Pour la première fois aux Pays-Bas, une femme incapable d’exprimer librement sa volonté du fait de son niveau de démence a été euthanasiée, et cet acte a été jugé conforme à la loi d’euthanasie par la commission chargée du suivi des euthanasies. Il s’agit d’une étape majeure et d’une aggravation de l’interprétation de la loi voulue par les lobbies de la « mort choisie », puisque dans cette affaire on a tenu compte non d’une demande actuelle d’euthanasie, mais d’un désir exprimé alors que la personne était encore assez lucide pour le faire.
La femme en question, âgée de 64 ans, a été mise à mort en mars dernier. Elle avait beaucoup souffert tant qu’elle était consciente de la progression de sa démence et avait répété à son médecin de famille, avec qui elle avait un rapport de grande confiance, qu’elle aimerait mieux mourir que de devoir être placée dans une maison de soins, de perdre son indépendance et de ne plus reconnaître ses enfants.
Elle avait fait un « testament de vie » écrit dans lequel elle exprimait clairement son désir d’être euthanasiée en cas de progression de la maladie. Son mari et ses enfants étaient d’accord avec cette demande.
Au cours des derniers mois de sa vie, la patiente ne se souvenait guère de ses motivations et n’était nullement en état de prendre une décision libre et éclairée, même si elle indiquait vouloir mourir. Son médecin soignant, ainsi que plusieurs collègues qu’il avait consultés pour l’aider dans l’évaluation de la situation, ont estimé qu’elle souffrait beaucoup, puisqu’elle était dans un état de confusion, souvent agressive, pleurant beaucoup. Un médecin spécialisé dans ces affaires estima qu’elle souffrait de manière insupportable mais qu’il ne fallait pas accéder à une demande dont il était impossible de juger si elle était « libre et bien pesée ». Le deuxième médecin « SCEN » – organisme regroupant des médecins spécialistes de la demande d’euthanasie – jugea au contraire que l’euthanasie était possible malgré cela. Et l’on passa à l’acte.
Vu le caractère très sensible de l’affaire – qui risque d’ouvrir les vannes à la possibilité d’euthanasier de plus en plus facilement des personnes incapables d’exprimer leur propre volonté, et, accessoirement, de trouver un début de solution (mais une solution finale) au problème du nombre de vieillards déments qui s’accroît – les cinq commissions régionales chargées de vérifier la conformité de l’euthanasie avec la loi ont été consultées. En août dernier, l’euthanasie fut jugée conforme, révèle De Volkskrant.
La commission a estimé que les nombreuses conversations de la patiente avec son médecin avaient permis à celui-ci de se construire une très bonne image de ce qu’elle considérait comme une souffrance insupportable.
Ce qui revient à mettre la crainte de malheurs futurs et l’image que l’on s’en fait au niveau d’une expérience vécue, ce qui, chez la plupart d’entre nous, ne relève pas du tout de la même appréciation.
Certes la patiente continuait d’exprimer, d’une certaine façon, son désir de mourir. Mais quelle était la part d’automatisme ?
Le problème est bien d’avoir absolutisé la volonté librement exprimée – en inventant un droit du patient sur sa propre mort dans certaines circonstances – pour aboutir au bout du compte à l’élimination du critère de la liberté, et par conséquent à la disparition du critère-même de la volonté.
De multiples ateliers et conférences visent actuellement aux Pays-Bas les personnes de plus de 50 ans pour les « sensibiliser » à la question de la démence où ils risquent de tomber et pour créer un mouvement de demande d’euthanasie préalable.
Parallèlement, comme je l’ai souligné depuis plusieurs années sur ce blog, un nombre croissant d’euthanasies sont pratiquées sur des personnes en voie de devenir démentes, et encore assez lucides pour demander cette mise à mort, pour éviter que la perte de volonté liée à l’évolution de leur état ne les prive un jour de cette « solution ».
On en est arrivé à 21 de ces cas l’an dernier (voir ici sur ce blog), et selon le Volkskrant, ces chiffres devraient augmenter fortement dans un avenir proche, d’autant que le nombre de cas de démence devrait atteindre le demi-million en 2050…
Parallèlement, avec le blanc-seing donné par la commission d’évaluation, les médecins auront également de moins en moins de scrupules à supprimer les personnes en état de démence avancée.
En attendant la prochaine étape : la définition de cet état de démence avancée comme provoquant une souffrance insupportable qui justifierait l’euthanasie même en l’absence de toute demande antérieure.
On n’y est pas encore ? Sans doute. Mais il y a cinq ans, qui aurait cru à l’imminence des évolutions actuelles ?