Toujours dans le dernier numéro de l’Homme Nouveau, évoqué hier, on trouve un long entretien de l’évêque de Fréjus-Toulon, Mgr Dominique Rey. J’ai sélectionné pour les lecteurs de Perepiscopus quelques extraits :
Dans le séminaire comme dans l’Église, on doit pouvoir accueillir et intégrer des charismes particuliers, afin de vivre d’une ecclésiologie de communion capable de signifier l’unité du Corps du Christ. Il est bien évident que des séminaristes formés dans ce contexte seront davantage capables de devenir comme prêtres les ministres de cette communion symphonique, parce qu’ils l’auront eux-mêmes vécue pendant leur formation. Il faut savoir sortir de schémas figés et d’une pastorale atrophiée pour accueillir de façon plus spirituelle les initiatives et les projets que le Seigneur suscite dans le coeur des communautés et des fidèles. La responsabilité de l’évêque est d’accompagner, d’encourager, et parfois de corriger ces charismes pour qu’ils s’inscrivent dans le paysage ecclésial, afin de le renouveler ou de le revivifier de l’intérieur. Nous sommes passés d’un régime qui restait encore peu ou prou un régime de chrétienté, où la foi était comme reçue par héritage, à une situation nouvelle, inédite par la profondeur de la mutation et sa rapidité. La foi doit désormais être portée par un réel engagement personnel des chrétiens, sur le plan de leur enracinement dans la vie de l’Église, dont la liturgie est le coeur, et en même temps sur le plan missionnaire où chacun est appelé à s’investir. Il nous faut vivre cette mutation comme une invitation à revenir à la source de notre mission et au modèle apostolique, celui de la communauté du Cénacle et de la Cène du Seigneur, à l’amour de l’Eucharistie et de l’Église comme source de la nouvelle évangélisation.
[…] Certaines propositions missionnaires aujourd’hui sont malheureusement présentées comme relevant plus du marketing et de la promotion commerciale que du témoignage de la foi. Le risque est grand de pervertir la démarche d’évangélisation : en réalité, elle commence par l’adoration. […] L’adoration eucharistique se situe dans le prolongement de la célébration eucharistique. Le croyant accueille l’offrande du Christ, qui s’offre au Père sur l’autel en renouvelant sacramentellement, en représentant au sens fort du terme son offrande victimale à la Croix. Tous les sacrements nous font pour ainsi dire toucher l’Agneau immolé (le baptême, par exemple, nous ensevelit avec lui pour nous faire ressusciter avec lui, comme le dit saint Paul aux Colossiens). Mais le sacrement de l’Eucharistie contient l’Agneau immolé lui-même. Le croyant s’unit donc à cette offrande. Adorer la présence sacramentelle du Seigneur, présence réelle, c’est entrer dans la contemplation de Jésus Hostie. C’est accepter aussi, comme l’a dit saint Paul aux Romains, d’offrir nos propres personnes en « hostie(s) vivante(s), sainte(s), agréable(s) à Dieu » (cf. Rm 12, 1), accepter d’offrir notre propre vie en sacrifice pour participer au salut apporté par le Christ. Adorer constitue donc un geste de reconnaissance en contemplant jusqu’où le Christ nous a aimés, jusqu’à faire vraiment de sa chair une nourriture pour que nous vivions éternellement. Chaque chrétien est appelé, en raison de sa consécration baptismale, à devenir un adorateur en esprit et en vérité. Le voyant de l’Apocalypse nous présente la gloire céleste dans la jubilation et l’adoration. Celui auquel nous communions et que nous adorons est déjà dans la gloire céleste : communion, et donc adoration, sont le futuræ gloriæ pignus, « le gage de notre gloire future », comme le fait chanter saint Thomas dans l’Office du Corpus Domini. En commençant d’adorer aujourd’hui dans la foi, je me prépare à entrer dans la plénitude de ma condition filiale lorsque je contemplerai la face de Dieu dans la vision.