La BBC a diffusé lundi soir un documentaire réalisé par Sir Terry Pratchett où il met en scène les dernières heures d’un ami, parti se faire suicider en Suisse dans une clinique « Dignitas ». Le film ne cachait rien des derniers instants de Peter Smedley, entourée de sa femme, de Pratchett et d’une femme médecin de ma clinique au moment où il venait d’avaler la potion létale. C’est la première fois qu’une chaîne terrestre britannique montrait ainsi l’ensemble d’une procédure de « suicide assisté », décès y compris.
Près de 1.000 personnes ont déjà manifesté leur colère auprès de la BBC, l’accusant de favoriser des comportements similaires chez les personnes qui souffrent de maladies graves, de se rendre coupable de voyeurisme de la pire espèce, de se faire l’avocat unilatéral et malhonnête d’une pratique qui reste illégale dans l’immense majorité des pays du monde. C’est un chiffre énorme quand on considère que la plupart des personnes irritées ou indignées par une émission de télévision… ne font rien, tout simplement. Une part significative des téléspectateurs a bien été choquée par cette transgression.
Le documentaire, Choisir de mourir, n’a certes pas réussi à gommer toutes les aspérités de cette mort volontaire, pilotée par une « clinique » qui en fait son gagne-pain. On a pu voir Peter Smedley – un propriétaire d’hôtel riche à millions, 71 ans, affecté d’une maladie neuronale du système moteur – devenir tout rouge, chercher de l’air, crier pour réclamer de l’eau avant de s’éteindre au bout de convulsions pénibles. Pas un joli tableau, certes.
Mais cela n’empêche le documentaire d’avoir été tourné de manière à rendre son choix esthétique, depuis le « courage » d’avoir su dire non à la vie jusqu’au voyage en Suisse où les montagnes aux neiges éternelles renvoient au calme définitif de la « mort choisie ». Pratchett parlera de moments « heureux » et de son admiration pour l’homme – lui-même affecté d’un Alzheimer commençant, il ne fait pas mystère d’espérer prendre la même porte de sortie. Sa caméra est là, insolente et indiscrète, pour filmer le dernier baiser entre Peter et sa femme épousée 40 ans plus tôt, et ses derniers mots : « Sois forte, ma chérie ! »
Comme s’il l’avait été…
Perçu comme une véritable idéalisation du suicide assisté, le soi-disant documentaire de la BBC était bien davantage une fiction engagée – fiction par le gommage volontaire de tous les aspects contestables, immoraux, illégaux, et riches de conséquences néfastes de ce départ montré comme un heureux aboutissement. Combien de personnes abandonnées et malades, et qui se sentent à charge, ne finiront-elles pas par penser que c’est cela, la seule solution « digne », puisque la télé et un romancier aussi connu outre-Manche que Sir Terry Pratchett disent que c’est bien ?
Multiples sources, mises à jour et liens intéressants sur le blog de John Smeaton, directeur de SPUC (societé pour la protection des enfants à naître) qui s’est mobilisée contre ce documentaire scandaleux.
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