Mgr Thomas Olmsted, évêque de Phoenix, Arizona, a posé un ultimatum à l’hôpital catholique Saint-Joseph de sa ville : si la société qui gère l’établissement, Catholic Healthcare West (CHW), ne reconnaît pas son autorité et ne s’engage pas à respecter l’enseignement de l’Eglise à propos du respect de la vie, l’évêque lui retirera sa reconnaissance de catholicité.
J’ai plusieurs fois évoqué cette affaire dans ce blog : Mgr Olmsted avait désavoué une religieuse, sœur Margaret McBride, qui en sa qualité de membre du comité d’éthique de l’hôpital, avait approuvé un avortement direct à 11 semaines sur une femme souffrant d’hypertension pulmonaire dont la vie était menacée, selon les affirmations du corps médical, par la poursuite de la grossesse. La religieuse avait été excommuniée, puis avait été réintégrée dans la communion avec l’Eglise selon les formes requises par celle-ci, et elle avait été déplacée vers un autre poste au sein de l’hôpital.
L’affaire avait provoqué un énorme tollé médiatique aux Etats-Unis, l’évêque se voyant reprocher – évidemment – son « inhumanité » pour avoir rappelé que toute participation à une décision de mise à mort d’un être humain innocent encourt automatiquement l’excommunication. Les évêques américains avaient ouvertement apporté leur soutien à leur confrère (voir ici).
Ajoutons – même si cela ne change rien au fond de l’affaire – que les circonstances exactes du dossier ne sont pas claires, puisqu’en règle générale une hypertension pulmonaire ne pose pas de problème particulier à 11 semaines de grossesse et que la décision d’y mettre fin à ce stade a pu être dicté par la volonté de pratiquer un avortement techniquement moins difficile et dangereux qu’à un moment où la vie de la mère aurait pu être immédiatement menacée.
Depuis l’intervention publique de Mgr Olmsted, au mois de mai dernier – l’avortement, lui, datait de novembre 2009 – les discussions à propos de ce cas ont été nombreuses entre l’évêque et les autorités hospitalières, celles-ci allant jusqu’à soutenir que l’avortement pouvait être ici assimilé à l’ablation de l’utérus d’une femme enceinte en cas de cancer exigeant une intervention immédiate, selon le principe du « volontaire indirect ». Qui ne « tiendrait » pas ici s’il s’agissait, comme on peut le penser, de tuer directement l’enfant porté et que sa mort était le but recherché en vue de sauver la mère.
Deux mois de discussions, demeurées privées, n’ont pas permis de résoudre le point de savoir si la procédure adoptée était acceptable, et dans une lettre datée du 22 novembre, Mgr Olmsted a déclaré qu’il ne pensait pas que CHW allait modifier sa position pour accepter le point de vue de la hiérarchie catholique.
Extraits :
« Il ne peut y avoir d’ex aequo dans ce débat. Au moment où nous en sommes, vous n’avez pas reconnu que j’ai autorité pour régler cette question. A cause de cela, je dois agir maintenant (…) pour que de nouvelles violations de cette sorte » ne se produisent dans cet hôpital, et aussi pour réparer le « grave scandale qui a résulté de cette procédure pour les fidèles chrétiens ».
Voilà donc un évêque qui prend au sérieux son devoir d’agir et de parler.
Pour l’heure, CHW n’a pas encore répondu aux trois exigences formulées par Mgr Olmsted :
• Reconnaître son tort en acceptant que Mgr Olmsted avait correctement interprété les directives imposées aux établissements catholiques, notamment en ce qui concerne la définition des « avortements indirects » ;
• Accepter de se soumettre à l’évaluation et à la procédure de certification diocésaine qui vérifierait son entier respect des enseignements moraux de l’Eglise : une procédure qui est appliquée à tous les hôpitaux voulant se faire accréditer auprès de l’Eglise ;
• Accepter de fournir à leur personnel une formation continue en matière de directives éthiques et religieuses, un document édicté par le conseil national des évêques pour expliquer les enseignements moraux de l’Eglise aux fournisseurs de soins.
« Si ces exigences ne sont pas remplies je serai conduit à décréter la suspension de mon agrément accordé à l’Hôpital Saint-Joseph, et je serai de ce fait contraint de faire connaître aux fidèles catholiques que cet hôpital ne répond plus aux critères de l’hôpital catholiqe. »
De ce fait, l’hôpital qui est une œuvre des Sœurs de la Miséricorde ne pourrait plus disposer d’une chapelle et la messe n’y serait plus dite ; les aumôniers catholiques y interviendraient auprès des patients demandeurs comme ils le font dans n’importe quel hôpital.
L’hôpital pourrait continuer d’utiliser l’adjectif catholique dans son nom (comme l’usage de ce qualificatif est autorisé pour des œuvres, des écoles, des universités ou des publications) ; la question se pose cependant de savoir si Saint-Joseph continuerait de pouvoir recevoir des dons, etc…
La fermeté de l’évêque est intéressante à plus d’un titre. Par le simple fait qu’elle existe, d’abord. Parce qu’elle vise un domaine difficile, ensuite, mais où le langage de l’Eglise se doit d’être clair, au nom de la cohérence de son message et sans se laisser piéger par de faux dilemmes dont la presse ne donne généralement pas tous les tenants et les aboutissants. En raison de l’offensive générale contre l’objection de conscience, enfin : un mouvement se dessine clairement qui cherche à faire reconnaître comme une obligation morale et même juridique de procurer l’avortement à une femme estimée en danger de mort en raison de sa grossesse, avec comme corollaire le placement de la responsabilité de cette mort, si elle devait par malheur intervenir, sur les épaules du médecin qui aurait refusé l’acte.
Alors que son devoir est de se battre au maximum pour sauver les deux vies… et que la facilité avec laquelle on procure l’avortement dit « médical » aujourd’hui ne fait pas forcément progresser la science médicale dans cette direction.
Mgr Olmsted est le deuxième évêque américain cette année à se distinguer par une prise de position ferme à l’égard des maisons de soins catholiques : avant lui, Mgr Robert Vasa avait refusé le caractère catholique à un établissement de l’Oregon qui pratiquait des stérilisations par ligature des trompes sur des femmes qui les demandaient ; mis au pied du mur, l’hôpital Saint-Charles de Bend a répondu qu’il suivrait les directives catholiques autant que possible mais qu’il entendait donner des « soins complets » à la communauté qu’il dessert.
Et en France ?