Une lettre écrite par les 17 prêtres (sur les 170 du diocèse) qui appellent à la désobéissance circule actuellement au sein du diocèse de Rouen. Ces prêtres ont rendez-vous avec Mgr Descubes, cette semaine. Ils lui remettront leur lettre ainsi que la pétition qui circule et qui a déjà été signée par un certain nombre de laïcs. Les quelques signataires non anonymes ont tous des postes à responsabilité au sein de l’organisation du diocèse. S’ils représentent toutefois un courant marginal, ils montrent que les structures diocésaines sont noyautées par des personnes qui ne se reconnaissent pas dans l’Eglise catholique. Bref, il y a un bon coup de ménage à faire. Voici le texte de la lettre des contestaires :
Nous, laïcs chrétiens de Rouen et de son agglomération, nous prenons à notre compte et nous venons porter vers vous les questions et l’interpellation lancées à notre Eglise par les prêtres du diocèse qui, dans la suite des prêtres autrichiens, ont écrit un “Appel à la désobéissance…pour une plus grande obéissance à l’évangile”. Ils ajoutent aussi “qu’ils veulent une Église qui soit à l’écoute des besoins et des attentes des hommes d’aujourd’hui, une Église solidaire des pauvres et des exclus”.
Si nous prenons au sérieux l’enseignement du Concile sur la vocation universelle des baptisés, la situation de nos petites communautés dispersées, le fait qu’il y a davantage de laïcs engagés et formés, capables de responsabilités, il nous paraît urgent de nous engager nous aussi dans cette démarche, en tant que laïcs, pour faire évoluer l’ Église catholique à laquelle nous sommes attachés. Celle-ci nous semble trop frileuse et manquer d’audace pour trouver les moyens de répondre aux besoins du peuple chrétien et du monde d’aujourd’hui.
Le Synode a souhaité « la reconnaissance de ministères confiés à des fidèles laïcs pour répondre à la situation actuelle de l’ Église diocésaine » (IV.15).Mais il convient d’aller beaucoup plus loin et plus vite par rapport à ce qui est proposé,afin que laïcs et prêtres soient collectivement responsables de l’animation des communautés chrétiennes. Celles-ci doivent en effet pouvoir partager partout et toujours la Parole, le Pain et le Vin.
On imagine par exemple une communauté urbaine ou rurale, privée d’eucharistie et de partage d’évangile, qui pourrait se réunir, proposer le nom d’une ou deux personnes, hommes ou femmes d’expérience, mariés ou célibataires, pour un ministère au service de la communauté et ce serait à l’évêque de valider cette proposition. Sans nier la valeur du célibat consacré choisi librement par ceux qui envisagent de devenir prêtres, nous souhaitons que l’Église latine réfléchisse dès aujourd’hui à l’ordination de ministres de l’Eucharistie et de la Parole sur des bases plus larges, comme cela se fait dans les Églises orientales et les autres Églises chrétiennes.
Nous souhaitons aussi que l’on dynamise fortement l’appel de diacres permanents, trop peu nombreux aujourd’hui, en particulier dans notre diocèse. C’est un acquis de Vatican II insuffisamment exploité actuellement.
Nous souhaitons que l’on reconnaisse à des laïcs baptisés, hommes et femmes compétents, le droit de faire des homélies, pratique qui s’est répandue avec bonheur après Vatican II et qui est aujourd’hui remise en cause. Beaucoup y sont préparés par les formations reçues au diocèse.
Nous souhaitons également que l’Église cesse de refuser l’eucharistie aux fidèles divorcés-remariés au nom d’une discipline qui fait souffrir inutilement. Chacun sait d’ailleurs qu’heureusement de nombreux prêtres, en conscience, s’écartent des directives canoniques.
Enfin, il est vital d’établir un vrai dialogue entre prêtres et laïcs, entre chrétiens de tendances différentes, voire opposées, car il est urgent de faire entendre à nos contemporains une parole plus soucieuse de promouvoir une Bonne Nouvelle que d’édicter des règles de morale, dont beaucoup sont incompréhensibles et le plus souvent inappliquées.
Nous partageons l’inquiétude de Gérard Bessière, prêtre, qui écrit le 18 octobre 2011 :
« Des milliers de chrétiens ‘ s’en vont sur la pointe des pieds’ sans être écoutés pendant qu’on recherche longuement un accord avec les intégristes(…). N’assistons-nous pas à l’enterrement discret du concile Vatican II ? »
Oui, nous nous sommes de ceux qui souhaitent une Église à l’écoute des besoins et des attentes des hommes et des femmes d’aujourd’hui, une Église solidaire des pauvres et des exclus.
Qu’il y ait des “milliers” de chrétiens qui partent, seulement maintenant, cela reste à prouver. Les “milliers” des chrétiens sont déjà partis, dans les années 1970-1990, sous l’influence d’une pastorale désastreuse.
Mais ce qui est intéressant, c’est que cette manifestation intervient après la clôture du synode du diocèse de Rouen, que nous avions évoqué. Comme le montre le blogue Le Terrorisme pastoral, Mgr Descubes a ouvert les vannes de la contestation interne. En effet, dans le document préparatoire au synode, on trouve comme exemple d’organisation de la communauté chrétienne, l’Eglise Réformée de France !
Parmi les promoteurs de cette pétition, il y a Françoise Siroy, Henri Couturier (RCF), Sylvie Daniel (laïque en charge ecclésiale…), Françoise Lecourt, Yves Millou (commission théologique du diocèse), Geneviève Sennequier, Claude Rasset (membre de la commission diocésaine de pastorale liturgique) tous membres de l’assemblée synodale du diocèse de Rouen. On y trouve aussi des membres de l’ACAT, du CCFD, du MCC, des animatrices liturgiques (sic), un diacre permanent…
On a l’impression que Mgr Descubes, loin d’être innocent, a cherché cette contestation. Reste à savoir comment il réagira. S’il laisse faire, nous saurons de quel côté il se place.