Voilà un évêque qui n’a pas peur du politiquement correct et qui ose même exploser quelques tartes à la crème de la bien-pensance actuelle : Mgr Julian Porteous, évêque auxiliaire de Sydney (Australie) vient de commettre un article salutaire dont on trouvera le texte original en anglais ici. Il se trouve en effet que le gouvernement fédéral, relayé par les gouvernements des Etats de l’Australie, est en train de mettre en place une législation visant à réprimer la « discrimination » – à l’instar de ce que nous connaissons en France sous le nom de lois antiracistes (lois Pleven, Gayssot et autres), relayées à travers de multiples dispositions condamnant l’homophobie, la préférence nationale, etc.
Déjà, des organisations religieuses en Australie ont cherché à obtenir des « exemptions » leur permettant par exemple de refuser l’embauche de personnes en conflit avec leurs croyances, au grand dam – par exemple – des Verts qui estiment qu’il est « inacceptable » qu’un organisme bénéficiant de fonds publics d’une manière ou d’une autre doit puisse « discriminer à l’encontre de personnes sur la base de leur identité sexuelle, de leur religion ou de leur statut de mère célibataire ».
Le prélat pose la question : « Les Eglises contreviennent-elles à la loi anti-discrimination ? Ou bien la loi elle-même est-elle mal formulée ? Toute discrimination est-elle mauvaise ? »
Pour Mgr Porteous, la réponse est claire.
« La discrimination constitue une qualité importante pour un être humain mature. Nous discriminons chaque jour, en faisant des choix. C’est un compliment que d’être qualifié de personne pleine de discernement (discriminating). Ou du moins, ce l’était. Savoir “discriminer ” était considéré comme une vertu. On y voyait le reflet de la sagesse et de la prudence. Poser des jugements réfléchis sur toutes sortes de choses a été traditionnellement considéré comme la tâche d’une personne responsable. Mais il semblerait que le sens en ait aujourd’hui changé. Dans notre société actuelle, la discrimination n’est vue que sous un jour négatif. Aujourd’hui, une nouvelle définition de la discrimination étend son emprise. Quiconque projette des jugements sur des situations est considérée comme s’érigeant en juge par rapport à autrui. Plutôt que d’être considérée comme discriminante, une telle personne sera considérée coupable de discrimination. Comment cela s’est-il produit ? »
Mgr Porteous explique que la raison de ce glissement vient de ce que naguère, on jugeait d’après ce qui est objectivement bien ou mal.
« Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir ce qui est bien ou mal, mais ce qui reflète une attitude de tolérance. Sans quoi on accusera l’intéressé de s’ériger en juge, d’avoir des préjugés, ou de faire de la discrimination qui porte du tort. Ce qui naguère était vertu, est devenu vice. Il y a eu un retournement complet de sens. Aujourd’hui, la vertu s’appelle tolérance et le péché est la discrimination. »
Le prélat montre ensuite que tout cela vient du relativisme qui attribue une égale qualité et un égal mérite à toute personne, toute idéologie et tout comportement et partant un droit égal à l’existence… « Faute d’un bien et d’un mal de base, alors tout jugement porté sur autrui devient une discrimination. »
Pour échapper à cette erreur il faut au contraire déterminer si une discrimination est juste ou injuste, explique Mgr Porteous.
« Il est bon et juste de discriminer entre le bien et le mal pour faire des choix sains et sages. Nous discriminons sagement lorsque nous appelons un médecin plutôt qu’un garagiste pour obtenir un avis médical. C’est de la discrimination appropriée et nous en faisons tous les jours. »
Est injuste la discrimination qui conduit à traiter de manière moins favorable en raison d’une qualité personnelle comme la race, la religion, le sexe, l’âge, le fait d’avoir des enfants, le handicap, les croyances politiques, dit (un peu rapidement) le prélat, qui par ailleurs met en évidence les discriminations justes que peuvent constituer les discriminations positives en faveur de certaines catégories de personnes.
Le discours politiquement correct n’est pas totalement absent, mais l’analyse de fond est exacte : « Lorsque l’anti-discrimination est proposée comme un bien en soi, alors n’importe quel groupe qui recherche une quelconque forme de discrimination est considérée comme s’opposant au bien commun de la société. »
A commencer par l’Eglise catholique qui exige le partage de sa foi de la part des professeurs qu’elle embauche dans ses écoles. Et face à cela « l’exemption » par rapport à la loi n’est pas la solution, puisqu’elle « suggère que l’Eglise a tort, mais que son tort va être toléré par l’Etat ».
Plutôt que de s’en prendre à la discrimination, les lois devraient d’abord affirmer la liberté de la religion et reconnaître le rôle socialement primordial que celle-ci joue en amenant ses fidèles à opérer une juste discrimination entre le bien et le mal, le juste et l’injuste – ce qui permettrait, conclut non sans humour Mgr Porteous, de mieux identifier et poursuivre la « discrimination injuste ».
Excellent texte. Merci