Alors que la Congrégation pour la Doctrine de la foi se réunit aujourd’hui pour étudier le dernier document envoyé par Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier publie, dans le dernier numéro de sa revue Sedes Sapientiæ, une étude de l’abbé Bernard Lucien sur l’autorité magistérielle de Vatican II. Selon la présentation de cette étude :
Le débat actuel voit deux tendances s’opposer. D’un côté, on insiste sur l’aspect objectif de la Tradition – son contenu – et on souligne les problèmes de continuité avec le magistère antérieur, posés par certains textes de Vatican II. De l’autre côté, on insiste sur l’aspect actif de la Tradition – la transmission –, dont le magistère est un organe éminent, et on souligne la nécessité de recevoir les enseignements de ce concile œcuménique. Il est donc nécessaire de tenter une coordination de ces deux points de vue. C’est ce que fait l’abbé Lucien, appuyé sur quelques principes théologiques arrivés à l’état de doctrine certaine et explicite dans l’Église.
Pour publier cette étude, la revue prend prétexte notamment « des discussions entre la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) et le Saint-Siège ». Si c’est bien la raison qui motive cette publication, on reste un peu étonné devant une telle démarche. Au moment où Rome discute avec la Fraternité Saint-Pie X, il n’est certainement pas bon qu’un théologien interfère dans cette discussion, en apportant ainsi aux yeux du public une opinion somme toute privée, même si elle est le fruit d’une étude sérieuse. Car, finalement, dans cette affaire et dans cette situation précise, c’est au Pape qu’il revient de juger et il serait dommageable qu’un texte puisse être utilisé, contre son propre dessein, par des adversaires de la nécessaire réconciliation entre catholiques. Il y a quelques mois, la publication de cette étude aurait pu se comprendre, en s’insérant alors dans le débat qui se déroulait entre les théologiens de la Fraternité Saint-Pie X et ceux désignés par le Saint-Siège. Aujourd’hui, elle semble particulièrement inopportune.
On trouvera la présentation de cette étude ainsi qu’une version abrégée de celle-ci sur le site de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier. Malgré tout l’intérêt du propos, il reste que cette approche du Concile Vatican II n’a jamais été authentifiée par le Magistère. Elle a donc tout l’intérêt d’une piste de recherche (publiée au mauvais moment, selon nous), mais elle n’a pas davantage d’autorité que cela. Il reste le fait que le Concile Vatican II, dont on dit et redit qu’il s’adresse à nous au double titre de notre condition de catholiques et d’hommes modernes, et auquel on nous demande d’adhérer, n’apparaît pas comme un texte clair et sans équivoques. C’est donc au Magistère de se prononcer pour préciser les aspects les plus incompréhensibles ou lever les équivoques des différents textes conciliaires. Que les théologiens éclairent par leur travail le discernement du Magistère, c’est leur rôle. Qu’ils livrent au grand public des documents sans autorité ne peut qu’accroître les difficultés.
Il serait sans doute bienvenue le retour du NIHIL OBSTAT et celui de l’IMPRIMATUR. A défaut d’un sain discernement, chez l’auteur, ce passage obligé permettrait d’éviter un climat chicanier etc.
Il y en a qui souhaite le dérapage de la mission du pape qui veut répondre à l’injonction du Seigneur : UT UNUM SINT dans les rencontres qui se sont tenues entre le Saint-Siège et la FSSPX. Ces clercs, de quelques sensibilités dont ils se réclament, et d’où qu’ils viennent blessent l’Église du Christ et sèment un poison létal envers notre Pape Benoît XVI. En fait, ils veulent entraver l’oeuvre de l’Esprit-Saint qui guide Pierre et tous ceux, qui avec humilité,se sont engagés à aplanir les voies du Seigneur.
Avez-vous eu le temps de lire toute cette étude ?
Quelle degré d’autorité revêt votre commentaire ?
C’est exactement le genre de questions auquel je m’attendais… Cela n’a pas manqué. La suite viendra.
Oui, j’ai lu l’étude et dans sa version intégrale encore. Je trouve même que l’abbé Lucien a fait de sérieux progrès dans le domaine de la clarté. Oui, ni moi, ni ma présentation (le commentaire, c’est vous qui le faite…) n’avons de degré d’autorité. Cela tombe bien, nous ne sommes ni ne prétendons être théologien ou porte-voix du magistère. Mais l’abbé Lucien, à défaut d’avoir un degré d’autorité, a de manière certaine, un degré de responsabilité. Il propose son étude à un vaste public de non spécialistes. Dès lors, il s’expose à l’appréciation de son travail. Comme non spécialiste, je dis mon sentiment. Et ce sentiment est que l’abbé Lucien a peut-être raison sur le fond – sur lequel je suis bien incapable de juger – mais que la publication de sa thèse ne vient pas au bon moment. C’est tout ! Mais je le maintiens.
