Un 7e membre de l’Académie pontificale pour la vie (APV) vient de rompre le silence à propos de l’assemblée annuelle de l’institution où Mgr Rino Fisichella avait refusé, en février, de lever l’ambiguïté née de la lettre qu’il avait publiée dans L’Osservatore Romano à propos de la petite fille de Recife soumise à l’avortement de ses jumeaux. Le Pr Josef Seifert avait été en première ligne au printemps dernier lorsque l’affaire avait éclaté et à vrai dire j’avais trouvé étrange l’absence de son nom au bas de la déclaration par laquelle Mgr Schooyans, Christine de Marcellus Vollmer et trois autres académiciens avaient exprimé leur défiance à l’égard de Rino Fisichella comme président de l’APV.
Sollicité par LifeSiteNews, le Pr Josef Seiferta répondu par écrit pour dire son entier soutien aux cinq signataires (après celui de Judie Brown, voir ici). « Il est à craindre que Mgr Fisichella demeure véritablement, de manière ferme et irrévocable, sur les positions exprimées dans son article, ne regrettant même pas en privé » les « conséquences immensément dommageables » de la justification implicite de l’avortement qu’il contenait.
Josef Seifert raconte que lors de l’assemblée de l’APV à Rome en février, cherchant à obtenir une solution à la crise « dans la paix et dans la vérité », il avait préparé un document réaffirmant l’enseignement de l’Eglise dont il voulait solliciter la signature par Mgr Fisichella et par tous les autres membres de l’Académie.
« Je l’ai montré à Mgr Fisichella avec l’intention que nous puissions le distribuer ensemble. Il a refusé. »
Le Pr Josef Seifert, fondateur et recteur de l’Académie internationale de philosophie du Liechtenstein, enseigne au Vatican et dans diverses universités du monde, spécialiste des questions du respect de la vie, réclame lui aussi la démission de Mgr Fisichella.
On pourra se reporter à l’interview qu’il m’avait donnée pour Présent que j’ai republiée ici sur ce blog.
Ci-dessous, ma traduction d’extraits de sa longue déclaration écrite à LifeSite, avec quelques résumés par mes soins (en italique).
Le Pr Seifert estimant que tout avait été dit par les cinq signataires de la déclaration, pensant aussi que la Clarification de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en juillet avait mis fin à l’affaire qui est désormais entre les mains du Saint-Père, s’était abstenu de réagir publiquement. Il jugeait que lui, en tant que laïc, n’avait pas à intervenir publiquement.
« Mais après beaucoup de réflexion et de prière, me rappelant le rôle décisif exercé par la critique du laïcat de l’arianisme professé par la majorité des évêques catholiques pendant l’une des plus grandes crises de l’Eglise, en vue de prévenir la fatale hérésie arienne, et le rôle crucial joué par la critique – y compris du pape – exprimée par la jeune Catherine de Sienne pour la réforme de l’Eglise de son temps, il m’a semblé juste et nécessaire de ne pas rester silencieux, y compris à l’égard des médias, à propos d’une affaire doctrinale de très grande importance, affaire qui met en péril la vie de bien des enfants à naître, et aussi des âmes et qui a donc de très importantes retombées pratiques, éthiques et spirituelles. En outre, puisque les médias a été gravement désinformée à propos de la réunion de notre assemblée, j’ai pensé que le temps du silence était révolu. »
Le Pr Seifert rappelle alors qu’il s’était estimé obligé l’an dernier de se désolidariser publiquement de l’article publié par Mgr Rino Fisichella qui équivalait à la « justification par un évêque de l’avortement lors de certaines circonstances tragiques, abandonnant ainsi son troupeau et le nourrissant d’erreurs pernicieuses plutôt que de la vérité ». Il réagit désormais notamment à la fausse affirmation d’harmonie au sein de l’APV par Mgr Fisichella.
« Alors qu’il n’est certainement pas faux que l’article de Mgr Fisichella a été abusivement utilisé et manipulé afin d’en tirer la conclusion que l’enseignement de l’Eglise sur tout avortement provoqué, et compris l’avortement thérapeutique, a changé, il demeure aussi totalement évident que les fausses affirmations clairement rejetées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sont de fait présentes dans l’article de l’archevêque dans L’Osservatore Romano, et pas seulement dans les interprétations erronées et les manipulations de ses paroles, ainsi que Mgr Fisichella l’interprète, donnant l’impression que la Clarifiaction confirmait de nouveau et justifiait son article et son refus persistant de reprendre ne serait-ce qu’une seule de ses affirmations. »
Le Pr Seifert détaille en suite les quatre affirmations de l’article de Fisichella : • il suggère que l’avortement n’est pas forcément un mal et qu’il peut s’agir un acte de miséricorde pour sauver la vie, • il dit que dans le cas de Recife, les médecins n’encouraient (ne « méritaient ») pas l’excommunication automatique attachée à l’acte d’avortement, • il affirme que l’excommunication est n’est pas un acte de miséricorde alors qu’il a pour but le salut éternel de la personnel, et • il affirme que dans des circonstances dramatiques comme celui de la petite fille de Recife (qui n’était pas en danger de mort, rappelle-t-il) les médecins sont seuls avec leur conscience plutôt que d’être guidés par la vérité.
