La Cour suprême du Canada a rejeté vendredi la demande d’une famille québécoise catholique tendant à faire reconnaître le droit des parents à ne pas faire assister, ou plutôt faire subir à leur enfant le programme officiel d’éthique et de culture religieuse avec lequel ils sont en désaccord.
Les commentateurs juridiques locaux y voient un renversement total de l’appréciation du droit parental : selon l’avocat de la famille, Me Jean-Yves Côté, « l’Etat est désormais en mesure d’imposer dans le cadre des écoles publiques une idéologie qui ne correspond pas à la foi des parents ». « Aux termes du code civil, le parent délègue son autorité à l’enseignant. Désormais il y a un glissement de perspective. L’autorité de l’enseignant ne lui vient pas des parents, mais de l’Etat », a-t-il ajouté.
A vrai dire une telle conception jacobine de l’autorité est largement celle qui a cours en France non seulement dans les écoles publiques, ce qui est déjà un abus, mais encore dans les écoles privées sous contrat puisque – en théorie du moins, et je sais qu’il y a des exceptions dans la pratique – celles-ci sont tenues de se soumettre intégralement à ces directives venues d’officines ministérielles.
La différence est sans doute qu’il est des parents au Canada pour s’opposer à ce genre de parcours qui, au Canada, prend une dimension tyrannique. C’est en effet tout au long du cursus primaire et secondaire que les petits Canadiens, qu’ils soient scolarisés dans le système public ou même à la maison, doivent depuis 2008 prendre connaissance du large spectre des religions du monde et des « choix de styles de vie », présentés de manière « neutre ». Pour grand nombre de parents conservateurs, il s’agit là d’une promotion du relativisme qui les empêche d’exercer leur droit d’éduquer les enfants, qui comprend – même aux termes des traités internationaux – leur droit de les éduquer selon leur foi religieuse et leurs exigences morales.
La Cour suprême (ce n’est pas nouveau), s’en lave de fait les mains. Au lieu de s’intéresser au droit des parents elle s’est bornée à répondre que le programme d’éthique et de culture religieuse (ECR) étant présenté de manière neutre, il ne s’en prend à aucun type de croyance religieuse. « La neutralité de l’Etat est assurée lorsque l’Etat ne favorise ni n’empêche une quelconque croyance religieuse, ce qui veut dire qu’il respecte toutes les postures par rapport à la religion, y compris celle de n’en avoir aucune. »
Peut-on se contenter de ce laïcisme forcené ? Pour les associations de défense de la liberté de l’enseignement au Canada, certainement pas. Pour Patrick Andries de la Coalition pour la liberté en éducation, il s’agit là d’une approche non pas neutre, mais relativiste, d’autant que la présentation de plusieurs religions sur un plan d’égalité tend à « embrouiller les enfants ».
La Cour ne s’est pas contentée de cette argumentation, affirmant qu’il appartenait aux parents d’apporter la preuve que l’ECR a « gêné leur capacité à transmettre leur foi à leurs enfants ».
En clair : il faudrait que les parents puissent montrer a posteriori que leurs enfants avaient une foi altérée, ou avaient perdu la foi à cause du programme ECR : mission impossible – et mission insupportable pour les parents qui n’ont pas à prendre de risque à ce sujet.
Ou pour le dire autrement : l’Etat veut imposer la neutralité, qui est en soi un choix, dans un domaine spirituel qui ne le regarde pas, sans tenir aucun compte du droit premier des parents sur l’éducation.
On peut se réjouir ensuite de ce que la Cour suprême ne soit pas allée jusqu’à faire de l’enseignement de l’ECR une obligation constitutionnelle, puisque il est bien dit que celui-ci peut être contesté. Mais cela ne change rien du tout à la philosophie de sa décision.
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