Des médecins du centre médical Erasme (Erasmus Medisch Centrum) viennent de proposer une révolution dans le domaine de la récupération d’organes : prélever un, ou même deux reins avant même le constat du décès. Cela permettra, assurent-ils, de disposer de davantage de reins, qui seront en outre en meilleur état, tout en respectant plus exactement la volonté du donneur d’organes qui peut ensuite mourir en toute tranquillité. Seule condition : que le donneur ait manifesté son accord pour ce type de procédure.
L’idée a été lancée aujourd’hui dans un journal médical néerlandais par un spécialiste d’éthique médicale, Erwin Kompanje, et par un médecin-chercheur, Yorick de Groot, qui travaillent tous deux aux soins intensifs pour adultes du Erasmus MC. Ils suggèrent de prélever le ou les reins dès la décision de mettre fin aux soins jugés « futiles », alors que le patient vit encore, puisqu’à partir de ce moment-là on constate « la plupart du temps » que la mort survient au bout de quelques heures. La procédure permettrait de se passer de la période « hands-off » (« pas-touche ! ») de cinq minutes actuellement observée après l’arrêt du cœur et de la respiration, et de ne pas enlever le corps de l’être cher aux proches immédiatement après la mort pour opérer les prélèvements, pour la bonne raison qu’ils seraient déjà faits.
Ainsi pourrait-on pallier la pénurie née de la diminution du nombre d’accidents mortels et à la multiplication des refus de prélèvement de la part des familles des donneurs.
Les deux chercheurs ne récusent pas la règle du « donneur mort » – qui déjà est très disputée vue la définition de plus en plus fluctuante de la mort puisque bien des organes vitaux ne présentent un intérêt que s’ils sont encore irrigués – mais posent ouvertement des questions :
« Cette règle est de nature à rassurer la société quant au fait qu’on ne prélèvera pas d’organes avant que le patient ne soit vraiment mort. Et quant au fait que le prélèvement ne provoquera pas la mort. Pourtant cette “règle” a été contestée ces derniers temps. Il est des scientifiques qui posent que la “mort cérébrale en tant que mort” n’est plus défendable, et qu’au lieu de mort cérébrale il faudrait parler de brain failure, la défaillance cérébrale irréversible. »
Parmi les objections possibles, les deux chercheurs évoquent la souffrance supplémentaire que pourrait causer le prélèvement d’organes ainsi que l’agonie prolongée qui serait associée au prélèvement de deux reins qu’ils envisagent de manière moins ouverte, mais cela serait à mettre en balance avec les « avantages non négligeables ».