire du Connecticut. Enfin, le dilemme où se trouve réellement
l’Église catholique aux États-Unis : tout avaler pour conserver ses avantages fiscaux ou les perdre en faisant front au nom de la doctrine catholique ? Le procès intenté par Catholic
Answer pourrait aider à le trancher. Mais la réponse n’est pas à attendre dans les prochains jours…