Dans le numéro 856 de Monde & vie paru aujourd’hui, Claire Thomas analyse le dernier ouvrage du cardinal André Vingt-Trois intitulé Quelle société voulons-nous ? (éd. Pocket 2012, 6,30 euros). Avant les élections, ce genre d’opuscule est toujours bienvenu, à condition de pouvoir guider les électeurs catholiques. Car ce livre, si l’on y trouve quelques bonnes choses, laisse l’électeur catholique sur sa faim :
“Quelques lignes sur l’avortement pour dire qu’il aime la vie et que « l’avortement ne peut en aucun cas être présenté comme une solution », quelques lignes sur la fin de vie pour affirmer la même chose de l’euthanasie, et pour le reste des solutions médianes tirées au cordeau pour ne fâcher personne, et surtout pour n’exclure aucun candidat (pas même, c’est une nouveauté, la candidate du Front national).”
Le titre reste entier une fois l’ouvrage refermé : Quelle société voulons-nous ? Nous ne le saurons pas. A chacun de le deviner :
“Mgr Vingt-Trois parle beaucoup dans ce livre de laïcité. Il précise qu’elle doit être « ouverte », la plus ouverte possible. Mais cela implique que l’Eglise, quant à elle, ne considère pas « le prosélytisme confessionnel » comme un apport à la vie sociale et qu’elle ambitionne plutôt de contribuer à « une sagesse commune », laïque. Nulle part, dans ce texte de Mgr Vingt-Trois, il n’est question de l’apport du christianisme à la vie sociale. L’idée de chrétienté est moquée; le seul exemple qui en soit donné est un exemple théocratique, celui des réductions jésuites au Paraguay, exemple magnifique je le reconnais, mais qui reste purement politique et donc, dans l’esprit de Mgr Vingt-Trois, tout à fait marginal. L’esprit chrétien a-t-il cessé de pouvoir agir dans la Cité. Certes, nous ne retrouverons pas de sitôt une situation objective de chrétienté. Il faut nous préparer à vivre dans un univers qui est déjà mixte ou hostile. Mais enfin pourquoi l’Eglise n’apporterait-elle pas sa contribution à la re-socialisation des banlieues, par exemple à travers les oeuvres qui sont les siennes : patronages, vie paroissiale largement extravertie, processions, scoutisme etc. La grande question aujourd’hui est celle de la visibilité du christianisme dans notre société. Elle est indiscutablement du ressort direct du cardinal. Il n’en parle pas, comme si elle n’existait pas pour lui.”