La citation du discours de Paul VI du janvier 1966 n’est pas la même chez l’abbé Lucien que sur le site de Khepas :
« a muni ses enseignements de l’autorité du magistère ordinaire suprême ; ce magistère ordinaire et manifestement authentique doit être accueilli docilement et sincèrement par tous les fidèles, selon l’esprit du Concile concernant la nature et les buts de chaque document ».
http://www.revue-kephas.org/02/4/Servigny49-57.html
Chez l’abbé Lucien cela devient :
“mais il a toutefois muni ses enseignements de l’autorité du magistère ordinaire suprême. Ce magistère ordinaire et si manifestement authentique doit être accueilli docilement et sincèrement par tous les fidèles, selon l’esprit du Concile concernant la nature et les buts de chaque document.”
http://www.chemere.org/telechargement/Lucien_autorite_magisterielle%20_Vatican_II.pdf
Ce n’est pas tout à fait pareil et même cela change beaucoup de choses, puisque dans la traduction de l’abbé Lucien la citation de Paul VI est difficile à comprendre. Le sens semble être flou. Dans la traduction de Kephas, le sens est clair.
Le magistère ordinaire n’est pas moins infaillible que le magistère extraordinaire pour tout ce qui concerne la foi et les mœurs, selon ce que je crois savoir. Les contorsions intellectuelles ne pourront changer ce fait.
Jésus n’a-t-il pas dit : “La vérité vous libérera” ? Pourquoi penser qu’une étude aussi sérieuse, fruit de plus de 25 années de labeur, et qui a été à l’origine du retour de bien des prêtres dans les années 88, viendra retarder les accords entre la FSSPX et Rome.
On peut penser au contraire qu’elle clarifiera bien des points doctrinaux et favorisera l’accord attendu. Ce n’est pas un simple point de vue d’un quelconque théologien, mais de l’un des plus brillants de la Tradition qui s’ appuye “sur quelques principes théologiques arrivés à l’état de doctrine certaine et explicite dans l’Église.”
Le commentaire de Gérard Fauche est vraiment trop drôle. C’est presque une parodie de la véritable question: quelle autorité revêt le “magistère pastoral”?
Et votre site, il a quelle autorité magistérielle ?! sans blague !
Cher Monsieur, si la lecture de SPO vous procure de ces petits désagréments nerveux dont on a du mal à contrôler les effets, surtout n’hésitez pas à vous en abstenir. Ce n’est ni nécessaire pour le salut, ni obligatoire. À la place, vous trouverez dans les kiosques des publications apaisantes, façon bromure. Non, sans blague, pour reprendre votre délicate expression, il se trouve que SPO ne revendique aucune autorité, et surtout pas celle du Magistère. Pas de quoi donc réagir avec tant de véhémence. Mais il ne me semble pas que dans la religion catholique nous devions considérer certains comme des intouchables. Si je ne trouve pas anormal que vous ne partagiez pas mon sentiment concernant l’opportunité de faire connaître ce texte en ce moment, je ne vois pas non plus pourquoi je donnerais pas mon avis sur un texte public. Voilà, c’est tout. Pas de quoi se créer des allergies…
Voici le texte original italien de la citation reprise par Denis Merlin :
E la risposta è nota per chi ricorda la dichiarazione conciliare del 6 marzo 1964, ripetuta il 16 novembre 1964: dato il carattere pastorale del Concilio, esso ha evitato di pronunciare in modo straordinario dogmi dotati della nota di infallibilità; ma esso ha tuttavia munito i suoi insegnamenti dell’autorità del supremo magistero ordinario il quale magistero ordinario e così palesemente autentico deve essere accolto docilmente e sinceramente da tutti i fedeli, secondo la mente del Concilio circa la natura e gli scopi dei singoli documenti.
Il me semble qu’en effet ce n’est absolument pas la question du fond qui se pose. Au demeurant il faudrait être “gonflé” pour prétendre à un quelconque degré d’autorité en la matière. Je pense aussi que la publication de cette recherche, quelque soit son intérêt (je suis bien incapable d’en juger!), est mal venue. Rien ne devrait se superposer à la voix du Saint Père, c’est tout. Lui seul est inspiré par l’Esprit Saint en la matière. Faut-il y voir une mauvaise intention? certainement pas, mais une maladresse et un manque de tact, c’est à craindre.
Oui, c’est cela : pas une mauvaise intention (dont d’ailleurs nous ne sommes pas juges), mais je crois une maladresse.
Moi je pense surtout que vu le nombre de lecteurs de SEDES, c’est plutôt votre article qui lui donne un echo sur-dimensionné et problématique.
Enfin, un véritable argument. En soi, vous avez raison et il n’est dit que je ne donne pas un écho sur-dimensionné à cet article. Cela, je l’admet tout à fait. J’ajoute cependant que d’après plusieurs sources, ce numéro a bénéficié d’un envoi supplémentaire et extraordinaire à destination des évêques de France, de supérieurs de communauté et, si j’ai bien compris, de plusieurs cardinaux. C’est juste ce petit détail qui me dérange dans les conditions actuelles. Sinon, vous avez entièrement raison et je me rends compte que je donne certainement à cet article une place trop importante.
