Entré dans sa 91ème année, le cardinal Avery Dulles, s.j., s’est éteint le 12 décembre l’infirmerie de la Fordham University, l’université des jésuites du Bronx (New York), où
il a si longtemps enseigné. Il était le fils de John Foster Dulles, qui fut le secrétaire d’État du président Eisenhower, et le neveu d’Allen W. Dulles, qui fut le directeur
de la CIA, sous le même Président. Issu d’une famille presbytérienne, il était agnostique quand il intégra Harvard en 1936, puis connut une reconversion qui le mena à l’Église
catholique en 1940 : « Plus je l’étudiais, plus j’étais impressionné par la cohérence et la sublimité de la doctrine catholique », déclara-t-il. Il servit dans la Marine américaine de
1942 à 1946, et c’est en qualité d’agent de liaison avec la Marine française, que la France l’honora de la Croix de Guerre. Il entra chez les jésuites en 1946 et fut ordonné prêtre en
1956. On le considère comme un des meilleurs – sinon le meilleur – théologien catholique américain contemporain. Auteur de 22 ouvrages et de plus de 700 articles de théologie, enseignant réputé
outre-Atlantique, il fut élevé au cardinalat par Jean-Paul II en 2001, mais fut dispensé, à sa demande, de l’ordination épiscopale. Il souffrit toute sa vie des séquelles d’une
poliomyélite contractée dans sa jeunesse. Il ne put prononcer son « cours magistral d’adieu », le 1er avril dernier, dans sa chère Fordham University, car la maladie et l’âge avaient privé ce
brillant professeur de la parole et de la motricité. C’est le doyen de l’Université, le P. Joseph McShane, s.j., qui le lut. En voici un extrait particulièrement touchant : « La
souffrance et l’affaiblissement ne sont pas les pires des maux, ils ne sont, au contraire, que les ingrédients normaux de la vie, surtout dans la vieillesse. Nous devons les espérer comme les
éléments d’une existence pleinement accomplie. Bien avancé dans mes quatre-vingt dix ans, j’ai pu accomplir un travail fructueux. En devenant de plus en plus paralysé et incapable de parler, je
peux m’identifier avec tous ces paralytiques et muets des Évangiles, reconnaissant pour les soins attentifs et attentionnés que j’ai reçus et pour l’espérance d’une vie éternelle dans le Christ.
Si le Seigneur m’appelle aujourd’hui à un temps de faiblesse, je sais parfaitement que son pouvoir peut être porté à la perfection dans l’infirmité. “Béni soit le nom du Seigneur !” ».
Peu de livres du cardinal Dulles ont été traduits en français. Je ne vois guère que Le Christ des Évangiles, paru chez Beauchesne en 1965. Les articles sont plus un peu
plus nombreux. On en trouvera certainement dans la revue Communio et dans la revue Kephas
(vous pouvez aller voir ici et là). J’avais dû lire (et sans doute traduire pour mon usage) deux ou trois articles du
cardinal, mais je ne les ai pas sous la main. On va tâcher de retrouver cela. Je me souviens très bien avoir lu un article de lui traitant de la célèbre “controverse” ecclésiologique entre les
cardinaux Ratzinger et Kasper, article dans lequel il donnait raison au premier…
Le cardinal Ratzinger appréciait beaucoup, je crois, le cardinal Dulles, et c’est sans doute
pourquoi le pape Benoît XVI a tenu à le rencontrer en audience privée, le 19 avril dernier, lors de son voyage apostolique aux États-Unis (photo). Le cardinal Dulles, comme
je l’ai dit, était déclinant et ne pouvait plus parler, mais il avait préparé à l’intention du Souverain Pontife quelques réflexions qu’il lui fit passer sous forme écrite, car le cardinal, qui
n’avait rien perdu de ses capacités intellectuelles, pouvait encore communiquer avec un ou deux doigts au moyen du clavier de son ordinateur…
Nous confions le cardinal Dulles au seigneur dans notre prière.