Ils sont deux journalistes. Précisons : deux vaticanistes, cette race de journalistes vraiment à part, qui scrute et qui suit les faits et gestes du pape et de son entourage. Mieux : qui tente de les interpréter. Forcément, ils sont Italiens, on ne fait pas mieux en la matière. Évidemment, ils sont blogueurs. Paolo Rodari et Andrea Tornielli ont publié l’an dernier chez Piemme, un des principaux éditeurs d’Italie (qui n’en manque pas, par ailleurs, contrairement à la France, réduite à quelques maisons) un livre d’enquête sous le titre : Attacco a Ratzinger. Accuse e scandali, profezie e complotti contro Benedetto XVI. La version française de ce livre sort dans deux jours aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, l’un des meilleurs éditeurs de la place de Paris, autrefois aux Syrtes ou au Rocher, aujourd’hui bien installé chez lui, « Pierre-Guillaume de Roux éditeur ».
Le titre français, bien sûr, nous parle davantage que l’original italien. Dans sa brièveté, il est clair et percutant : Benoît XVI, un pontificat sous les attaques. À part quelques minimes erreurs, la traduction de Raymond Voyat est parfaite. Lisible et claire, elle aussi.
Depuis leurs postes d’observation, les auteurs étaient bien placés pour sentir et analyser les attaques contre Benoît XVI, en remarquant d’ailleurs que dès le départ certains parmi la curie ne prédisaient pas une longue durée au pontificat du pape Ratzinger. Six ans après, il est toujours là. Souriant, (presque) à l’aise avec la foule. En tous les cas, il est entré dans son rôle de pape, même si parfois l’autorité romaine n’est pas très visible. Un fait est certain : on ne lui a pas pardonné d’avoir accepté le suprême pontificat.
À ce sujet, les auteurs relèvent un peu plus de dix cas qui montrent les attaques dirigées contre Benoît XVI. De Ratisbonne à l’affaire du préservatif, du scandale de la pédophilie à l’affaire Williamson, en passant par Summorum Pontificum ou les nominations d’évêques à Varsovie (Pologne) ou à Linz (Autriche), sans oublier le cas Maciel ou les remous autour de l’intégration d’Anglicans, les faits sont nombreux, circonscrits, étudiés et analysés.
Au bout du compte, on ressort avec une synthèse intéressante sur des faits que la mémoire finit par évacuer. Reliés ensemble, ils prennent une certaine épaisseur. Une certaine cohérence en ressort.
Globalement, les auteurs sont restés au plan journalistique : des faits, encore des faits, une analyse, mais ils ne dévoilent pas vraiment les responsables de ces attaques. Pas de noms, surtout. Seulement trois cercles concentriques : les médias et les pouvoirs qui ont intérêt à discréditer l’Église, une partie de l’entourage incompétent, les adversaires de l’intérieur.
En fait, respectueusement, délicatement même, les auteurs laissent entendre tout au long du livre qu’une grande partie des problèmes auxquels fut confronté Benoît XVI tient à un manque de gouvernance au sommet et à l’incapacité d’une partie de la curie, qui ne seconde pas correctement le Pape ou s’oppose à lui. C’est clair : nos deux vaticanistes en savent davantage qu’ils ne le disent dans ce livre. Mais déjà celui-ci dévoile un climat et indique les difficultés internes dans lesquelles se débat l’Église. À ce titre, il mérite vraiment d’être lu.