Il y avait hier 3 évêques à la Marche pour la vie : Mgr Aillet, évêque de Bayonne, venu en soutane avec sa calotte violette sur la tête afin de manifester le plus publiquement possible son soutien à la cause pro-vie, Mgr Bagnard, évêque de Belley-Ars, et Mgr Thomazeau, archevêque émérite de Montpellier.
Dans son bulletin, Yves Daoudal écrit :
[C]ette édition 2012 aura été l’occasion d’un événement majeur: le retournement de l’épiscopat. De plus en plus d’évêques soutiennent la Marche, et du coup il s’est produit un basculement. Au point que le porte-parole de la conférence épiscopale a publié un communiqué le 19 janvier pour justifier les manifestations en faveur de la vie (sans citer nommément celle qui aurait lieu trois jours plus tard…). Nul doute que le soutien explicite du pape, l’an dernier, ait pesé dans la balance.
Un petit retour en arrière pour comprendre ce retournement :
Au début de la Marche pour la Vie, les évêques étaient totalement absents. Puis, peu à peu, à force d’être demandés, certains ont craqué, et ont accepté de faire partie, discrètement, du comité de soutien. En 2008, ils étaient 4. En 2009 ils étaient 15. En 2012 ils sont 28. Soit seulement un quart d’entre eux. Mais la progression est nette. Et certains évêques sont imprévisibles. On se souvient du gag de 2010, avec la participation à la Marche de Mgr Lebrun, l’évêque de Saint-Etienne, unique évêque à participer, alors qu’il ne faisait pas partie du comité de soutien. (En 2011, deux autres évêques sont venus. […])
Mais, fin 2008, au moment où quelques évêques commençaient timidement à soutenir la Marche pour la Vie, le cardinal archevêque de Paris, président de la conférence épiscopale, Mgr André Vingt-Trois, condamnait ouvertement cette manifestation: « Chaque pays a sa culture et sa manière de faire. Mais je n’ai pas remarqué que les défilés qui ont eu lieu à Madrid aient empêché grand-chose! Je peux me permettre de penser que, au moins sur le plan tactique, ce n’est pas la meilleure solution. Comme il s’agit de questions sérieuses et graves, je ne pense pas que l’objectif soit de pousser des cris: il faut travailler, contribuer au travail. Et si on est sérieux, on a des résultats et on est entendu. » On avait alors remarqué avec quel mépris le président de la conférence épiscopale s’exprimait: comme si « l’objectif » de la Marche était de « pousser des cris »… Dans la foulée, l’évêque d’Arras, Mgr Jaeger, avait publié un texte encore plus méprisant. Tout le monde sait que l’Eglise défend la vie depuis la conception, écrivait-il, il ne sert donc à rien de défiler dans les rues pour le dire, d’autant qu’on ne peut pas se contenter de dire non à l’« interruption volontaire de grossesse » (sic), il « faut montrer le pourquoi, le sens, le but et la manière du oui inconditionnel à la vie, jusque dans sa fragilité originelle et ultime, et c’est bien plus difficile et plus exigeant que de défiler! » Et pour ne pas montrer une Eglise « divisée », aucun évêque ne s’était publiquement exprimé en faveur de la Marche…
Cette époque est désormais dépassée :
Cette année, le changement est flagrant. Certains sites internet officiels de diocèses annoncent la Marche. Comme celui de Pontoise, qui en fait son gros titre de « une », ou celui de Versailles, qui suggère que « ce peut être l’occasion d’une démarche paroissiale ». Certains citent l’évêque, comme celui de Beauvais: Monseigneur Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, estime que cette marche est « l’occasion de rappeler la dignité de la vie naissante, mais aussi, d’une manière plus large, de rappeler que la vie humaine doit être au centre de la société, de l’entreprise, de l’économie ». Convaincu de l’impact d’un tel évènement, il ajoute que « l’efficacité de ce genre de manifestation est de montrer que, quelle que soit l’atmosphère sociale, le sujet de l’avortement n’est pas aussi consensuel qu’on veut bien nous le faire croire ». Sur le site du diocèse de Luçon, on a même un (bon) «Message de Mgr Castet aux Vendéens présents à la 8e marche pour la Vie ». Quant au site de la Conférence épiscopale, il annonce… la veillée de prière pour la vie qui « précède la Marche pour la Vie, le 22 janvier 2012 à Paris ». Cette annonce est mêlée à celle de la veillée de prière pour la vie qui aura lieu à Notre Dame de Paris le 22 mai « à l’invitation des 7 évêques d’Ile-de-France ». Il faut s’y reprendre au moins à deux fois pour faire la distinction et comprendre que celle du 21 janvier a lieu à Saint-François Xavier (car ce n’est pas dit, il faut cliquer sur l’affiche…). Le texte donne ensuite une citation de Mgr Vingt-Trois dans son discours de clôture de l’Assemblée plénière des évêques en novembre dernier, où il évoque les initiatives des évêques en matière de prière pour la vie « depuis plus de dix ans », évoquant les veillées du mois de mai, puis celles de la veille du premier dimanche de l’Avent, et il ajoutait: « Un certain nombre de chrétiens se joignent aussi à des manifestations non confessionnelles comme la Marche pour la Vie du mois de janvier. » Tiens donc. Il ne s’agit donc plus de défiler pour pousser des cris…
Mais il y a encore mieux que cette façon contournée d’annoncer la Marche. Il y a carrément, « A la une » du site de la Conférence épiscopale, un communiqué de son porte-parole Mgr Bernard Podvin, intitulé « L’Eglise défend la vie ». Certes, le communiqué… ne parle pas explicitement de la Marche pour la Vie du 22 janvier. Mais il vise à justifier le fait que « l’Eglise catholique organise des prières pour la vie » et que « de nombreux fidèles rejoignent également des marches pour la vie », et un lien en une renvoie à l’annonce de la veillée de prière précédant la Marche pour la Vie… Quelle signification ont ces prières et ces marches? « La réponse jaillit du coeur: il s’agit de sortir de son “petit soi” pour communier avec les autres à la cause la plus essentielle! Attester que la vie, dès sa conception, est un don ineffable, mais ô combien fragile. Répercuter dans l’opinion publique la réalité, trop souvent occultée, des traumatismes qui suivent un avortement. Refuser d’amalgamer dans les consciences le banal, le légal et le moral. (…) » On ne peut s’empêcher de penser que les évêques ont oublié « la cause la plus essentielle » pendant trois décennies, et que certains d’entre eux ont voulu dissuader les catholiques de manifester contre l’avortement… Mais on ne peut que saluer ce retournement, qui nous rend un peu moins orphelins dans l’Eglise qui est en France…
Merci pour cet excellent résumé de la situation.
Il faut le lire pour le croire;
Des Eveques de France (3 sur 4) contre,à des degrés divers et subtils,
la seule demarche qui ose denoncer pacifiquement et publiquement l’effrayante boucherie des enfants depuis 37 ans.
Je n’ai pas vu d’évêque où j’étais, mais une chose m’a particulièrement frappé : le cordon policier était littéralement inexistant. Ou alors il se sont bien cachés… De là à dire qu’ils marchaient avec les marcheurs, il n’y a qu’un pas.