Une polémique fait la une de la presse espagnole à propos du Cardinal Cañizares, nommé en décembre préfet de la Congrégation pour le culte divin. Celui-ci a commenté sur la chaîne espagnole Antena 3 le scandale des abus de multiples natures, sexuels et autres, subis avant 1980 par plusieurs milliers de garçons et de filles irlandais de la part de religieux dans des institutions caholiques, en ajoutant que l’Eglise demandait « pardon » pour ces horreurs, mais en ajoutant aussi qu’il n’y avait pas de commune mesure avec les millions de victimes de l’avortement.
Patrice de Plunkett y a trouvé une nouvelle cause de scandale. Sur son blog, il écrit ceci :
Commentaire – La douloureuse et courageuse attitude des évêques irlandais rend stupéfiante l’intervention du cardinal espagnol Cañizares citée par La Croix du 29 mai :
« Commentant ce scandale, Mgr Cañizares, nommé en décembre par le Vatican préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, a déclaré jeudi : “Ce qui a pu se passer dans un certain nombre de collèges n’est pas comparable avec les millions de vies détruites par l’avortement.”. »L’avortement est une atrocité. Mais les sévices sur enfants (par des gens du clergé) sont une monstruosité, dont on sait les ravages quand on connaît un peu les Irlandais…. Prétendre estomper ceci en invoquant cela est un procédé honteux. Et si ce n’est pas un procédé, alors c’est d’une bêtise qui défie l’évaluation. De quoi se mêle le cardinal espagnol ? Depuis quand les abus sexuels relèvent-ils de sa congrégation ? Ne voit-il pas quel mauvais service il rend à la défense de la vie, en pratiquant un amalgame aussi intolérable ? Un concours de pataquès (dantesques) s’ouvre-t-il entre le
cardinal Cañizares et le cardinal Re, qui se rendit coupable d’une intrusion du
même genre dans l’affaire de Recife ?
J’avoue ne pas comprendre. Une fois de plus, c’est sur une citation incomplète et hors contexte que s’exprime l’indignation. Si l’on devait s’en tenir simplement à ce que La Croix rapporte, une transposition simple permettrait de comprendre que le propos n’est pas scandaleux. Imaginez en effet que le cardinal ait dit : « Ce qui a pu se passer dans un certain nombre de collèges n’est pas comparable avec les millions de vies détruites par la Shoah. » Je pense que personne ne pourrait contester cela, ce qui n’empêche évidemment pas de condamner la « monstruosité » des sévices sur enfants, surtout lorsque des religieux s’en sont rendus coupables.
Mais il faut aussi comprendre que l’Espagne est au sein d’une bataille terrible contre la libéralisation de l’avortement, une bataille dans laquelle l’épiscopat s’est lancée avec vigueur et courage, avec le soutien d’un prince de l’Eglise que d’aucuns ont appelé « le petit Ratzinger ». Que c’est une bataille d’aujourd’hui, et non un scandale du passé. Qu’aujourd’hui, l’avortement fait 42 millions de victimes dans le monde chaque année (chiffres du Guttmacher Institute, pro-avortement légal).
Le cardinal de Tolède, à la veille de quitter sa ville pour rejoindre la Ville éternelle, a maintenu son propos et l’a ré-expliqué au cours de l’émission En la Tarde con Cristina sur Cope.
« Simplement : je réprouve tous les abus commis sur les mineurs. Comment pourrais-je ne pas réprouver ce qui est intrinsèquement mauvais ? Comment ne pas réprouver le fait qu’il y ait des actes qui, en effet, constituent un abus de la dignité des petits avec toutes les conséquences que cela comporte ? Mais il faut aussi réprouver de façon absolument absolue cette chose intrinsèquement perverse qu’est l’avortement. Ce sont 40 millions d’êtres sans défense, faibles, fragiles qui sont légalement assassinés chaque année dans le monde. Cela est très grave (…). Oter la vie à quelqu’un, c’est plus grave que de lui causer des traumatismes. Cela ne justifie en rien, et je ne veux en rien justifier, tout ce qui relève des délits sur les mineurs. Ce sont des délits très graves, énormément graves. Mais le commandement “Tu ne tueras pas” est d’une absolue gravité et il faut le considérer comme tel.
« En ce moment où nous sommes en train de revendiquer une société nouvelle, une société en paix, une société libre, une société qui respecte les droits humains, si l’on ne respecte pas le droit à la vie, que respectons-nous ? Si nous ne respectons pas la dignité d’un être humain – je dis bien un être humain, pas un être vivant – qui grandit dans le sein de sa mère, et qu’on ne laisse pas naître, où est la plus grande violence ? (…)
« On souligne que ces petits qui ont été aussi brutalement traités, l’ont été contre leur volonté. Mais a-t-on tenu compte de l’avis de ces petits êtres humains qui sont dans le sein de leur mère, pour savoir s’ils décident de naître ou non ? Là, il n’y a que la décision de la mère ou la décision de ceux qui conduisent la mère à accepter cette réalité terrible qui est celle de l’avortement. »
Les propos du cardinal ( « pataquès dantesque », vraiment?) ont été condamnés d’abord et surtout par la gauche espagnole au pouvoir. Le ministre de la Santé et de la Politique sociale Trinidad Jiménez – elle préside notamment à la promotion du projet d’avortement qui « est un droit et qui sera gratuit pour pouvoir être exercé » (ici) – a qualifié les paroles du Cardinal d’« inappropriées et irresponsables » parce que les abus sexuels « commis normalement sur des mineurs contre leur volonté » les « affectent de manière terrible pour le restant de leurs jours ».
Reste que les législations occidentales prévoient des peines plus lourdes pour ceux qui ôtent la vie que pour ceux qui violent, même lorsque leurs victimes sont mineures. (En France, 20 ans de réclusion pour un viol sur mineur de 15 ans, contre 30 ans pour le meurtre.)