Dans sa lettre 304, l’association Paix Liturgique s’est penchée, tel le médecin sur un mourant, sur le diocèse de Langres. Voici quelques extraits :
Le diocèse correspond à l’un des départements les plus ruraux de France. Sa population, à peine 190 000 habitants, est vieillissante et seulement deux agglomérations dépassent les 25 000 habitants (Chaumont et Saint-Dizier). En partie en raison de cette démographie défavorable – la Haute-Marne est l’un des départements français au dépeuplement le plus marqué –, le diocèse a été l’un des pionniers du “remembrement paroissial” en érigeant 31 paroisses en août 1998 en lieu et place des 445 paroisses historiques. Depuis le rattachement du diocèse à la province ecclésiastique de Reims, les services de l’évêché collaborent de plus en plus avec ceux du diocèse de Troyes. Il n’est pas exagéré d’écrire que, comme bien d’autres diocèses de la Vieille Europe, le diocèse de Langres est aujourd’hui en sursis. Il ne compte plus que 42 prêtres en activité dont seulement 10 ont moins de 50 ans. Le plus jeune d’entre eux, le père Vallon, a été ordonné en juin de cette année.
Né en 1938, Mgr Philippe Gueneley est, depuis 1999 et selon la liste officielle, le 119ème évêque de Langres. De formation littéraire, enseignant durant de nombreuses années, il n’est pas connu pour faire de vagues, mais peut déraper quand il se sent en difficulté. Au sein de la Conférence des Évêques (CEF), il est membre de la commission épiscopale pour la liturgie et la pastorale sacramentelle. Il est également co-président du groupe “Conversations évangéliques – catholiques“, né en 1996 à l’initiative de Mgr Daucourt pour “permettre une meilleure connaissance mutuelle” entre catholiques et protestants évangéliques et “aborder ensemble certaines questions éthiques”. Golias, dans son dernier trombinoscope, juge cet homme fatigué “en fin de course”.
À son “crédit”, la disparition quasi totale des funérailles religieuses dans le diocèse. À un fidèle qui lui demandait pourquoi, sur sa directive, il n’y avait plus d’obsèques par les prêtres, Mgr Gueneley a répondu avec un humour très CEF qu’il les célébrerait volontiers lui-même mais qu’il n’était “jamais libre avant 20 heures et qu’à cette heure les pompes funèbres n’étaient pas disponibles“. Une “philosophie” qu’il a su inculquer à ses prêtres, comme l’illustrent ces quelques lignes de La Croix, le 3 septembre 2009 : le curé de Joinville « a aussi décidé de ne plus prendre en charge tous les enterrements. Il intervient pour les situations les plus difficiles : suicides, décès de jeunes. Pour le reste, il fait confiance aux trois équipes de laïcs en charge de la pastorale des funérailles. “Sinon, je pourrais passer ma journée à célébrer des obsèques !” » Une “philosophie” que le tout jeune père Vallon a lui aussi parfaitement assimilée puisque dans la présentation qui lui est consacrée sur le site du diocèse, il a cette formule : “Je ne souhaite pas être réduit au rôle de distributeur de sacrements, mais je tiens à être pasteur, proche des gens avec qui je vivrai !” Comme si s’occuper des défunts n’était pas souvent, de nos jours et tout spécialement en zone rurale, l’une des dernières occasions de pouvoir témoigner auprès des vivants…
Concernant la forme extraordinaire, c’est presque le néant :
À croire, comme nous l’a dit avec verve une fidèle de 89 ans, que le clergé local “n’a pas attendu le missel de Paul VI pour tout envoyer paître”… Remarquons toutefois que les plus anciens fidèles de l’ouest du diocèse gardent un vibrant souvenir de l’abbé Jean Isoir, curé de Nully, village situé à une dizaine de kilomètres au sud du Lac du Der, dont ils n’ont pas oublié la soutane et le soin qu’il portait à son église comme à sa liturgie. Actuellement, la seule célébration extraordinaire du diocèse est celle assurée à Joinville, dans l’ancien couvent de l’Annonciade, par la Fraternité Saint Pie X. Une célébration que n’ignorent pas les autorités diocésaines puisque, depuis l’an dernier, autorisation est faite aux fidèles de la FSSPX de se recueillir dans l’église de Joinville le 1er mai pour y vénérer les reliques de saint Joseph. Un geste “d’accueil” et non de “communion” a précisé le diocèse, mais un geste tout de même qu’il fait bon saluer.
Malheureusement, le seul accueil réservé aux fidèles diocésains demandeurs de la forme extraordinaire en vertu du Motu Proprio Summorum Pontificum, c’est le mépris. Certes, début 2008, Mgr Gueneley a consacré trois heures à les rencontrer mais pour mieux dérouler toute la panoplie des prétextes légitimant son refus. Du coup, les fidèles ont constitué une association loi 1901 baptisée “Saint Martin de Haute-Marne pour l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum” dont l’objet est de “demander et solliciter par l’autorité ecclésiastique des célébrations liturgiques suivant la forme extraordinaire du rite romain, donc selon l’édition 1962 du Missale Romanum du Bienheureux Jean XXIII, et selon les autres livres liturgiques en vigueur de la même date, aider la préparation des célébrations, le service liturgique, la publicité des lieux et heures des messes“. En septembre 2008, les animateurs du groupe ont repris leurs démarches à zéro en contactant à nouveau le curé de la paroisse où ils souhaitent obtenir la célébration. Invités à s’adresser encore une fois à l’évêque, ils s’entretiennent avec lui au téléphone en octobre 2008 avant de lui adresser un courrier réitérant leur demande de messe à Saint-Dizier. Le 25 novembre 2008, Mgr Gueneley répond par courrier et renouvelle son refus, estimant que le groupe n’a pas d’existence valable, car… il s’est créé après la promulgation du Motu Proprio, que de toute façon il ne dispose pas de prêtres et qu’il ne veut pas de prêtres d’un institut Ecclesia Dei car ceux-ci seraient extérieurs au diocèse. Ce dernier argument est savoureux car le diocèse de Langres compte de nombreux prêtres étrangers au diocèse et même des missionnaires lazaristes venus de la Réunion et du Burundi.
Aujourd’hui, l’heure est à la succession de Mgr Gueneley.
Il n’y a guère de doute : une fois encore, c’est à Rome que se jouera bientôt le sort du diocèse de Langres et on peut espérer que le cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, n’ignorera pas la question liturgique – et d’abord l’ultime chance de sauvetage du diocèse – lorsque sera constituée la terna des épiscopables présentée à l’assemblé de sa Congrégation puis au Souverain Pontife. À moins que, ce qu’à Dieu ne plaise, à Langres comme à Rodez ou en d’autres endroits, les pesanteurs conservatrices ne jouent en faveur de la bonne vieille cooptation pour faire appuyer par le nonce apostolique un évêque qui se refusera à enterrer les catholiques, mais qui achèvera d’enterrer le diocèse.