Le remarquable texte sur le mariage et le « mariage » homosexuel dont je vous propose ci-dessous ma traduction a paru à l’origine dans The Public Discourse, et a été relayé avec l’autorisation expresse de ce dernier par MercatorNet, réseau de sites conservateurs australiens. Le texte, signé de Stephen Heaney, professeur associé de philosophie, est protégé par les lois du copyright ; je remercie le directeur du Public Discourse de m’avoir donné l’aimable autorisation de le traduire et de le publier en français sur mon blog. Aussi, par respect pour le travail de l’auteur et de la revue qui l’a publié, je relaie la demande faite aux internautes anglophones de ne pas le copier ou imprimer, lui ou sa traduction, à d’autres fins que personnelles, et de bien vouloir s’ils souhaitent le faire circuler renvoyer vers ce blog et les précisions que j’y donne.
« Abraham Lincoln demanda un jour combien de pattes a un chien, si l’on appelle sa queue, « patte ». La réponse, dit-il, est quatre : dire qu’une queue est une patte n’en fait pas une patte. On sourit, et on passe à autre chose.
Mais qu’en serait-il si les gens commençaient à soutenir qu’une queue est vraiment une patte ? Ils pourraient avancer que ce qui définit la patte, c’est le fait qu’il s’agit d’un appendice du corps du chien, qui contient des os et du muscle et qui est recouvert de peau et de poils – exactement comme une patte. Il se trouve simplement que la queue sort du corps à un angle différent par rapport aux autres pattes. Lorsque la queue est basse, qui peut bien faire la différence ?
Voilà un exemple de ce qui se passe lorsque l’on définit une chose selon des caractéristiques non-essentielles. C’est comme si l’on affirmait qu’un soldat est « un homme qui porte un uniforme et qui est muni d’une arme à feu », ou comme si l’on évoquait un stade de football comme « un champ entouré de nombreux sièges ». Dans les deux cas, ce que l’on dit peut être vrai, mais ne dit pas le tout de l’histoire.
Pour poursuivre la comparaison, les os et les muscles de la patte sont différents de ceux de la queue. Ils doivent soutenir le chien et lui permettre de courir et de sauter. Quelle que soit l’habileté du chien à remuer la queue, celle-ci ne le propulsera jamais nulle part. Il ne s’agit donc pas de dire que la patte a des os et des muscles, mais comment ceux si sont assemblés, et pourquoi. Une queue n’est pas une patte, parce qu’il lui est impossible de fonctionner comme telle.
D’aucuns pourraient répondre qu’il existe des pattes, chez beaucoup de chiens, qui sont incapables de les propulser où que ce soit. Ils ont des pattes cassées, ou un muscle atrophié ; ils peuvent même avoir perdu une de leurs pattes lors d’un accident. Si toutes les pattes ne sont pas capables de propulser le chien en avant, alors cette capacité n’est pas une caractéristique essentielle de la patte. Si les pattes folles sont des pattes, alors la queue en est une aussi !
Mais une patte blessée est toujours une patte. Réparez-la, et elle se mettra à fonctionner comme une patte. Si elle ne peut être réparée, ce fait ne change rien à la réalité de la chose : c’est une patte, quoique abîmée. Et la queue reste une queue.
La revendication du mariage homosexuel implique une fausse définition semblable. Le mariage est souvent caractérisé aujourd’hui selon les critères suivants : (1) deux personnes (2) qui s’aiment (3) veulent accomplir ensemble des actes sexuels, alors (4) ils consentent à mettre en commun leurs vies sur le plan sexuel, matériel et économique (5) avec l’agrément de la communauté. Puisque les couples de même sexe sont capables de satisfaire aux quatre premiers critères, comment la société peut-elle leur refuser le cinquième ?
On comprend aisément pourquoi cela causerait un sentiment de vexation, pas seulement pour les couples de même sexe qui recherchent la ratification communautaire de leur relation, mais pour des millions d’autres. Si les critères énumérés ci-dessus caractérisent effectivement le mariage – et dans la société occidentale contemporaine, nombreux sont ceux qui en sont venus à considérer le mariage comme ne signifiant rien de plus – alors le refus de reconnaître et de ratifier une relation homosexuelle est une injustice criante, une simple manifestation de sectarisme ou de stupidité.
Et en effet, d’ordinaire, le mariage présente précisément ces caractéristiques. Mais pourquoi ? Rappeler « pour quoi » nous aidera à nous rappeler comment elles se manifestent dans une relation qui dans son essence constitue un mariage – une essence qui est souvent différente dans d’autres types de relation.
Premièrement, les êtres humains ont un puissant désir d’avoir des relations sexuelles.
Deuxièmement, une relation sexuelle entre un homme et une femme suscite naturellement et fréquemment des enfants. Le mâle et la femelle ont chacun, seul, une partie d’un système reproducteur complet. Sans les deux parties, la reproduction ne peut se produire. Sans le résultat : les enfants, le fait que nous disposions de ces organes serait une vraie énigme, tout comme le fait que nous nous sentions si intensément poussés à nous engager dans des actes sexuels.
