Et si l’on dispose de cette fourchette, c’est bien parce que cela se fait – à telle enseigne que bien des spécialistes de soins palliatifs pédiatriques ont connaissance directe de tels cas : il en était ainsi, d’après une enquête orale, pour la majorité des praticiens présents lors de la conférence où le sujet a été soulevé.
La conférence était celle du Dr Hal Siden, spécialiste de soins palliatifs pour enfants à Vancouver (Canada) lors du 18e congrès de soins palliatifs de Montréal au début du mois. Il y a présenté l’étude de cinq cas de la refus de nourriture et d’hydratation à des nouveau-nés gravement malades (handicapés neurologiques, hypoxie-ischémie, atrésie sévère de l’intestin) : ils avaient été transférés des soins intensifs en néonatalogie, après accord de leurs parents, vers son centre de soins palliatifs.
Il avait été décidé de ne plus les nourrir ni de les hydrater, tout en leur administrant des doses de sédatifs assez importantes pour éviter toute manifestation d’inconfort, les pleurs notamment, afin d’éviter de traumatiser leurs proches : les parents sont au demeurant les premiers demandeurs de cette sédation afin de s’assurer que leur bébé ne souffre pas. Ce qu’il était impossible d’éviter, cependant, c’était les signes d’émaciation des nouveau-nés…
Il semble bien qu’il s’agisse ici de cas d’euthanasie par omission : il n’est pas dit que la nourriture et l’hydratation n’étaient pas envisageables et même si dans ces cas l’espérance de vie était objectivement très courte la procédure engagée, la sédation palliative, avait apparemment pour objet de hâter le décès.
Ce qui a surpris les personnels médicaux, c’est le temps que les bébés ont mis à mourir.
Entre 3 et 26 jours, donc, pour des enfants âgés à leur mort de 18 à 67 jours. C’est dire à la fois l’incroyable pouvoir de résistance du corps humain – et une certaine insensibilité du corps médical même si l’objectif premier du Dr Siden était de s’assurer que ses parents ne souffraient en aucun cas. Raison pour laquelle il a mené cette étude : il a avoué avec beaucoup d’honnêteté qu’il ne sait pas si ces bébés sont neurologiquement capables d’avoir un comportement d’affamé ou s’ils souffrent effectivement malgré la sédation.
La longueur de la période de survie a été bien plus importante que celle qui était attendue pour la plupart des enfants et, au cours de cette attente douloureuse, le plus difficile à supporter pour les parents était les signes de la dénutrition et de la déshydratation de leur bébé. Pour ceux qui ont vécu le plus longtemps l’émaciation était extrême.
Le débat des soignants porte maintenant sur la manière de mieux connaître et de rendre compte du phénomène, pour éviter la souffrance des bébés, d’une part, mais de l’autre et surtout pour mieux informer, préparer et accompagner les parents, qu’il faut aussi avertir de la « cause du décès » qui est mentionnée dans ces cas sur le certificat médical : « mort de faim ».
Pour le Dr Joanne Wolfe, modératrice de la conférence, « tout le monde ne sait pas ni n’accepte qu’il est moralement et éthiquement admissible de prendre la décision d’arrêter » les interventions sur ces enfants, alors que le refus des soins ordinaires – on ne parle pas de l’acharnement thérapeutique – est une décision qui n’est compatible avec le devoir de respecter la vie que si ces soins représentent un inconfort inutile ou ne servent à rien en raison de la proximité du décès.
Source : Medscape via Bioedge.
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