Guen Guangcheng, l’homme qui dérange |
L’avocat chinois aveugle et autodidacte Chen Guangcheng s’est échappé de son domicile où il était assigné à résidence dans des conditions très dures depuis plus d’un an et demi. « Il a pu sortir de chez lui le 22 avril et ses amis (…) l’ont conduit en lieu sûr, en dehors de sa province du Shandong », a indiqué à l’AFP Bob Fu, militant des droits de l’Homme basé aux Etats-Unis et en contact avec Chen. Chen Guangcheng a été incarcéré, battu, surveillé, privé de soins, pour avoir osé parler contre la politique de l’enfant unique en Chine et ses stérilisations et avortements forcés. (Source : Présent du 28 avril.)
Diverses sources annoncent que l’avocat militant a trouvé refuge à l’ambassade des Etats-Unis a Pékin, sans y avoir pour autant demandé l’asile politique puisqu’il ne veut pas cesser le combat qu’il mène depuis de longues années, et qui serait moins efficace s’il se trouvait hors des frontières chinoises.
La presse francophone insiste sur l’embarras des autorités américaines qui s’apprêtent à entamer des pourparlers commerciaux avec leur « honorable partenaire » chinois : Chen Guangcheng est perçu par elles comme un personnage encombrant capable de brouiller les entretiens par ses choix éthiques et politiques.
Barack Obama a même refusé de commenter ou de confirmer l’affaire aujourd’hui, répondant simplement qu’il était courant d’informations circulant à ce ce sujet.
Guen Guangcheng, en attirant l’attention internationale sur son sort, espère sans doute obtenir que lui-même et ses proches ne soient plus persécutés et malmenés. En même temps il force les regards vers la politique de l’enfant unique qui a toujours cours en Chine, avec des conséquences effroyables pour les femmes et les familles.
Ainsi, aujourd’hui, c’est un média du poids de CNN qui consacre un article au sujet, au lieu qu’il soit cantonné comme à l’ordinaire aux médias indépendants (et pauvres !) qui sont le plus souvent les seuls à en parler.
Ashley Hayes raconte l’histoire de Ji Yequing, enceinte – contrairement aux ordres gouvernementaux – de son deuxième enfant. Elle et son mari attendaient cette nouvelle naissance avec joie et impatience. Mais les autorités en ont eu vent, et c’est de force qu’elle a été traînée vers une clinique, non sans avoir battu son mari pour l’empêcher de lui venir en aide, puis maintenue plaquée sur un lit où elle a subi un avortement forcé.
Elle en a témoigné en septembre devant le Congrès aux Etats-Unis où elle a, depuis, trouvé asile. Racontant le « vide » abominable qu’elle avait ressenti : « Tout cet espoir, cette joie, cette attente heureuse avaient disparu. J’étais déprimée, triste. Pendant très longtemps, chaque fois que je pensais à mon enfant perdu, je pleurais… »
Ji Yeqing allait être soumise à un deuxième avortement forcé en 2006, trois ans après le premier, alors même qu’elle et son mari avaient déclaré qu’ils acceptaient les amendes et les sanctions (la perte de leur emploi) prévus si la jeune femme devait accoucher d’un deuxième enfant. Tout s’est terminé par un divorce, son mari d’alors lui reprochant de ne pas pouvoir lui donner un fils.
CNN rapporte d’autres cas particulièrement atroces d’avortements tardifs, dont un pratiqué à neuf mois où le bébé, né vivant, a été aussitôt noyé. Une image qui a fait le tour de Twitter en Chine.
Une autre femme témoignant devant le Congrès, Liu Ping, a subi cinq avortements forcés entre 1983 et 1990 avant de se voir implanter de force un dispositif intra-utérin. Elle devait alors se rendre dans la clinique de son usine tous les mois pour vérifier qu’elle n’avait pas ôté le stérilet et n’était pas enceinte : ayant raté une de ces visites en raison de la maladie de sa mère, en phase terminale, elle avait été agressée à son retour chez elle par des agents de la commission de planning familial qui l’ont battue : en chutant, Liu Ping s’est cassé deux vertèbres. Une tentative de suicide devait suivre, stoppée par ses proches : c’est ensuite seulement qu’elle a pu obtenir l’asile aux Etats-Unis et se réconcilier avec son mari dont elle avait divorcé.
La Chine connaît un taux de suicide féminin exceptionnellement élevé : 500 par jour. C’est aussi le seul pays au monde où le nombre de suicides féminins est plus important que celui des hommes.
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