Je le demande : où donc est le problème ? L’information concernant la confirmation de 19 enfants, dans la chapelle de la FSSPX d’Ajaccio par l’évêque administrateur du diocèse, Mgr Bonfils, a fait en quelques heures le tour de la planète Internet, suscitant, sur les lieux virtuels de discussions, d’innombrables réactions. Celles des fidèles traditionalistes ou proches, comme il fallait s’y attendre, ont été enthousiastes. Il est à cet égard remarquable que sur le forum Fecit, expressément lié à la FSSPX, les premières réactions des fidèles de cette Fraternité ont été semblables à celles des fidèles de sa chapelle en Corse, à savoir réactions de très franche et chaleureuse satisfaction. C’est au reste le bon sens. Le sens des fidèles.
Puis, assez rapidement, les réactions secondes se sont révélées hostiles, montant graduellement l’une sur l’autre, sans aucun autocontrôle, à un niveau très étonnant d’invective contre les « manipulateurs » et contre le prêtre représentant la FSSPX en Corse, l’abbé Mercury (précision : aucune procédure de renvoi n’a été lancée contre lui), qui aurait organisé cette pernicieuse « manipulation » et cette détestable « déstabilisation ». D’autant que, Nicolas Senèze n’hésitant pas à intervenir à chaud dans ce tra-tourbillon, instillait sur son blogue de La Croix qu’une semaine auparavant, l’abbé Alain-Marc Nély, second assistant général de la FSSPX, se serait rendu à Ajaccio pour pousser les familles à refuser cette démarche. Cette animosité, exprimée avec une grande véhémence, à la manière classique d’un groupe de pression « activiste », est au passage, très instructive. (Y compris sur les connaissances théologiques de ces tenants de la Tradition : le magistère traditionnel ne dit-il pas qu’un sacrement conféré selon le rite par un ministre indigne, censuré etc., reste valide ?)
Quoi de plus normal, dans l’Église catholique, qu’un évêque confirme ses propres sujets sur son propre territoire ? L’administrateur du diocèse d’Ajaccio n’a fait qu’appliquer le Motu Proprio Summorum Pontificum (art. 9 § 2 – instruction Universae Ecclesiae, art. 29) en répondant à la demande de confirmation qui lui était faite (et même, ce que rien n’interdit bien au contraire, en anticipant sur cette demande). Sauf que, par la même occasion, il reconnaissait purement et simplement, sans exiger de leur part quelque déclaration que ce soit, que les parents demandeurs étaient catholiques. On nous dit que la FSSPX, à laquelle a été proposée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi une Préambule doctrinal pour recevoir une reconnaissance canonique, « attend une réponse de Rome ». Une réponse à la pétition de la FSSPX, nous précise-t-on, qui veut être reconnue telle qu’elle est comme catholique. Eh bien voilà en tout cas la réponse d’un évêque français, qui prépare bigrement les voies : « Pour moi, vous êtes catholiques ».
Je persiste donc : cet acte épiscopal ne manque pas de panache et il force l’admiration. Et je re-signe : sa première réception, en Corse et ailleurs, par les fidèles de la FSSPX est très réjouissante.
J’ajoute que Mgr Bonfils s’est avancé dans la direction déjà prise par quelques uns de ses confrères. Dans le diocèse de Saint-Claude, il y a un mois, le 11 février 2012, Mgr Jordy, le nouvel évêque de Saint-Claude, en tournée pastorale dans le secteur des Rousses, où la FSSPX dessert la chapelle N-D de Lourdes, a intégré cette chapelle à son parcours : il l’a visitée, reçu par le prêtre desservant (du prieuré de Genève) qui s’y est rendu pour l’occasion. Il y a prié et a conversé le plus naturellement du monde avec des représentants de la communauté traditionaliste. Mgr Jordy répétait en cela le geste posé par Mgr Sankalé, évêque de Nice qui, faisant en janvier 2011 une visite pastorale dans le vieux Nice, avait été accueilli par l’abbé Charles Moulin, prieur de la FSSPX, dans la belle chapelle Sainte-Claire. Mieux : à Bordeaux, gastronomie oblige, le cardinal Ricard a été invité à déjeuner par les prêtres du prieuré de la FSSPX. Et tous… ont mangé de très bon appétit.
Mgr Bonfils a fait mieux. Et voici que quelques fidèles de la FSSPX y trouvent à redire, approuvés disent-ils par leur hiérarchie, plus lefebvristes en cela que Mgr Lefebvre : une intervenante sur le Forum catholique signale que Mgr Lefebvre avait conseillé à l’abbé Leperderel, alors curé de Garges-les-Gonesse, au diocèse de Pontoise, de demander à son propre évêque de conférer le sacrement de confirmation aux enfants de sa paroisse, si l’évêque acceptait de le faire selon le rite de St Pie-V. Mgr Lefebvre n’a cessé de déclarer qu’il remplissait un simple rôle de suppléance. Son affirmation la plus connue à cet égard est celle qu’il fit lors des premières confirmations « sauvages » à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, en 1977. Le cardinal Marty ayant vigoureusement protesté contre cette atteinte à ses droits d’évêque du lieu, Mgr Lefebvre lui répondit qu’il le laisserait procéder à cette cérémonie sans la moindre difficulté, s’il voulait bien le faire selon le rite traditionnel. Au fond, Mgr Bonfils a répondu dimanche dernier – mieux vaut 35 ans après que jamais – à une demande du fondateur de la FSSPX.
Je le demande donc : où est le problème ? Que l’on se place du point de vue de la hiérarchie ou de celui de la FSSPX, l’Église dans cette affaire est gagnante, non ? C’est bien l’essentiel. Alors, il n’y a pas de problème. Le problème, hier, était que les évêques de France ont attendu 35 ou 40 ans pour voir qu’il n’y avait pas de problème. Et le problème, aujourd’hui, est que (certains dans) la FSSPX, après avoir attendu 35 ou 40 ans, ont du mal à intégrer qu’il n’y a plus de problème. En tout cas, plus de problème, si l’évêque est de bonne volonté, dans le cadre du rite liturgique. Ce qui n’est déjà pas si mal, puisque lex orandi…