Ces quatre points méritent d’être traduits in extenso et j’espère pouvoir le faire dans les jours à venir.
Le Pr Seifert souligne combien les Clarifications de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi exposent excellemment l’enseignement de l’Eglise à ce propos, ajoutant que Fisichella n’a jamais rétracté ce qu’il avait écrit de contraire mais qu’il avait au contraire en quelque sorte tiré ces Clarifications à lui pour donner l’impression qu’elles justifiaient ce qu’il avait écrit. D’où la proposition de la part de Josef Seifert d’obtenir une Communio et Pax in Veritate à travers la signature commune d’une réaffirmation des vérités défendues par l’APV : il explique qu’il n’aurait jamais évoqué cette proposition ni le refus de Fisichella si celui-ci n’avait injustement attaqué ceux qui l’avaient conteste, et s’il n’avait pas présenté comme une « harmonie » au sein de l’APV le respectueux silence de ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui et qui restaient dans l’attente d’une décision pontificale.
« Il se peut bien que Mgr Fisichella ait refusé la distribution et la signature du texte que je lui ai soumis pour diverses raisons légitimés (quoiqu’erronées à mon avis). Mais après la série d’événements décrits par les cinq signataires de la réponse précédente à vos demandes et la manière constante dont il a évité d’affirmer son rejet des graves erreurs qu’aussi bien des pro-vie que des pro-avortement ont vues dans son article, il est à craindre que Mgr Fisichella ne demeure véritablement, de manière ferme et irrévocable, sur les positions exprimées dans son article, ne regrettant même pas en privé, au sein de l’APV, et encore moins publiquement, les conséquences immensément dommageables et les interprétations de ses paroles qui peuvent être comprises comme justifiant l’avortement dans les cas où un grand dommage pourrait résulter d’une naissance.
« Puisqu’il est presque impossible d’éviter d’en tirer cette conclusion, je suis en plein accord avec les auteurs de la lettre que vous avez reçue de la part de cinq membres distingués de l’APV, parmi lesquels l’auteur des analyses théologiques les plus approfondies de l’article de Mgr Fisichella, Mgr Michel Schooyans, et à mon avis, nonobstant le fait qu’une telle décision relève de la seule autorité du pape, Mgr Fisichella est absolument inapte à être président de l’APV.
« Cependant, si les auteurs de la lettre indiquent qu’ils espèrent ou s’attendent à ce que le Saint-Père lui donne une tâche plus conforme à ses aptitudes, je me sens obligé d’ajouter une remarque très ouverte : même si Mgr Fisichella est un esprit brillant, qu’il bénéficie d’une superbe éducation dans bien des domaines, qu’il possède un talent linguistique qui lui permet de s’exprimer dans toutes les langues de l’APV, et bien d’autres forces qui montrent une extraordinaire préparation à des tâches plus hautes, j’ai tendance à penser que sa déclaration directement contraire à l’enseignement limpide de deux Encycliques et contre la déclaration dogmatique d’Evangelium Vitae selon laquelle n’importe quel type d’avortement, dans tous les cas, est gravement mauvais, rendrait impossible sa nomination en tant qu’évêque d’un diocèse, et encore moins d’un diocèse attaché au chapeau et au rang de cardinal. Bien que je ne sois évidemment point pape et même pas Monseigneur, mais un misero laico, un minable laïc, comme mon cher ami le cardinal Caffara m’appelait plaisantant à demi, j’estime néanmoins de mon devoir de rappeler aux plus hautes autorités de l’Eglise, que ce n’est pas la politique, ni l’efficacité pour mettre en œuvre des changements législatifs désirés par l’Eglise ou pour empêcher ceux dont elle ne veut pas, ni les talents et dons intellectuels les plus élevés, mais seul l’engagement inébranlable et courageux au service de l’intégralité de l’enseignement de l’Eglise qui peut qualifier une personne pour les positions d’influence et de responsabilité du troupeau pour lequel le Christ a déposé sa vie, et aucun respect humain, aucune attache cléricale, aucune habitude cléricale mais seule la vérité doit conduire l’Eglise à nommer un homme à une chaire d’évêque pour devenir successeur des Apôtres et plus haut représentant du Magistère après le Pape et les Conciles de l’Eglise. J’ajouterais : si j’étais évêque et avais devant moi le plus brillant et le plus savant des séminaristes au monde, qui me demanderait de l’ordonner prêtre en ayant exprimé de telles opinions sur l’avortement, je ne l’ordonnerais jamais prêtre et si je devais tout de même le faire, craindrais pour mon salut éternel.
« Il est inutile de dire que ce n’est ni la rancune ni le ressentiment qui ont conduit six d’entre nous à écrire ce que nous avons écrit avec un cœur qui saigne, ce n’est pas non plus un intérêt fanatique pour les batailles et les guerres intestines, mais seulement un engagement inconditionnel pour la vérité que nous avons juré de défendre. Et j’espère encore que Mgr Fisichella, pour qui je prie tous les jours en le nommant, en viendra à le comprendre et qu’il entera dans une communion et une paix fondées sur la vérité. »
Dans un prochain message, je publierai la traduction du texte que Mgr Fisichella n’a pas voulu signer ni proposer à la signature des membres de l’APV.