Benoît-et-moi rapporte l’intervention du cardinal Vingt-Trois sur la radio Europe 1, le jour de Pâques :
“On pourrait penser que c’est une belle initiative, et une preuve de bonne volonté, de la part d’une station aussi “laïque”, d’inviter l’archevêque de Paris le jour où l’on célèbre la Résurrection du Christ. Encore aurait-il fallu qu’on lui laisse un tout petit peu annoncer la Bonne Nouvelle. Or, cela ne rentrait en rien dans les intentions des trois larrons, qui entendaient bien mettre le cardinal au banc des accusés, le sommant de s’expliquer sur plusieurs sujets que je vais évoquer rapidement, cherchant à le pousser à la faute, voire au dérapage, pourquoi pas sur l’islam (c’est bon pour l’auto-promotion) et surtout, essayant de l’instrumentaliser contre leur fantasme récurrent, le Front National. […]
– Alors que les imams et les rabbins nous jouaient à Toulouse un remake de la pièce de Labiche “Embrassons-nous Folleville” (c’est moi qui le dis…): “Où étiez-vous, où étaient les catholiques?” commence par demander sévèrement le procureur Elkabbach. Tout au plus le cardinal a-t-il pu répondre que l’Eglise était représentée par l’Archevêque de Toulouse. Excusez du peu, mais apparemment, cela ne suffisait pas.
– L’Eglise est contre le mariage gay, alors que c’est un progrès évident dans l’intérêt de la Société. Le cardinal répond finement, laissant provisoirement ses agresseurs sans voix: “vous aurez beau faire, vous ne pourrez jamais faire d’enfants“. Le “vous” m’a paru particulièrement savoureux.
– Un autre sujet abordé, c’est la parité au sein de l’Eglise. Et nos trois compères de “porter” les revendications (hautement représentatives du catholique de base, comme chacun sait) du “Comité de la Jupe” […]. Il est sommé de s’expliquer sur le non-accès des femmes au sacerdoce, et l’atteinte contre la dignité des femmes dont sont coupables toutes les religions, y compris les catholiques. Là, il me semble que l’attaque était caricaturale, et que ses arguments étaient vraiment faibles – mais ses procureurs auraient-ils été en mesure d’en comprendre d’autres? On peut en douter. Il aurait pu citer les propos de Benoît XVI lors de la messe chrismale, trois jours plus tôt, “sur la question de l’Ordination des femmes, à propos de laquelle le bienheureux Pape Jean-Paul II a déclaré de manière irrévocable que l’Église, à cet égard, n’a reçu aucune autorisation de la part du Seigneur“. Il marque toutefois un point indubitable, puisqu’il est interrogé par trois représentants de la gente masculine: “il n’y a pas beaucoup de femmes parmi les commentateurs“. On lui apporte un démenti… peu convaincant, car à Europe 1, les femmes sont certes nombreuses, mais réduites à des rôles subalternes.
Elkabbach contre-attaque et ose dire: “Nathalie Artaud, la candidate Lutte Ouvrière aux présidentielles a proposé la prison pour les patrons d’entreprise qui ne respecteraient pas la parité hommes/femmes. Ne faudrait-il pas étendre cette mesure aux dirigeants de l’Eglise?“. “On peut aussi rétablir la terreur” rétorque (trop?) calmement le cardinal.
Le meilleur (ou le pire) était pour la fin. Elkabbach (au nom de qui, à quel titre?) interroge le cardinal sur deux inquiètudes pour l’Eglise.
– D’abord, pour les chrétiens d’Orient. Sans doute est-elle justifiée – à défaut d’être sincère – et nous le remercions pour sa sollicitude, mais les chrétiens d’Orient aimeraient mieux quelle se traduise concrètement.
– Nous le remercions beaucoup moins, en revanche, pour celle concernant la santé du Pape. Là, Elkabbach a cité “mon éminente consoeure, généralement très bien informée sur les choses du Vatican, Caroline Pigozzi” (si tout le reste est aussi vrai!!!). Et nous avons eu droit au déballage détaillé de tous les commérages révoltants que j’ai déjà évoqués dans ma “Lettre à Madame P” à se demander s’il ne s’agissait pas d’une attaque croisée concertée – n’oublions pas que Paris-Match et Europe 1 font tous deux partie du groupe Lagardère. Et là, je suis obligée de dire que la réponse du Cardinal n’a pas été à la hauteur. Il aurait dû (et pu!!) corriger la “consoeure” d’Elkabbach. Il a certes manifesté une indignation convenable contre les soupçons de manoeuvres électoralistes de la part des cardinaux en vue d’un prochain conclave, mais sur la santé du Pape, il s’est contenté de platitudes sur son âge. Il aurait pourtant été facile d’observer que Caroline Pigozzi n’est nullement “bien informée” et surtout de répondre qu’il n’avait pas l’habitude d’écouter les ragots. […]
Au final, on peut se demander à quoi sert, pour un dirigeant de l’Eglise, de répondre à ce genre d’invitation. A aucun moment, le Cardinal n’a fait entendre la voix de l’Eglise ou le message de l’Evangile. […] Il n’a même pas défendu la vie de façon explicite (je n’ai rien entendu sur l’avortement, c’était pourtant le moment de faire entendre sa voix sur la question) , se contentant de renvoyer à son dernier livre, “Quelle société voulons-nous?” , que peu de gens ont lu, ou liront, sans doute, parmi les auditeurs d’Europe 1.”