Cristina Alarcon |
Voici un remarquable article publié par MercatorNet sous la plume de Cristina Alarcon, tant par les informations qu’il apporte que pour la pertinence de son analyse. Je vous en propose ici la traduction intégrale. Et vous prie de bien vouloir de respecter les droits d’auteur originaux en voulant bien, si vous souhaitez attirer l’attention sur ce texte, renvoyer sur ce blog et citer la source anglophone. Je n’ai pas repris tous les liens ajoutés par Cristina Alarcon vers les nombreux articles et études scientifiques sur lesquels elle appuie son développement ; vous les trouverez dans la version anglaise sur MercatorNet. Cette pharmacienne, également enseignante à l’Université de British Columbia, détient un master en bioéthique de l’Université de Navarre en Espagne. Elle s’exprime régulièrement dans les médias sur le respect de la vie et les droits de la conscience des professionnels de la santé. – J.S.
On consent actuellement un effort énorme pour protéger l’environnement des effets non voulus de l’activité humaine. Des accords internationaux et des politiques décidées au niveau national visent à réduire le réchauffement climatique en freinant l’excès d’émissions de carbone, produites par la recherche par l’homme de son bien-être matériel.
A plus petite échelle, chacun d’entre nous s’efforce de fermer les robinets, d’éteindre les lampes, d’utiliser les transports en commun, de réduire les émissions polluantes, de recycler, encore recycler et puis, surtout, de ne pas jeter les médicaments dans les égoûts – spécialement ceux qui affectent le cerveau ou les perturbateurs endocriniens. Oui, nous sommes constamment à la recherche de manières de réduire la pollution de l’air et de l’eau ; et au Canada, la Loi sur l’environnement permet même aux citoyens d’engager une action civile lorsque le gouvernement ne fait pas appliquer les lois environnementales.
Mais malgré tous nos efforts, des signes qui ne trompent pas indiquent qu’un type très particulier de polluant, le perturbateur endocrinien, produit actuellement des ravages sur nos écosystèmes. Et alors que les rivières du monde se trouvent dans une situation de crise aux proportions alarmantes, nous sommes témoins des effets néfastes causés par les substances œstrogènes sur la vie aquatique. Des poissons mâles féminisés qui pondent des œufs et (ou) qui ont perdu leurs capacités reproductrices, ont été trouvés près des zones où confluent des eaux usées.
On s’inquiète également de plus en plus à propos des dommages provoqués sur les corps humains par les polluants, même si apparemment il n’existe pas de données humaines sur l’exposition à ces polluants dans la durée. Que l’Organisation mondiale de la santé ait fait savoir qu’il existe encore beaucoup d’inconnues n’est pas pour nous rassurer.
Dans son effort pour freiner la pollution, le Canada vient de déclarer que le bisphenol A (BPA) est une substance toxique aux termes de la loi canadienne de protection de l’environnement : une belle victoire pour les écologistes, et un énorme soulagement pour les Canadiens, puisque les rongeurs exposés à cette substance ont montré des signes de problèmes neurologiques et de développement comportemental.
Utilisé pour la fabrication de plastique durs et transparents, et pour le revêtement interne des boîtes de conserve, le BPA est connu comme « la molécule qui dévie le genre ». Même les traces qu’on trouve sur certains tickets de courses pourraient contribuer à l’impuissance des consommateurs mâles – tout en boostant les ventes de Viagra – s’ils touchent leur bouche ou manipulent la nourriture.
Le perturbateur endocrinien est également associé à une libido déprimée et à l’endommagement de l’ADN du sperme ; il peut dérégler les systèmes reproducteurs féminins, et contribuer au développementn des cancers et des maladies du métabolisme. Son statut légal est actuellement sous les projecteurs en Europe et aux Etats-Unis.
Mais pourquoi les croisés de l’environnement traquent-ils les fabricants de plastique et l’industrie de la conserve tout en ignorant le coupable le plus visible : les produits pharmaceutiques dans nos réseaux de distribution d’eau ? Pas seulement ceux qui y sont déversés par les fabricants ou les consommateurs, mais – et c’est plus important – ceux qui y aboutiront après consommation humaine et passage par les toilettes.
Car le fait est là : ces 50 dernières années, des millions innombrables de femmes ont ingéré des hormones synthétiques – d’importants perturbateurs endocriniens – afin d’empêcher la conception, et elles en ont éliminé les résidus par cette voie.
Voilà ce qu’affirme un article (soumis à l’évaluation de leurs pairs) d’Alan D. Pickering du Natural Environment Research Council et par John D. Sumpter de l’Université Brunel : ils soulignent que, certes, certains de ces perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques industriels, mais qu’il semble clair que les œstrogènes les plus envahissants dans l’environnement aquatique sont des stéroides dérivés des excrétions humaines. Ils reconnaissant cependant volontiers que si en théorie, il devrait être possible de contrôler la pilule à la source, « les implications sociales de cela seraient totalement inacceptables ». En attendant, savoir si l’industrie pharmaceutique est en mesure de « développer un produit alternatif efficace mais moins persistant dans l’environnement… demeure une question ouverte ».
