J’aurais pu titrer : “Jeanne d’Arc à la rescousse de Sarkozy”. Mais je ne veux pas participer de cette idiosyncrasie médiatique dévaluée et dévaluante. Je profite plutôt de cet événement pour rehausser le niveau du débat au plan théologico-politique.
Les chantres de la nation française, Libé et le monde, en première ligne comme d’habitude quand il s’agit de de dénoncer les penchants fascistes de tout le monde, nous expliquent comment les politiques se servent de l’image de Jeanne d’arc pour leur propagande historico-nationaliste “nauséabonde”. Certes Jeanne ne connaissait pas l’idée de nation. Certes Sarkozy tente de récupérer son image, après un quinquennat qui n’a en rien amélioré l’idée et le sentiment d’une communauté nationale.
Aussi est-il vrai que Sarkozy, dont j’attends la publication de son discours avec impatience, utilise l’image de Jeanne d’Arc a ses propres fins, comme d’autres l’on fait. Mais la vaie question n’est pas là ; bien plutot faut-il se demander : Est-ce nous qui utilisons Jeanne d’Arc, ou est-ce elle qui intercède pour nous lorsqu’il s’agit de remettre au premier plan l’idée de communauté ?
Cela nous permet de dévoiler un point théologique crucial.
On reproche souvent à l’Eglise son penchant “utilitariste”, vu comme cynique – faire ceci pour être pardonné, prier tel saint pour telle chose, et en général aller à la messe pour le salut de son âme.
Et bien il faut le revendiquer, et en être fier. Oui, l’Eglise est utile, bien qu’elle ne se réduise pas à son utilité ; oui, les sacrements, la pénitence et la prière de demande à Dieu, nous sauvent, et sont efficaces concrètement, bien qu’ils ne se réduisent pas à cette efficacité. Il y a toujours plus, un amour désintéressé et mystique de Dieu. Mais cet amour rend service ; le Christ et ses saints se sont faits nos serviteurs, et un serviteur, un bon du moins, est fait pour servir, et servir à quelque chose.
Il est inscrit au coeur même de la nature humaine d’être en relation de dependance avec son créateur – nous sommes des esse-ad, disait les scolastiques, c’est-à-dire des êtres-vers Dieu, des êtres qui requièrent en permanence l’aide de leur créateur, ne serait-ce que pour être. Dieu nous a fait demandeurs. Ce n’est pas pour nous refuser de répondre, au contraire, mais pour nous encourager à demander encore plus, à nous “servir” encore plus de Lui et de ses saints.
Aussi demandons ; à lui, à ses saints, en vertu de la communion des saints. À sainte Jeanne d’Arc, de répondre à nos soucis présents : celui de pouvoir vivre à nouveau un véritable être-ensemble, une nation sauvée (dans les deux sens de l’expression…), et (ré-)unifiée. Nicolas Sarkozy, comme président et comme candidat, en a le droit, et en a à la limite le devoir.
Il n’est nulle question de savoir ce que Dieu veut et ce que Dieu ne veut pas à travers l’intercession de sa sainte. Mais ce qu’il donne par son intercession et son exemple, c’est une force de cohésion et de volonté, un courage et une abnégation, une grandeur et un but.
“De l’amour ou haine que Dieu a pour les Anglais, je n’en sais rien, mais je sais bien qu’ils seront tous boutés hors de France, excepté ceux qui y périront.”
Procès de Jeanne d’Arc, 7ème interrogatoire, 15 mars 1431.