Il faut prendre le temps d’aller voir, et surtout d’écouter cette vidéo, signalée aujourd’hui par Le Salon beige. C’est le témoignage d’une femme dans le coma, jugée morte par les médecins et sur le point d’être débranchée au bout de deux semaines et demie – alors que, totalement prisonnière de son corps qui ne répondait plus à aucun stimulus, elle entendait tout, et sentait tout.
Au-delà des souffrances de cette femme, de son courage extraordinaire, et du côté si poignant de son récit (elle entendait les préparatifs pour ses funérailles !), ce qu’elle rapporte devrait sonner comme une alarme rouge dans le débat sur le don d’organes vitaux. Débat étouffé : il n’est pas de bon ton de remettre en question une pratique qui permet de sauver des vies. Mais son histoire montre en direct, in vivo, très exactement, quelle prudence devrait être de mise devant le mystère de la mort.
C’est une larme qui a sauvé la patiente : celle qui a coulé, le jour de son anniversaire de mariage, alors qu’on évoquait son « débranchement ». Elle a d’abord pleuré, puis a réussi à bouger son petit doigt. A force de volonté.
Pour les médecins, c’était la stupeur : l’un d’entre eux, spécialiste de la question, ne l’avait-il pas violemment pincé devant ses confrères pour déduire de l’absence de réaction : « Vous voyez, elle est morte » ? Il expliquait que seul son cœur battait, et qu’il n’y avait rien d’autre. On ne s’était pas donné la peine de lui faire une IRM du cerveau.
Il se trouve que cette femme était donneuse d’organes. Elle a paniqué, pendant son coma, à l’idée qu’on puisse lui prendre son cœur, son foie… Pas moyen de crier qu’elle était vivante. Elle était emmurée dans le noir. Le savait-elle ? Le prélèvement d’organes se fait, cœur battant, sur une personne jugée en état de mort cérébrale. Peut-être aurait-on pris la précaution de faire un examen complémentaire avant de passer à la récolte. Peut-être n’avait on pas l’intention de profiter de son statut de donneuse (encore que cela me paraisse peu probable.) On ne saura sans doute jamais si seulement la patiente avait une activité cérébrale mesurable – pour les médecins, il était plus que clair qu’il n’y en avait absolument aucune.
Voilà qui devrait ouvrir un vaste champ de réflexion.
Je vous renvoie, une fois de plus, au texte fondamental de mon confrère Yves Daoudal, qui à ce propos me semble avoir dit l’essentiel : c’est ici, en conclusion du message.