Francesca Minerva |
Voilà qui a au moins le mérite de la clarté et de la cohérence. Deux chercheurs en bioéthique, Francesca Minerva de l’Université de Melbourne et Alberto Giubilini, de l’Université de Milan, viennent de co-signer un article dans le Journal of Medical Ethics où ils plaident pour le droit de supprimer des nouveau-nés de la même manière que l’on peut supprimer des enfants avant leur naissance.
Alberto Giubilini |
On pourrait croire qu’ils argumentent par l’absurde. Pour frapper les imaginations. Bien des gens qui acceptent sans difficulté (et surtout sans réfléchir) l’idée de l’avortement légal, rejetteraient avec horreur celle de l’infanticide. Et en ce sens, la logique de cette revendication est imparable. Mais non : Minerva et Giubilini sont on ne peut plus sérieux : ils estiment que la mise à mort d’un enfant non désiré devrait être possible jusqu’après la naissance…
Voici ce que résume l’« abstract » de leur article, publié en ligne avant-hier :
« L’avortement est largement accepté, même pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la santé du fœtus. En montrant que (1) à la fois les fœtus et les nouveau-nés n’ont pas le même statut moral que des personnes véritables, (2) le fait qu’ils sont tous deux des personnes potentielles est moralement sans importance et (3) que l’adoption n’est pas toujours dans l’intérêt de gens véritables, les auteurs soutiennent que ce que nous appelons l’« avortement post-natal » (la mise à mort d’un nouveau-né) doit pouvoir être permis dans tous les cas où l’avortement l’est, y compris le cas où le nouveau-né n’est pas handicapé. »
Michael Cook, de BioEdge, attire l’attention sur cette nouvelle prise de position utilitariste qui affirme la priorité des intérêts des personnes entourant le nouveau-né ou le fœtus par rapport aux intérêts de ces derniers : ainsi les auteurs évoquent le cas de nouveau-nés qui peuvent avoir l’espoir de vivre une vie « au moins acceptable, mais où le bien-être de la famille qui les entoure est menacé ». Il n’est même pas question d’euthanasie, souligne Michael Cook ; l’euthanasie est censée servir l’intérêt de celui qui en « bénéficie », l’« avortement post-natal » sert celui de l’entourage.
Et de citer ce passage de l’article de Minerva et Giubilini :
« Si des critères comme les coûts (sociaux, psychologiques, économiques) à supporter par les parents potentiels sont d’assez bonnes raisons pour recourir à l’avortement, même lorsque le fœtus est en bonne santé, si le statut moral du nouveau-né est le même que celui du nourrisson et si aucun des deux n’a de valeur morale du fait d’être une personne potentielle, alors les mêmes raisons qui justifient l’avortement doivent aussi justifier la mise à mort de la personne potentielle lorsqu’elle est au stade de nouveau-né. »
Les auteurs ne donnent pas de délai précis où ce « droit » devrait pouvoir s’exercer : ils laissent sa détermination aux neurologues et aux psychologues, tout en signalant qu’il faut au moins quelques semaines au nouveau-né pour acquérir la conscience de soi qui selon eux en font une personne à part entière qu’on ne pourrait plus éliminer.
Voilà deux universitaires, payés par leurs universités respectives et des instituts de bioéthique, qui peuvent faire ces demandes que l’on aurait pu croire marginales (comme celles de Peter Singer, le bioéthicien australien souvent cité sur ce blog), qui sont publiés par des journaux très sérieux, et que personne n’ose taxer d’extrémisme ou de nazisme…
Alberto Giubili n’est pas un inconnu en France : le jeudi 17 mars 2011, il était invité à participer à un colloque « Ethique famille » organisé à la mairie du XVIe arrondissement de Paris sous l’égide du CNRS, de l’université Paris-Descartes, de l’Union nationale des Associations familiales, avec Axel Kahn et la présence annoncée de Jean-Paul Huchon, président de la Région Ile-de-France (je n’ai pas pu vérifier si ce dernier a participé).
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