Je vous parlerai bientôt de la journée sur la démographie et les familles dans l’UE organisée sous l’égide de la Commission européenne mercredi dernier, centrée de manière quasi obsessionnelle sur le « modèle » de la conciliation travail-famille avec, bien sûr, profusion de crèches et de possibilités d’accueil pré-scolaire.
En attendant, quelques idées à l’endroit.
MercatorNet vient de publier une liste de 10 mesures proposées par le démographe Phillip Longman,
auteur de The Empty Cradle (« Le berceau vide, ou comment la chute des taux de natalité menace la prospérité du monde, et comment faire pour que ça cesse ») pour enrayer le suicide démographique. Il s’agit de trouver les conditions pour que les familles puissent y retrouver l’environnement favorable qu’ils ont perdu. Il précise qu’elles sont très loin d’offrir une solution complète mais donnent une idée de l’approche à adopter et de ce que l’on pourrait déjà faire pour mettre l’accent sur le rôle crucial de la famille.
Elles sont incomplètes ? Imparfaites ? Elles sont en tout cas à verser au débat et ce débat est réellement de la plus haute urgence.
1. Promouvoir les entreprises familiales.
Une idée chestertonienne, celle-là. Longman observe que les grandes industries et les grandes chaînes de distribution ont prospéré à mesure que les lois anti-trust ont été moins rigoureuses. Ce qui a entraîné la disparition des petites fermes et des petites entreprises. Au Royaume-Uni, par exemple, les bouchers, poissonniers, boulangers ont massivement fait faillite – et sont désormais des employés mal payés dans les supermarchés. Il faut « modérer » cette tendance au monopole pour laisser plus de place à l’entreprise familiale, en la favorisant par exemple sur le plan des charges pesant sur les salaires.
2. Améliorer lé sécurité des revenus pour les jeunes couples.
Longman observe que les jeunes couples font face à des risques bien plus importants que leurs parents quand ils veulent démarrer leur famille : emploi instable, emploi sous-qualifié, succession de contrats précaires : « la variation des revenus familiaux avant impôts a doublé aux Etats-Unis depuis les années 1970 » par exemple. Dans les pays en voie de développement, « les jeunes essaient de s’en sortir dans le tourbillon des mégacités hypercompétitives qui semblent littéralement n’avoir aucune place pour les enfants ».
« Il n’existe pas un levier politique qui puisse remettre la famille dans une situation d’équilibre sain et stable face aux forces du marché mondial. Nous devons affronter les problèmes du commerce extérieur, de l’emploi délocalisé et des réductions de personnel. Mais il est essentiel que les mesures efficaces ne soient pas définies de manière tellement étroite qu’elles en finissent pas négliger le rôle joué par les familles stables et solides jouent dans le maintien du progrès économique. Pour atténuer les coups auxquels sont exposés les jeunes adultes en raison de l’instabilité du revenu et de l’emploi liée à la mondialisation, les pays doivent assurer l’accès à un système de soins à coût raisonnable et à la formation tout au long de la vie pour que les compétences professionnelles ne deviennent pas obsolètes.
3. Alléger la tension entre la formation supérieure et la fondation d’une famille.
Aux Etats-Unis, plus une femme a un niveau de formation élevé, moins elle a d’enfants en moyenne. Et ce n’est pas seulement une question de choix, assure Longman qui met en évidence les « obstacles sévères » rencontrés par les couples voulant procréer alors qu’ils ont biologiquement la meilleure chance de le faire, mais qui veulent achever leur formation ; même chose pour ceux qui ont un emploi très qualifié. Il y aurait intérêt à en finir avec cette « discrimination » et ces « handicaps » qui en pratique empêchent ces femmes d’avoir des enfants alors qu’elles ont entre 20 et 30 ans, et leur permettre de reprendre leur formation ou revenir à l’emploi ensuite.
4. Construire des communautés de vie accueillantes pour les familles.
Ici il est question du lien entre la cherté du logement et les taux de natalité peu élevés – particulièrement « au Japon, en Corée du Sud, en Europe et sur les côtes chinoises ». Aux Etats-Unis le problème est plutôt lié aux bonnes écoles qui se situent dans des zones plus chères et les familles choisissent entre payer des scolarités élevées et avoir davantage d’enfants. Longman pointe aussi les problèmes des transports, les longs trajets domicile-travail qui « ont un impact financier et émotionnel négatif sur la vie de famille ». C’est difficile mais nécessaire, dit-il : « Des réformes vitales comme améliorer de l’école, diminuer la dépendance par rapport à la voiture, promouvoir des communautés de vies où tout est à distance de marche seront peut-être plus faciles si elles sont pensées par rapport aux besoins des familles. »
5. Respecter les désirs de toutes les femmes par rapport au travail et à la famille.
Les femmes n’ont pas toutes le même idéal de vie. « Par exemple, aux Etats-Unis, environ un cinquième des mères mariées assurent qu’elles préféreraient continuer de travailler à plein temps ; près de la moitié aimeraient mieux travailler à temps partiel ; et un bon tiers souhaiteraient éviter de travailler en dehors de la maison pendant qu’elles élèvent leurs enfants. Même si les proportions des femmes exprimant l’une ou l’autre préférence varient dans le temps et selon les pays, la recherche montre qu’elles sont remarquablement stables. En général, dans les nations développées, environ 20 % des femmes préfèrent rester au foyer, 60 % préfèrent combiner carrière et famille, quelque 20 % se préoccupent en priorité de leur carrière. »
Longman constate que les pouvoirs publics ignorent souvent cette diversité et se focalisent sur les besoin des mères qui travaillent. « Les politiques natalistes ont peu de chances d’être efficaces si elles visent d’abord les femmes soucieuses de leur carrière : non seulement elles sont une minorité dans n’importe quelle population nationale mais en outre ce sont elles qui résistent le plus au fait d’avoir davantage d’enfants ».