Hé ! Vraiment ? Qu’est-ce qui fait que la contraception hormonale est sacrosaint parmi les autres polluants ? N’y a-t-il vraiment aucun autre moyen, meilleur, de garantir le « choix reproductif » des femmes ? Ou se trouve-t-il, derrière ce slogan, une attitude vis-à-vis du corps de la femme qui est déphasée par rapport à la pensée écologique, et – à dire vrai – pas du tout préoccupée de donner de vrais choix aux femmes ?
Pensez-y : si les contaminants œstrogènes ne conviennent pas aux rongeurs ou au poissons, pourquoi les femmes devraient-elles les consommer ? Après tout, les femmes elles-mêmes subissent les effets indésirables des contraceptifs hormonaux qui sont révélés peu à peu, alors même que les forums de la blogosphère sont de plus en plus envahis par l’expression de malaises personnels.
Combien de femmes savent-elles qu’en 2005, l’OMS a classé la pilule contraceptive dans le groupe I des carcinogènes en raison de liens prouvés avec le cancer du sein et quelques autres ? Savent-elles que les hormones sexuelles peuvent compromettre le système immunitaire ?
Et quid alors des découvertes récentes indiquant que la pilule pourrait bien altérer les déclencheurs biologiques qui aident la femme à trouver un partenaire compatible ? (Imaginez que vous arrêtiez la pilule simplement pour vous réveiller un beau matin et vous apercevoir que vous êtes couchée à côté d’un type que vous détestez !) Autre chose encore : des chercheurs ont constaté un lien entre la pilule et le dysfonctionnement sexuel, et des neurologues soupçonnent le progestatif présent dans la pilule d’affecter notre capacité à penser. Un petit coup d’Alzheimer, les amis ?
En réalité, cette façon de jouer avec le bien-être des femmes remonte aux débuts de la pilule dans les années 1950, lorsque des scientifiques américains ont exploité des Portoricaines pauvres, sans les avertir qu’on les embarquait dans une expérience médicale aux effets secondaires potentiellement dangereuses. Cela a continué avec la controverse autour du Depo Provera et encore récemment avec le fiasco du patch Evra.
Et pourtant, alors que les procès contre Evra sont menés discrètement aux Etats-Unis et au Canada – le gouvernement de Colombie britannique demande des dommages pour couvrir les coûts sanitaires passés et futurs liés aux dommages causés aux femmes –, comme l’annonce NBC, les millions versés aux victimes, c’est « peanuts » comparé aux milliards tirés de profits des ventes.
Comment se fait-il qu’au bout de 50 ans de féminisme militant et d’écologisme personne n’accorde d’intérêt à l’écologie du corps de la femme et à l’intégrité de leur personne ? Combien de temps encore les femmes vont-elles accepter d’être des cobayes « pour le bien de la planète » – ou pour le bien des profits de Big Pharma ?
Et qu’est-ce qui pourrait inverser le courant ? La menace d’impuissance et de stérilité sur la population mâle ?
Si la force agissante derrière la contraception est effectivement le choix pour les femmes – et pas seulement le contrôle social de la fertilité – l’alternative existe, comme l’alternative existe pour les plastiques et les boîtes de conserve, le pétrole et le charbon, si nous voulons vraiment le trouver. En réalité, nous n’avons même pas besoin de chercher une méthode saine de planning familial : elle existe déjà.
L’auto-observation de la fertilité, ou méthode naturelle de régulation de naissances, est bien, comme le montrent des études scientifiques, une méthode hautement efficace lorsque les couples sont bien formés et qu’ils l’utilisent de manière appliquée – comme c’est le cas avec les méthodes hormonales ou autres.
Cela demande effectivement de changer de style de vie, mais le frein le plus important à ce changement est désormais du côté des professionnels de la santé, puisque la plupart d’entre eux n’en savent tout simplement pas assez, comme l’a clairement démontré une récente étude co-signée par le Dr Ellen Wiebe, du département de pratique généraliste de l’Université de la Colombie britannique. En fait, la plupart des médecins sous-estiment l’efficacité de la régulation naturelle des naissances, et seule une petite proportion d’entre eux fournissent une information sur cette option plus saine.
Dans un monde qui porte une attention croissante à la conservation de la nature et à la célébration des valeurs naturelles, il s’agit d’une anomalie, pour ne pas dire plus. Continuer à promouvoir des contraceptifs tout en laissant de côté une option saine ressemblerait fort à un engagement idéologique ou commercial qui n’aurait absolument rien à voir avec la santé reproductive des femmes. Ni même, d’ailleurs, avec la protection de la planète.
© Mercatornet, par Cristina Alarcon.
© pour la traduction : leblogdejeannesmits.
Très intéressant et bien amené…
Par contre quant on sait que certaines femmes sont déjà incapables de suivre le principe d'une régulation grâce à la pilule (!), on se demande bien comment on peut leur expliquer la régulation naturelle…