Troisièmement, élever des enfants est une responsabilité qui engage la vie tout entière. En tant qu’êtres profondément sociaux, nous restons liés les uns aux autres à travers les générations. Même les adultes qui ont leurs propres enfants ont besoin de la sagesse et des conseils de leur père et de leur mère. Il est plus facile pour ceux qui entrent dans ce genre de projet qu’ils aient de l’affection l’un pour l’autre, et qu’ils construisent une amitié fondée sur le don de soi. Réaliser ces actes de manière aimante est la manière proprement humaine de le faire.
Quatrièmement, parce qu’elles suscitent des enfants, les relations sexuelles ont des conséquences sociales extraordinaires. Il ne s’agit pas, comme nous aimerions peut-être le penser, d’actes purement privés. Cela a une grande importance pour la communauté de savoir qui s’y livre et dans quelles circonstances. Alors, la communauté ratifie certains arrangements sexuels ; les autres, qui ne sont pas conformes à la plénitude de la vérité de la sexualité humaine, sont rejetés par la communauté comme indignes d’êtres humains. Pour soutenir ceux qui en sont dignes, elle propose l’institution du mariage. Dans le mariage, le couple promet devant la communauté d’accomplir son projet par les vœux de fidélité et de permanence, unissant leurs corps et leurs vies afin de donner au projet la possibilité de se réaliser. La communauté promet d’assurer au couple l’intimité pour ses actes sexuels, et pour prendre soin l’un de l’autre ; elle soutient en outre la famille par le jeu de protections et de d’avantages appropriés. Il se peut que d’autres puissent jouir d’avantages similaires pour des raisons différentes, mais voici pourquoi des avantages sont liés au mariage : pour aider le projet du mariage à prospérer.
Si la sexualité ne nous apportait pas naturellement une descendance, il serait difficile d’expliquer la raison de son existence, que l’on croie en une évolution purement matérielle ou en un ordonnateur aimant de l’univers, car elle n’aurait pas de finalité.
Les religions peuvent bénir le mariage, mais elles ne l’ont pas inventé. Parce qu’il implique des réalités aussi profondément humaines, il n’est pas étonnant que le sexe et le mariage aient une signification religieuse. Mais le sexe et le mariage ont existé aussi longtemps qu’il y a eu des communautés humaines.
Si nous acceptons la fausse définition du mariage en retenant ses caractéristiques non-essentielles comme rendant compte du tout de l’histoire, il serait impossible de refuser le mariage homosexuel. Mais si l’on tient compte de la vérité entière, il est impossible de l’accepter. Quelle que soit sa ressemblance superficielle avec le mariage véritable, la relation homosexuelle est incapable de fonctionner comme un mariage. Aujourd’hui, les mariages s’écroulent, les familles sont déchirées, la société perd pied. Pourquoi ? Parce que nous ne vivons pas dans la vérité. Nous acceptons une mauvaise définition du mariage, acquiesçons à n’importe quel arrangement sexuel, nous glorifions la quête du plaisir sexuel et traitons les enfants comme un moyen de satisfaire nos désirs. De manière écrasante, la recherche montre que le fait d’élever les enfants dans un environnement autre que celui de ses deux parents naturels cause des dommages. Parfois ces dommages sont inévitables, comme lorsque l’un des parents meurt, mais nous ne devrions pas les rechercher. Et cela n’aidera sûrement en rien de dire que l’impossible est réel. Nous avons besoin de la vérité. Nous devons réparer les pattes. Appeler une patte, « queue », ne fait qu’aggraver les choses. »
Stephen J. Heaney est professeur associé de philosophie à l’Université de Saint Thomas à Saint Paul, Minnesota.
© du texte original : The Witherspoon Institute, publication originale : The Public Discourse.
© de la traduction française : leblogdejeannesmits.
… Si aristotélicienne était un juron … Et au fond l'auteur à raison, il s'agit toujours et avant tout d'une histoire de queue qui nous dérange !
Excellent texte que je vous remercie d'avoir traduit pour nous.
Je m'excuse de rajouter mon misérable grain de sel, mais je suis continuellement frappée de ce que personne ne dit jamais que les duos de même sexe n'ont pas et ne peuvent pas avoir de relations sexuelles; puisque leurs organes génitaux ne sont pas complémentaires, ils ne peuvent pas s'unir, tout simplement.
@ franck.
Vous aviez pourtant un bon mot tout cuit d'avance : « péripatéticienne ». A la prochaine !
Bonjour.
Vous êtes contre le mariage gay, mais j'aimerai savoir ce que vous penser sur d'autres sujets.
Que pensez-vous au sujet de l'adoption par des couples homosexuels?
Et des parents qui, après avoir eu des enfants, change d'orientation sexuelle et deviennent homosexuels?
Et enfin que pensez-vous des homosexuels? pensez-vous comme certains que l'on devrait les envoyés faire des thérapies pour essayer de les faire changer?
Je ne veux pas juger, juste poser des questions.