Je viens de lire un entretien de l’actuel ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé (vous vous souvenez, celui qui trouvait que “ce Pape” commençait à “poser un vrai problème”…), paru dans “L’Express” du 1er décembre. Interrogé sur la montée de l’islam radical dans les pays marqués par le “printemps arabe” (qui a, hélas, de fortes chances d’être un hiver pour les chrétiens d’Orient), il commença par relativiser:
Je suis attaché à la laïcité française, mais l’Allemagne a un concordat, la reine d’Angleterre dirige l’Eglise anglicane…
Il aurait pu ajouter, au passage, que la France aussi avait un concordat, en certains de ses départements. Mais ce raisonnement qui consiste à laisser croire que la nouvelle Libye salafiste, ce n’est jamais qu’un analogue de la démocratie chrétienne allemande, ne vaut pas grand-chose. M. Juppé est suffisamment cultivé et suffisamment au fait de l’actualité pour savoir que la différence, c’est que, dans un concordat signé entre le saint-siège et un pays majoritairement chrétien, les deux parties estiment que temporel et spirituel doivent être distincts (je dis bien distincts, et non séparés…). Ce qui est sacrilège pour les plus “modérés” des mahométans. Cet amalgame pratiqué par M. Juppé entre concordat et instauration de fait de la charia est, si je puis dire, un parfait exemple de mauvaise foi. Tout comme ces remarques journalistiques que l’on lit de temps à autre sur les analogies entre l’islamisme d’Erdogan et la démocratie chrétienne (au nom de ces “analogies” supposées, je crois d’ailleurs que l’AKP est membre du PPE, le parti européen qui regroupe les différents partis de centre-droit des pays membres de l’Union européenne et quelques autres!).
Mais ce n’est pas tellement pour cet amalgame que je voulais vous parler des déclarations de M. Juppé. La suite n’est pas moins ahurissante:
Pour nous, on ne peut confisquer le pouvoir au nom de Dieu, car le pouvoir, c’est le peuple.
En d’autres termes, d’une part les partis réclamant l’instauration de la charia (avec condamnation à mort des chrétiens pour crime de “blasphème”, comme la malheureuse Asia Bibi, toujours dans les geôles du Pakistan “laïc”) sont plus ou moins la même chose que des partis démocrates chrétiens; et, d’autre part, Dieu n’a rien à voir avec les affaires temporelles.
Je ne sais pas qui est ce “nous” au nom duquel parle Alain Juppé (sans doute le gouvernement français). Mais, pour nous (rédacteurs de Riposte catholique), nous pensons pratiquement le contraire: d’une part, le affaires temporelles ont leur consistance propre et la distinction spirituel-temporel est de droit divin (c’est le fameux “Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu”), mais, d’autre part, la politique est subordonnée à la morale et César doit être soumis à Dieu. Pour nous, tout pouvoir vient de Dieu, comme dit saint Paul. Et le peuple ne peut être l’origine de la souveraineté; il peut simplement la recevoir de Dieu et la transmettre au prince ou au parlement.
En tout cas, avec la ligne Juppé, la France, traditionnelle protectrice des chrétiens d’Orient, ne risque pas de lever le petit doigt pour sauver nos frères persécutés dans ces pays prétendument libérés. Et elle ne risque pas davantage d’être comprise des nouveaux pouvoirs islamistes auxquels elle a ouvert la porte…
Juppé commencerait-il à poser un vrai problème ?… !
http://cril17.fr/
Je m’étonne que vous vous étonniez toujours des déclarations de nos politiques. Attendez-vous qu’ils changent de discours? Ils sont constants face à leur lâcheté.
Bonjour,
les propos de M. Juppé n’ont rien de très étonnant si on les replace dans le contexte de ce qu’est la laïcité en France. Trois niveaux de lecture, plus ou moins opérants, existent sur ce sujet :
1) la laïcité en France, une neutralité bienveillante,
2) la laïcité en France, un anticléricalisme sournois,
3) la laïcité en France, la “Bonne Nouvelle” d’une religion de l’Homme.
Voir la synthèse sur http://gloriadeivivenshomo.hautetfort.com/archive/2011/11/26/laicite-2-le-laicisme-dogme-religieux.html