Alberto Ruiz Gallardon |
Ce serait une première : un pays européen occidental qui imposerait des restrictions sur une loi d’avortement en vigueur, et même très récemment adoptée. Le Partido Popular de Mariano Rajoy étant élu depuis quelques mois à peine, le nouveau ministre de la Justice a annoncé que son gouvernement allait revenir sur la dispense d’autorisation parentale d’avorter pour les 16-18 ans mise en place par la loi entrée en vigueur en juillet 2010. Ses déclarations ont été largement répercutées dans le monde, y compris en France, et la plupart du temps comme une intolérable atteinte au droit des femmes.
Alberto Ruiz Gallardon a annoncé d’autres modifications de la loi d’avortement, notamment à propos des délais légaux : actuellement l’avortement peut être obtenu à la demande et sans conditions jusqu’à 14 semaines de grossesse, et sous conditions de risque pour la santé de la mère ou de malformation fœtale jusqu’à 22 semaines. Il semblerait que le PP envisage de revenir à un régime plus proche de la première loi autorisant l’avortement en Espagne, la loi organique de juillet 1985, qui autorisait l’avortement sous conditions : 12 semaines en cas de viol, sans limite en cas de danger physique ou psychique pour la mère, et d’autres conditions comme l’existence de « risques graves physiques ou psychiques pour le fœtus » (sic).
Sans nullement instaurer un régime de respect de la vie, ces mesures constitueraient tout de même un acte symbolique fort en un temps où il semble qu’aucune amélioration n’est possible une fois qu’une loi de mort est passée.
Symbolique notamment en ce sens que seuls 151 des 30.000 avortements pratiqués en 2011 sur des mineures en Espagne l’ont été sans le consentement des parents ou tuteurs de l’intéressée : cela veut dire en clair qu’on s’accommode de ces chiffres terrifiants pour les adolescentes espagnoles, et que l’avortement demeurera possible du moment que les parents le voudront bien…
Mais les pro-vie espagnols y ont vu le signe que les choses peuvent être changés.
Mieux, ils prennent acte du fait que l’annonce, tout comme la rapidité de l’annonce après l’arrivée aux affaire de Rajoy sont la conséquence directe de la mobilisation gigantesques de mouvements comme HazteOir, Derecho a Vivir et d’autres tout au long de ces dernières années, déplaçant des millions de manifestants dans la rue et faisant pression sur les politiques. Derecho a Vivir, notamment, a multiplié les actions ces dernières semaines, interrompant le discours de victoire de Rajoy avec des slogans pro-vie.
Sans cette présence publique et visible qui a mis la question du respect de la vie en pleine lumière médiatique et qui a obligé les candidats aux élections à se positionner à son sujet, ce qui permet aujourd’hui d’exiger avec force qu’ils tiennent leurs promesses.
On pense bien sûr aux déclarations du cardinal Vingt-Trois, fin 2008, faisant la fine bouche devant la Marche pour la Vie qui allait se dérouler à Paris plusieurs jours plus tard :
« Chaque pays a sa culture et sa manière de faire. Mais je n’ai pas remarqué que les défilés qui ont eu lieu à Madrid aient empêché grand-chose! Je peux me permettre de penser que, au moins sur le plan tactique, ce n’est pas la meilleure solution. Comme il s’agit de questions sérieuses et graves, je ne pense pas que l’objectif soit de pousser des cris: il faut travailler, contribuer au travail. Et si on est sérieux, on a des résultats et on est entendu. »
Eh bien, il y a plusieurs sortes de travail et celui qui consiste à se faire entendre des élus s’avère non négligeable…
Derecho a Vivir, cela va sans dire, ne se contente pas des réformettes proposées par le ministre Ruiz Gallardon, sans pour autant passer à côté de l’heureuse révolution qu’elles constituent : le mouvement, avec HazteOir, demandera d’abord que l’on passe de l’annonce, à la mise en œuvre, la réforme à proprement parler se trouvant à l’heure actuelle au stade de « feuille blanche ».
Mais il demande aussi, sans faiblir, l’abrogation totale de la loi d’avortement pour aboutir à une loi d’« avortement zéro ». « L’action citoyenne » ne mollira pas, ont prévenu ses responsables. HazteOir a ouvert une page de commentaires pour que chacun vienne faire part de ses propositions pour mener la campagne « Derogacion Ya » (abrogation tout de suite !).