C’est un jeune et sympathique
prêtre du Connecticut, ce petit État [1] de la
côte Est, qui vient de donner l’alerte. Le P. Greg J. Markey (photo), curé de la paroisse St. Mary à Norwalk (diocèse de Bridgeport), signale hier un incroyable projet de
loi du législateur du Connecticut (n° 1098), sans doute sans précédent dans toute l’histoire juridique des États-Unis.
Il s’agit d’un projet de « loi modifiant le droit des entreprises [corporate laws, notion fourre-tout qui relève aussi bien du droit commercial que du droit des sociétés]
relatif à des sociétés [ou entreprises, ou entités : l’original met corporations] religieuses particulières ». En fait de « sociétés religieuses particulières
», il ne s’agit, dans ce projet de loi, que de l’Église catholique, l’exposé des motifs (Statement of Purpose) figurant à la fin du texte de ce projet de loi stipulant : « Aux
fins de réviser les dispositions relatives à la gestion d’entreprise applicables à l’Église catholique, et de fournir des moyens d’investigation relatifs à l’appropriation frauduleuse de fonds
par les sociétés religieuses » ! Ces modifications qui, si elles sont votées, pourraient s’appliquer dès le 1er octobre prochain, prévoient de priver l’évêque d’un diocèse situé sur le
territoire de l’État, ou un curé de toute maîtrise administrative, financière ou légale sur les paroisses qui en relèvent. Le § b de la section 1 du projet de loi, prévoit explicitement dans
l’exemple d’une paroisse que cette dernière devra avoir « un conseil d’administration d’au moins sept et d’au plus treize membres laïcs. L’archevêque, ou l’évêque du diocèse ou son
représentant [le curé par exemple] sera membre ex officio du conseil d’administration mais sans droit de vote ». Voilà qui s’oppose radicalement à la structure
gouvernementale hiérarchique de l’Église et tend à transformer les catholiques en “congrégationalistes”. La chose semble suffisamment grave pour que les évêques des diocèses du Connecticut [2]
aient sonné le branle-bas de combat pour ce week-end [3]. Toutefois, si la loi était votée par le législateur du Connecticut elle pourrait être opposée à la Cour suprême de l’État, voire à celle
des États-Unis, tant elle est contraire dans sa formulation au Premier amendement de la Constitution américaine. Mais on voit bien par là que l’État du Connecticut – un des rares à reconnaître
légalement le “mariage” homosexuel – est en train de tester la résistance de l’Église catholique, initiative locale qui s’inscrit dans le plus vaste plan de campagne de l’administration
Obama contre l’Église.
[1] 14 371 km2 (30 % de plus que la Gironde), 3,5 millions d’habitants, mais premier État pour le revenu par tête d’habitant.
[2] L’État du Connecticut comprend l’archidiocèse de Hartford, les diocèses latins de Bridgeport et Norwich, et le diocèse catholique ukrainien de Stamford.
[3] Rien à l’heure où j’écris ces lignes sur le site de la Conférence des évêques du
Connecticut.
Notez le parallélisme évident avec 1) la loi française de Séparation de l’Église et de l’État (1905) instituant des “associations cultuelles” diocésaines, dont l’évêque respectif n’avait pas la maîtrise, “cultuelles” que St Pie X refusa définitivement, alors que la fraction silloniste ou libérale des évêques français était prête à s’y soumettre.
2) la déplorable législation de chaque canton suisse sur la “römisch-katholische Staatskirche = Église catholique romaine d’État (Canton): à Zurich, par exemple, toutes les finances diocésaines pour le canton, et l’essentiel de l’administration sont aux mains d’un conseil d’administration “démocratiquement élu, conformément aux principes généraux du droit cantonal”, où l’évêque n’ aucun droit de veto sur les membres ni sur les décisions. Rome essaie depuis des années à faire abroger cette situation bien plus calvinienne que tridentine,: celle-ci permet aux progressites – prêtres et laîcs – maîtres de ce conseil, de méchamment contredire les évêquess d’esprit “classique” successifs (Mgr HAAS forcé de partir pour Lichtenstein, son successeur interdit en 2008 de choisir des évêques auxiliaires non modernistes.