@ Monsieur l’abbé Pellabœuf,
Merci, monsieur l’abbé, pour le texte original.
“ma esso ha tuttavia munito i suoi insegnamenti dell’autorità del supremo magistero ordinario il quale magistero ordinario e così palesemente autentico deve essere accolto docilmente e sinceramente da tutti i fedeli, secondo la mente del Concilio circa la natura e gli scopi dei singoli documenti.”
Je propose la traduction suivante :
“Et la réponse est connue pour qui se souviens de la déclaration conciliaire du 6 mars 1964, répétée le 16 novembre 1964 : vue le caractère pastoral du Concile celui-ci a évité d’énoncer selon le mode extraordinaire des dogmes dotés de la note d’infaillibilité ; Mais celui-ci [le Concile] a, quoi qu’il en soit, assorti son enseignement de l’autorité du magistère suprême lequel magistère ordinaire, et de ce fait évidemment authentique, doit être reçu docilement et sincèrement par tous les fidèles, dans l’esprit du Concile selon la nature et les buts de chaque document.”
Il est donc clair que les enseignements du Concile sont des enseignements relevant du magistère ordinaire universel faisant foi (“authentiques”) et obligeant les fidèles en leur for interne. Les interprétations lefebvristes ou para-lefbvristes de ce texte ne sont pas valables, voire relèvent d’une certaine mauvaise foi.
Il faut donc se référer pour comprendre ce textes aux déclarations conciliaires des 6 mars 1964 et 16 novembre 1964.
Le 16 novembre 1964, nous avons ce texte :
http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decree_19641121_unitatis-redintegratio_fr.html
Paul VI faisait-il allusion à ce paragraphe ?
“Mais, si les chrétiens séparés de nous affirment l’autorité divine des Saints Livres, ils ont une opinion différente de la nôtre (et différente aussi entre eux), au sujet de la relation entre Écritures et Église. Dans celle-ci, selon la foi catholique, le magistère authentique occupe une place particulière pour l’explication et la proclamation de la Parole de Dieu écrite.”
OU alors s’agit-il d’autres déclarations ? car je n’ai pas pu trouver celle du 6 mars 1964 sur le net.
Pour moi, il est évident que le Concile est un élément du magistère ordinaire universel.
« Et la réponse est connue pour qui se souvient de la déclaration conciliaire du 6 mars 1964, répétée le 16 novembre 1964 : vu le caractère pastoral du Concile, celui-ci a évité d’énoncer des dogmes dotés de la note d’infaillibilité selon le mode extraordinaire ; Mais celui-ci [le Concile] a, quoi qu’il en soit, assorti son enseignement de l’autorité du magistère suprême lequel magistère ordinaire, et de ce fait évidemment authentique, doit être reçu docilement et sincèrement par tous les fidèles, dans l’esprit du Concile selon la nature et les buts de chaque document. »
Voici une traduction corrigée de quelques fautes d’orthographe et autres erreurs.
Certains veulent encore discuter de la valeur des sentences du Concile Vatican II en matière de foi et de mœurs.
C’est le cas de l’abbé Lucien.
Pourtant la constitution dogmatique “Lumen gentium” dit clairement que les évêques gardant la communion entre eux et avec le Pape et le Pape, même ne se prononçant pas “ex cathedra” jouissent du charisme d’infaillibilité :
“Cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Église pour définir la doctrine concernant la foi et les mœurs, s’étend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine à conserver saintement et à exposer fidèlement. De cette in faillibilité, le Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22, 32) , il proclame, par un acte définitif, un point de doctrine touchant la foi et les mœurs [78]. C’est pourquoi les définitions qu’il prononce sont dites, à juste titre, irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église, étant prononcées sous l’assistance du Saint-Esprit à lui promise en la personne de saint Pierre, n’ayant pas besoin, par conséquent, d’une approbation d’autrui, de même qu’elles ne peuvent comporter d’appel à un autre jugement. Alors, en effet, le Pontife romain ne prononce pas une sentence en tant que personne privée, mais il expose et défend la doctrine de la foi catholique [79], en tant qu’il est, à l’égard de l’Église universelle, le maître suprême en qui réside, à titre singulier, le charisme d’infaillibilité qui est celui de l’Église elle-même. L’infaillibilité promise à l’Église réside aussi dans le corps des évêques quand il exerce son magistère suprême en union avec le successeur de Pierre. À ces définitions, l’assentiment de l’Église ne peut jamais faire défaut, étant donné l’action du même Esprit Saint qui conserve et fait progresser le troupeau entier du Christ dans l’unité de la foi [80]”
Inutile de discutailler donc, les sentences du Concile tant en matière de foi que de mœurs sont infaillibles. Personne ne peut les contester. Cela est valable pour tout le monde, y compris pour les “progressistes”.
Le fait que ce concile a évité de définir des articles de foi parce qu’il était pastoral et que ses définitions font partie du magistère authentique ordinaire n’enlève rien à son infaillibilité, en matière de foi et de mœurs.