Le Parlement canadien a commandé un rapport pour évaluer la « viabilité » de sa « structure financière » dans le contexte du vieillissement démographique. Publié jeudi à Ottawa, il pose clairement le problème :
« Une telle évaluation repose sur une perspective à long terme, puisqu’au Canada, comme dans les autres pays industrialisés, une transition démographique majeure est en cours, ce qui entraînera des tensions au niveau des finances du gouvernement. Pendant ce temps, le vieillissement de la population fera en sorte qu’une plus grande part des Canadiens quittera l’âge d’activité maximale pour accéder à la retraite. Alors que la population vieillit, on prévoit que les pressions au niveau des dépenses dans les domaines, comme les soins de santé et les prestations pour les aînés s’intensifieront. Pendant ce temps, on prévoit que le ralentissement au niveau de la croissance de la main-d’œuvre limitera la croissance de l’économie, ce qui, à son tour, ralentira la croissance au niveau des recettes du gouvernement. »
Quel que soit le scénario retenu en fonction de l’engagement financier des pouvoirs publics, le rapport prévoit une hausse vertigineuse de la dette publique qui atteindrait 100 % du PIB d’ici à 2040 ou 2050 environ, et 200 % dès 2050 ou 2065 selon les projections. On préconise donc des mesures pour atténuer ces effets : plus d’impôts, par exemple…
Le déficit démographique, lui, ne semble pas pouvoir s’inverser à en croire les rédacteurs.
« La part de la population canadienne de 65 ans et plus augmentera de façon dramatique dans l’avenir, alors que la baisse du taux de fertilité qu’on a observée depuis la fin des années 1950 combinée aux augmentations de l’espérance de vie observées au cours des 80 dernières années a donné lieu à une structure de la population qui rend une telle situation inévitable. Cette transition sera particulièrement prononcée au cours des 20 prochaines années, alors que la génération des baby-boomers, soit ces gens qui sont nés entre 1947 et 1966, atteindront l’âge de 65 ans. »
Ils ajoutent :
« La structure démographique de la population canadienne constitue un des principaux facteurs de la projection économique et financière à long terme du DPB (Directeur parlementaire du budget). »
Et ils n’envisagent pas une remontée du taux de fécondité des femmes canadiennes puisque celui-ci est resté à peu près constant de 1997 à 2006 à 1,5 enfant par femme en âge de procréer. (Précisons qu’avec un tel taux, chaque génération diminue d’un quart par rapport à la précédente : trois personnes à la place de quatre.)
Le rapport rappelle aussi que l’espérance de vie a augmenté de manière spectaculaire, et nous apprend opportunément que « l’espérance de vie des femmes à la naissance a toujours été plus élevée par rapport à leurs homologues mâles » (si, si !). Et la dépendance s’accroît et s’accroîtra d’autant.
Du fait de la décroissance de la main-d’œuvre, prévoit un fort ralentissement de la croissance, tout de même envisagée positive d’ici à 2059 à un peu moins de 1 % par an – bien que la demande sera nécessairement plombée par le vieillissement et du rétrécissement des foyers qui auront de moins en moins de besoins de consommation et de logement, ajouterons-nous.
Sur le plan budgétaire, on attend de la baisse du nombre des jeunes la possibilité de dégager des fonds pour les plus vieux :
« Alors que la population du Canada vieillit, les programmes assortis d’avantages destinés précisément aux groupes plus âgés, comme les prestations aux aînés, ou dont les coûts sont disproportionnellement attribuables aux groupes plus âgés, comme les soins de santé, deviendront relativement plus importants et plus dispendieux. Par contre, les programmes dont les avantages s’adressent aux groupes moins âgés, comme les prestations pour enfants, ou qui sont utilisés relativement plus souvent par les individus des groupes moins âgés, tels les programmes dans le domaine de l’éducation, deviendront relativement plus abordables. »
Le rapport propose ensuite une série de scénarios supposés atténuer tous ces problèmes, sans jamais suggérer que l’arrivée de davantage de petits Canadiens pourrait avoir pour effet d’atténuer des projections dont on semble vouloir minimiser le côté pour le moins inquiétant.
On y parle plutôt d’augmentation de la pression fiscale et de baisse des dépenses publiques, sans noter que cette baisse des moyens qu’endurera probablement la population active et jeune dans les années à venir rendra toujours plus difficile le choix d’avoir des enfants.
Le rapport se trouve ici.
Et ils n'évoquent pas la solution miracle d'une immigration plus massive ? C'est fort curieux.
Cher Yves Daoudal,
Les rédacteurs du rapport ont proposé des scénarios envisageant des hypothèses basses et hautes d'immigration, mais estiment que l'immigration s'est stabilisée et ne croîtra pas beaucoup.
“Depuis le milieu des années 1990, les
taux d'immigration ont été relativement stables,
pour atteindre en moyenne 7,3 immigrants par
1 000 individus dans la population. À compter de
maintenant, le DPB prend pour acquis que le taux
d'immigration restera stable à 7,0 pour cent par
1 000 individus jusqu’en 2056, alors qu’on présume que le niveau d’immigration restera constant.
Cette hypothèse est conforme au scénario moyen
Rapport sur la viabilité financière de Statistique Canada jusqu’en 2031, mais elle repose sur un niveau d’immigration plus élevé par
la suite.”
Je vous laisse apprécier la qualité de rédaction du rapport qui parle de “7 pour mille” puis de “7 pour cent pour mille” (???)…
Quoi qu'il en soit les extrêmes retenus ne laissent pas envisager, selon le rapport, une importante modification des projections chiffrées : la croissance de la population resterait dans tous les cas en deça de 0,85 % par an, toujours portée par l'allongement de la durée de vie.
Ces facteurs sont tellement importants : nombre de vieillards et explosion de la “dépendance” que le la variation des autres facteurs devrait être beaucoup plus importante pour influer sur l'ensemble.
La réponse ici est de toute façon financière.
Amitiés