Et Longman vante le modèle finlandais, qui offre une allocation permettant aux parents de choisir eux-mêmes la solution qui leur convient : ils peuvent la garder eux-mêmes ou l’utiliser pour rémunérer un parent, un voisin, un ami ou une assistante maternelle pour s’occuper de leurs enfants. L’allocation coûte moins cher que le financement d’institutions collectives pour l’accueil des enfants.
6. Soutenir le mariage et la paternité responsable.
Il faudrait au moins promouvoir le mariage en tant qu’institution et cesser de le pénaliser. « En informant notamment la population des bénéfices du mariage et des risques de la monoparentalité. « Cela n’est en rien différent des programmes publics visant à éduquer le public à propos des bienfaits des sièges enfants ou des risques qu’encourent les fumeurs. »
Longman note que bien des aides sont refusées aux parents mariés alors qu’ils y auraient accès s’ils étaient seuls. « Les politiques familiales devraient être universelles, ou devraient permettre aux parents de séparer leurs revenus pour déterminer s’ils ont droit aux aides publiques. »
Quant aux campagnes publiques visant à promouvoir le mariage stable, elles « se repaieront bien vite » si l’on tient compte du coût public exorbitant des naissances hors mariage, à la fois pour les individus et pour la société.
7. Promouvoir un esprit d’épargne.
Beaucoup de jeunes adultes sont sous le poids de dettes sans précédent : une moyenne de 24.000 dollars par étudiant ayant fini ses études aux Etats-Unis, cette somme ayant servi au financement de ses études. Les jeunes couples ont quant à eux des crédits liés à leurs cartes bancaires (situation typiquement américaine – en Europe on devrait sans doute plutôt évoquer des crédits voiture, maison ou à la consommation) qui les découragent d’avoir des enfants. Il faudrait donc, dit Longman, mieux protéger les consommateurs face aux taux usuraires, les informer davantage et mettre en place des contrats de prêts faciles à comprendre par chacun, tout en restaurant l’éthique de l’épargne qui a fait la force des classes moyennes et travailleuses. Notamment en encourageant des systèmes d’épargne pour les enfants et les jeunes.
8. Ajuster le financement de l’Etat-providence afin d’aller au devant des besoins d’une société vieillissante.
« Tous les fonds versés pour les retraites et pour les soins, y compris ceux fournis par le secteur privé, sont financés en dernière analyse par les bébés et ceux qui les élèvent et les éduquent. Pourtant, dans les sociétés modernes, le “secteur des soins aux nouvelles générations” est au régime sec. Les parents, en particulier, sont rarement récompensés sur le plan matériel pour les sacrifices qu’ils consentent au profit de leurs enfants.
« Voici une idée politique intéressante pour permettre à ceux qui élèvent les enfants de conserver une plus grande part de la richesse qu’ils créent au profit de la société. Dites à la prochaine génération de jeunes adultes : ayez un enfant, et vos impôts sur le revenu, qui soutiennent les plus âgés, seront diminués d’un tiers. Un deuxième enfant ferait tomber ces impôts des deux tiers. Avec trois enfants ou davantage, plus d’impôts sur le revenu jusqu’à ce que le plus jeune atteigne ses 18 ans. Et au moment de la retraite, vos bénéfices (comme ceux de votre conjoint) seraient calculés comme si vous aviez contribué au maximum pendant la période où vous éleviez vos enfants, à condition qu’ils aient tous achevé leur cursus secondaire. »
9. Nettoyer la culture.
Les médias ont dévalorisé le mariage et le fait d’avoir des enfants, ringardisant la vie familiale au profit d’une sur-sexualisation et de la pornographie internet généralisée, constate Longman. Si ces distorsions peuvent se corriger sous la pression des faits (« il y aura de moins en moins de tolérance à l’égard de ceux qui ne donnent pas d’enfants à la société ou qui contribuent à les corrompre sur le plan moral »), il fait aussi que l’industrie de la culture et de la publicité soit mise devant les faits, la « réalité démographique nouvelle » où « les familles solides ne vont plus de soi » et ne doivent plus être « moquées et dépréciées à l’infini ».
10. Respecter le rôle de la religion comme une force en faveur de la natalité.
Ce sont les laïcistes qui ont les familles les plus petites, voire pas d’enfants du tout. Longman constate la forte corrélation entre « l’adhésion à des valeurs religieuses orthodoxes chrétiennes, islamiques ou judaïques et les familles plus grandes et stables ».
« En reconnaissance de la contribution qu’apporte la religion à la vie de famille et à la fécondité, les gouvernements ne devraient pas persécuter les gens de foi qui ont ou qui expriment des opinions informées par la tradition religieuse, y compris celles qui résistent aux sensibilités nationales. Hélas, de telles persécutions sont aujourd’hui fréquentes dans certains pays du monde, du Canada à la Chine et à la France. La foi donne l’espérance, et en dernière analyse c’est espérance qui permet au genre humain de se refaire. »